Vatican - Le document du Vatican sur le genre veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes - LCI 14/6/2019

L'appel au dialogue ne peut dissimuler les aspects idéologiques du texte

Robert Mickens, Rome, Cité du Vatican

14 juin 2019

 

Les évêques catholiques, y compris ceux des bureaux du Vatican, ne sont pas de nos jours les autorités les plus crédibles sur les questions relatives à la sexualité.

Peu de gens seraient en désaccord avec cela, sauf peut-être les évêques eux-mêmes. Et, bien sûr, ceux qui s'efforcent d'être nommés évêques.

Le manque de crédibilité de leur discours moral sur la sexualité ne s'explique pas seulement par la gestion désastreuse de la pandémie d'abus sexuels perpétrés par le clergé.

Ce n'est pas non plus le fait que les évêques soient célibataires, qu’ils aient promis de renoncer à l'intimité sexuelle et à toute autre expression de la sexualité génitale.

Les organes génitaux sont au centre du dernier document de la Congrégation pour l’éducation catholique dirigée presque exclusivement par des clercs. Il s’intitule "Homme et femme il les a créés : vers une voie de dialogue sur la question de la théorie du genre dans l'éducation". Il a été publié à l'improviste le 10 juin sans préavis ni avertissement.

En publiant ce texte de 31 pages l'intention déclarée de la congrégation est d'aider "à guider la réflexion catholique dans les débats en cours sur la sexualité humaine et à relever les défis qui émergent de l'idéologie du genre".

 

Qui a écrit ce document ?

On ne sait pas vraiment qui l’a écrit. Ce n'est probablement pas le cardinal Giuseppe Versaldi, préfet italien de la congrégation, âgé de 75 ans, ni les trente autres cardinaux qui en sont membres.

L'auteur est peut-être l'une des 21 autres personnes (principalement des prêtres) qui travaillent officiellement pour Versaldi au Vatican. Seulement trois d'entre elles sont des femmes.

Deux de ces femmes sont du personnel technique, ce qui signifie qu'elles n'ont rien à voir avec l'élaboration des textes et donc ne contribuent pas au contenu des documents.

Il est possible que l'auteur de ce nouveau texte soit l'un des 26 "consulteurs" (de la Congrégation pour l'éducation catholique).

Ils comprennent deux évêques, 10 prêtres, 10 laïcs hommes, une laïque et une sœur religieuse. Est-il possible qu'un expert de la soi-disant "théorie du genre" soit caché au milieu d'eux ?

Ou peut-être est-ce Marguerite Peeters ? La journaliste belge, guerrière de la culture conservatrice, est une auteure favorite et une partisane du cardinal Robert Sarah.

Professeure à l'Université pontificale Urbanium de Rome, elle est depuis longtemps la spécialiste incontestée du Vatican sur "l'idéologie du genre".

Peeters n'est pas une consultante de la Congrégation pour l'éducation catholique, mais elle joue ce rôle au sein du Conseil pontifical pour la culture et a été également consultante auprès de l'ancien conseil des laïcs.

Peu importe qui ait écrit ce nouveau document, rien dans celui-ci ne marque un changement par rapport au traitement étriqué que le Vatican a apporté jusqu'à présent aux problèmes qu'il aborde.

 

Que dire ?

Ce qui est à remarquer à propos de "Homme et femme il les a créés" c'est l'appel au dialogue qui se trouve dans son titre.

L'auteur ou les auteurs déclarent que "la voie du dialogue, qui implique écoute, réflexion et propositions, apparaît comme le moyen le plus efficace de transformer les inquiétudes et les malentendus" autour de la question du genre.

Ils disent préconiser le dialogue pour surmonter "les approches fondées sur l'idéologie pour résoudre les questions délicates relatives au genre".

Mais, comme d'autres l'ont souligné, le document semble avoir été écrit en violation de ce principe. Avec qui les auteurs ont-ils dialogué avant d'écrire ce texte ?

Le document lui-même n'est-il pas profondément affecté par ses propres approches idéologiques ?

Celles-ci sont enracinées dans une résistance obstinée à l’un des progrès scientifique - biologique, psychologique et sociologique - des cent dernières années qui remet en question et même réfute certains des fondements anthropologiques datant du 13ème siècle de « l’enseignement officiel de l’Église » sur la sexualité humaine.

L'appel au dialogue de ce document du Vatican ne cherche rien de moins qu’à nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Pour ça il doit être ignoré, qui plus est s’il se révèle être jugement insensible et cruel des personnes, en particulier de celles qui se sentent transgenres.

 

Une façon inhabituelle de publier un document.

La manière dont ce nouveau document a été publié soulève d’importantes questions quant à sa véritable intention ; cela laisse surtout à se demander qui est le public visé. Ce texte est tombé du ciel sans préavis.

