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Radical, modéré et indispensable

 

Le catholicisme social doit se montrer à la hauteur de la tâche en ces temps difficiles

Résumé de l’article publié par E. J. Dionne Jr. -États-Unis- dans Commonweal [1].

Le catholicisme est peu présent dans la vie publique américaine.

Si sa doctrine sociale est admirée bien au-delà des limites de l'Église, elle reste mal connue et insuffisamment appréciée par les fidèles.

Les personnes inspirées par la pensée catholique ont toujours été conscientes de l'importance de l'équilibre entre la responsabilité personnelle et le souci de la communauté, entre les droits individuels et le bien commun. Ce sens de l'équilibre pourrait être un antidote à beaucoup des problèmes de notre vie publique. Mais dans tant de discours des chefs de l'Église, nous entendons beaucoup plus parler de guerre culturelle que de cet équilibre, de morosité que d'espoir dans la modernité, de risques que de possibilités.

Les enseignements de l'Église sur la politique n’ont ni la radicalité ni la modération indispensables : radicalité pour une critique pointue de la situation, modération pour comprendre les différentes alternatives et considérer que les êtres humains sont capables de transcendance et de rédemption…

L'Église

Je suis déçu que le catholicisme américain n'apporte pas à notre politique ce que le pape François a appelé "la joie de l'Evangile". Cette joie me modère pour décrire ce que d'autres pourraient à juste titre considérer comme l'échec scandaleux des dirigeants de l’Eglise à parler sans peur et clairement contre les échecs sociaux et moraux de la présidence Trump…

Je suis triste face à l’étroitesse du témoignage de l'Église américaine et à son incapacité à tirer parti de l'énorme ouverture qu'offre la papauté du pape François…

Le moment est venu de renouveler l'adhésion au catholicisme social qui a donné naissance à la démocratie chrétienne, de donner un rôle dynamique au catholicisme pour établir une relation saine avec la modernité.

Après 1945, l'Église a pris des mesures décisives, ratifiées par le Concile Vatican II, pour accepter les avancées de la modernité en matière de démocratie, de liberté religieuse et de droits de l'homme. Dans le même temps, elle a maintenu une attitude critique à l'égard du glissement du monde contemporain vers un individualisme radical…

Mais nous sommes troublés face à l'insistance de tant de catholiques de droite, y compris de certains évêques et prêtres, pour que ce soit une obligation morale de voter pour un homme qui peut être considéré à juste titre comme le président le plus corrompu, moralement défectueux, égoïste et sectaire de l'histoire de notre nation…

Les sondages montrent que la principale division parmi les catholiques en 2020, comme en 2016, se fait selon des critères ethniques et raciaux. Les catholiques blancs offrent un soutien majoritaire à Donald Trump, les hispaniques et les catholiques noirs s'opposent à lui, ce qui signifie que les catholiques sont divisés selon les mêmes lignes que le reste du pays…

De nombreux catholiques ont rejoint leurs frères évangéliques blancs pour soutenir Trump en raison de son opposition (nouvelle) à l'avortement, et comme rempart contre ce qu'ils appellent la menace du laïcisme libéral.

Mais cela ne suffit pas à expliquer le soutien des catholiques à Trump, et nous devons également faire face à une vérité troublante : les catholiques blancs, comme les protestants blancs, sont dans de nombreux cas attirés par l'appel de Trump à la réaction raciale plutôt que repoussés par celle-ci…

On aurait pu penser que l'élection du pape François conduirait à un appel à la conscience sur de telles questions et à un renouveau d'un catholicisme plus social aux États-Unis. Au contraire, les principaux évêques américains ont été parmi les détracteurs les plus enthousiastes de François. Ils ont vivement critiqué la direction dans laquelle il mène l'Église.

Les évêques catholiques américains continuent de parler de "maux intrinsèques", de "questions non négociables" et, plus récemment, de la lutte contre l'avortement comme leur "priorité première".

Le déclin du catholicisme progressiste

Le déclin du catholicisme progressiste reflète non seulement une réorientation de la hiérarchie durant les années Jean-Paul II et Benoît XVI, mais aussi une transformation de la base sociale de l'Église américaine…

Ceux qui continuent à s'identifier comme catholiques sont plus âgés et, dans l'ensemble, plus conservateurs…

Plus le christianisme, y compris le catholicisme, est associé à la politique de droite, plus les progressistes religieux, en particulier les jeunes, sont enclins à rejeter les institutions de la foi…et plus il devient facile pour les politiciens de droite de présenter les libéraux comme hostiles à la croyance elle-même…

La profonde division dont nous sommes témoins parmi les voix publiques catholiques dans la campagne présidentielle de cette année est un signe de la lutte plus large qui se déroule au sein de l'Église, reflétée dans les attitudes contradictoires envers le projet de François…

Le fondement de ma vie

"Si l'Eglise est vivante," a déclaré le pape François, "elle doit toujours surprendre."

E. J. Dionne Jr. est un chroniqueur, professeur de sciences politiques à l'université de Georgetown (Université jésuite de Washinton DC), directeur de recherche à la Brookings Institution, et collaborateur de Commonweal. Son dernier livre s'intitule « Code Red : How Progressives and Moderates Can Unite To Save Our Country » / « La ligne rouge  : comment progressistes et modérés peuvent s’unir pour sauver notre pays », (Macmillan, 2020).

 

[1] Journal catholique progressiste publié par des laïcs (New York)

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