Certains d'entre nous ont été informés de l'existence du document environ quatre jours avant sa publication effective. Et l’information ne provenait pas de sources vaticanes.

En règle générale, lorsqu'un bureau de la Curie romaine publie un document, le Bureau de presse du Saint-Siège fait une annonce quelques jours en avance de la publication dont il indique la date, et en remet une copie sous embargo aux journalistes accrédités au moins quelques heures avant la publication effective.

Très souvent, le chef de bureau et autres experts (y compris parfois le « nègre » -qui a rédigé-, ndt) tiennent une conférence de presse pour présenter le document et en souligner les points importants.

Rien de tout cela ne s'est produit avec ce nouveau texte de la Congrégation de l'éducation catholique.

À exactement 13 h 00 le 10 juin, alors que la plupart des romains commençaient à s'asseoir pour le repas de midi, le service de presse a envoyé un courrier électronique aux journalistes avec le titre suivant : « Information importante : Document de la Fondation pour l'éducation catholique, embargo absolu ».

L’ « information importante » contenue dans cet e-mail était le nouveau document sur le genre, sous embargo strict jusqu'à 15 h 30.

Nous avons reçu le texte en sept langues différentes ainsi que l’adresse d'un site Web en italien exclusivement réservé à la Congrégation pour l'éducation catholique (www.educatio.va), dont la plupart d'entre nous ignorions l’existence.

Étrangement, le 14 juin, le nouveau document ne se trouvait pas sur le site Web officiel du Vatican (www.vatican.va), ni même dans la section spécialement conçue pour le bureau de l’éducation où la quasi-totalité de ses documents passés et récents sont disponibles.

Au bas de la longue première page du site officiel du Vatican, vous trouverez un lien vers ce site secondaire. Celui qui s'y rend doit naviguer beaucoup (et connaître un peu l'italien) pour savoir où trouver des copies du document dans d'autres langues.

 

Des miettes pour les conservateurs.

Tout cela pourrait amener à conclure que le nouveau document n'est pas un texte sur lequel la Congrégation pour l'éducation catholique ou le dicastère de la communication du Vatican étaient particulièrement désireux de mettre l’accent.

Mon hypothèse est que ce document est destiné à apaiser les traditionalistes catholiques et autres conservateurs qui comptent parmi les critiques les plus virulents du pape François "vraiment trop ​ libéral".

Cela ressemble beaucoup à des miettes pour les conservateurs. Mais certains d’entre eux ont considéré cela comme un beau steak  juteux, en particulier à cause des protestations et des critiques suscitées par le document venant des catholiques progressistes qui sont favorables au pape.

Un quotidien italien très conservateur a affirmé que ces critiques du document sur le genre prouvent que des catholiques progressistes se joignent maintenant aux traditionalistes pour se retourner contre François.

Bien tenté, mais ça ne marche pas. Aussi troublant que certaines personnes puissent trouver ce nouveau document, ce n'est pas « l'Humanae Vitae » de François.

Malgré le fait que le pape François soit probablement d’accord avec la plus grande partie de ce qui est écrit dans le texte, il ne l’a pas signé et il n'a pas ordonné qu'il soit publié.

La plupart des catholiques et de ceux qui se reconnaissent dans ce pape ne se détourneront pas de lui à cause de ce qui est écrit dans ces 31 pages.

Au lieu de cela, ils continueront à soutenir François - même si parfois il les secoue - car ils savent que ses actions parlent plus que les mots.

 

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Vatican document on gender is like lipstick on a pig

The call for dialogue cannot disguise the text's uncompromising ideological views

Robert Mickens, Rome

Vatican City

June 14, 2019

Catholic bishops, including those in Vatican offices, are not exactly the most credible authorities on issues pertaining to sexuality these days.

Few people would disagree with this, except – maybe – bishops themselves. And, of course, those who are trying hard to be named bishops.

The lack of credibility on sexual morality is not just because of the hierarchs' disastrous mishandling of the still-unfolding clergy sex abuse pandemic.

Neither is it the fact that the bishops are unmarried men, who have promised to renounce sexual intimacy and any genital expression of it.

But genitalia are exactly the focus (or mis-focus) of the latest document from the almost exclusively cleric-led Congregation for Catholic Education. It's called, "Male and Female He Created Them: Towards a path of dialogue on the question of gender theory in education." It was released out of the blue on June 10 with no advanced notice or warning.

The congregation's stated intention by issuing this 31-page text is to help "guide Catholic contributions to the ongoing debate about human sexuality, and to address the challenges that emerge from gender ideology."

Who's the guy that wrote this document?

It's not clear who actually wrote this. But it probably was not Cardinal Giuseppe Versaldi, the congregation's 75-year-old Italian prefect, or the other thirty-some cardinals who are members of the congregation.

Maybe the author was one of the other 21 people (mostly priests) who officially work in Versaldi's office at the Vatican. Only three of them are women.

But two of these women are merely technical staff, which means they have nothing to do with shaping policy or contributing to the content of documents.

It could be that the person who wrote this new text is one of the 26 "consultors" of the Congregation for Catholic Education.

They include two bishops, 10 priests, 10 laymen, a laywoman and a religious sister. Is it likely an expert on so-called "gender theory" is hidden in their midst?

Or perhaps it was Marguerite Peeters? The Belgian journalist and conservative culture warrior is a favorite author and supporter of Cardinal Robert Sarah.

A professor at the Pontifical Urbanium University in Rome, she has long been the Vatican's go-to expert on "gender ideology."

Peeters is not a consultor of the Congregation for Catholic Education, but she has such a role at the Pontifical Council for Culture and was also a consultor at the former council for the laity.

No mater who wrote this new document, there is nothing in it that marks a change from the Vatican's up-to-now piecemeal treatment of the issues it addresses.

Can we talk?

But there is one truly remarkable thing about "Male and Female He Created Them." It is the document's call for dialogue, which is put forth in its very title.

The author or authors state "the path of dialogue, which involves listening, reasoning and proposing, appears the most effective way towards a positive transformation of concerns and misunderstandings" surround the gender question.

And their alleged reason for advocating dialogue is to overcome "ideologically-driven approaches to the delicate questions around gender."

But, as others have pointed out, the document seems to have been written in violation of this very principle. With whom did the authors dialogue before writing this text?

And is the document itself not deeply flawed by its own ideologically-driven approaches?

Those would be rooted in a stubborn resistance to any of the validated scientific – biological, psychological and sociological – advances and insights in the past hundreds of years that challenge and even disprove some of the 13th century anthropological underpinnings of "official Church teaching" on human sexuality.

This Vatican document's call to dialogue is nothing more than putting lipstick on a pig.

It could be shucked off and ignored for the bogus attempt that it is, except that the text itself amounts to a cruel and insensitive judgment on the consciences (and motives) of real people, especially those who feel and have discovered themselves to be transgender.

An unusual way to release a document

The manner in which this new document was released raises important questions over its real intent; it especially leaves one wondering who is the intended audience. The text basically fell out of the air without any advanced notice.

Some of us were tipped off about the existence of the document about four days before its actual release. But this was not from sources within the Vatican.

Generally, when a Roman Curia office issues a document, the Holy See Press Office makes an announcement some days in advance, states the date the text will be made public and gives accredited journalists an embargoed copy of that document at least a few hours before it is officially released.

And very often the head of the office and other experts (sometimes including the ghostwriter/s) hold a press conference to present the document and highlight its importance.

None of this happened with the Congregation of Education's new text on gender.

At exactly 1:00 p.m. on June 10, the time most people in Rome begin to sit down for their midday meal, the press office sent journalists an email with the following subject line: "INFO UTILE: Documento della Congregazione per l'Educazione Cattolica - Embargo Assoluto."

The "useful information" in this particular email was the new document on gender under strict embargo until 3:30 p.m..

We received the text in seven different languages and the URL to an exclusively Italian language website for the Congregation for Catholic Education (www.educatio.va), which most of us did not know even existed.

Strangely, as of June 14 the new document was not to be found on the Vatican's official website (www.vatican.va) – not even in the section especially designed for the education office and where almost all of its past and even recent documents are available.

Near the very bottom of the long first page on the official Vatican site there actually is a link to this secondary site. But even if one goes there he or she has to do a lot of navigating (and had better know some Italian) to figure out where copies of documents can be found in other languages.

Crumbs for the conservatives.

All this could lead one to reasonably conclude that the new document is not something over which the Congregation for Catholic Education or the Vatican communications dicastery were particularly eager to create great fanfare.

My guess is that this document is really intended to placate Catholic traditionalists and other social conservatives who are among the most vocal critics of the "far too liberal" Pope Francis.

It looks very much like crumbs for the conservatives. But some of them have seen this as juicy red meat, especially because of the protests and criticisms the document has evoked from more progressive-minded Catholics who tend to be favorable of the pope.

One very conservative Italian daily argued that such criticism of the gender document is proof that so-called progressive Catholics are now joining with the traditionalists and turning against Francis.

Nice try, but that doesn't wash. As disturbing as some people find the new document, it is not this pope's equivalent to Humanae Vitae.

And in fact, despite the fact that Pope Francis probably agrees with most of what is written in the text, he did not sign it. And neither did he order it to be published.

Most Catholics and other people who are inspired by this pope are not going to turn away because of what is written in these 31 pages.

Instead, they will continue to support Francis – even as he inspires and also challenges them – because they know this pope's actions speak louder than words.

 

 

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