Pourquoi le nationalisme chrétien n'est pas chrétien

Pourquoi le nationalisme chrétien n'est pas chrétien

Thomas Reese, sj

Religion News Service of NCR

31 août 2022

 

Lorsque j'étais jeune garçon, dans les années 1950, les films de cow-boys étaient populaires. Il était facile de distinguer les bons des méchants car les bons y portaient des chapeaux blancs et montaient des chevaux blancs, et les méchants portaient des chapeaux noirs et montaient des chevaux noirs.

Malheureusement, dans la vie réelle, nous sommes nombreux à vouloir séparer les gens entre les bons et les méchants. Les bons sont nos amis et nos voisins, les méchants sont ceux qui sont de nationalité, de croyance, de couleur ou de parti politique différents. Les bons sont membres de notre Église, les mauvais ne le sont pas. Nos coreligionnaires vont au ciel, tous les autres vont en enfer.

Dans les Écritures hébraïques, nous constatons que le peuple d'Israël considérait également que le monde était divisé entre les bons et les méchants. Le peuple d'Israël était le bon parce qu'il avait une alliance spéciale avec Dieu et il avait souvent le sentiment que cela excluait tous les autres du contact avec Dieu.

Certains livres de l'Ancien Testament, comme Ruth et Jonas, remettent en cause cette vision. L'un des auteurs d'Isaïe[1], connu par les spécialistes des Écritures sous le nom de Trito-Isaïe, rappelle au peuple d'Israël que Dieu appelle tous les hommes. Le Trito-Isaïe fait dire au Seigneur : "Je viens pour rassembler les nations de toute langue ; elles viendront et verront ma gloire."

Ce même thème est repris dans l'Évangile de Luc où Jésus nous dit que "Des gens viendront de l'est et de l'ouest, du nord et du sud, et prendront place au festin dans le royaume des cieux."

La volonté salvatrice de Dieu est universelle ; elle s'étend à tous les hommes. Chaque personne sur terre se voit offrir l'amour et la grâce de Dieu. Dans la mesure où ils répondent, ils seront enveloppés de l'amour de Dieu. Dans la mesure où ils disent oui à Dieu, ils seront unis à Dieu. Cela peut se produire sans le baptême. Cela peut même se produire lorsqu'une personne mène une vie aimante sans reconnaître l'amour de Dieu dans sa vie.

C'est ce que l'Église catholique a affirmé lors du Concile Vatican II (1962-1965)[2]. L'œcuménisme consiste à reconnaître que Dieu peut parler à tous les hommes, même à ceux qui ne font pas partie de l'Église catholique et même à ceux qui ne sont pas chrétiens.

Les évangiles nous demandent de regarder au-delà des frontières de notre communauté, au-delà des frontières de nos quartiers et au-delà des frontières de notre nation. Un chrétien doit voir tous les gens comme des frères et sœurs capables d'entendre l'Esprit de Dieu. Nous pouvons apprendre à mieux entendre le Seigneur en nous écoutant et en nous respectant les uns les autres. C'est le but du dialogue œcuménique et interreligieux.

Aujourd'hui, de nombreux Américains embrassent le nationalisme chrétien, arguant que les fondateurs de notre république étaient chrétiens et qu'ils voulaient que nous soyons une nation chrétienne. S'il est historiquement vrai que la plupart de nos pères fondateurs étaient chrétiens, il est également vrai qu'ils voulaient un gouvernement laïc, libre de toute religion. Ils avaient vu comment l'union de la politique et de la religion en Europe avait conduit à des persécutions et des guerres religieuses. Ces guerres et persécutions ont conduit de nombreuses personnes à fuir l'Europe pour l'Amérique. Les fondateurs voulaient un gouvernement qui traiterait les gens de toutes les confessions de la même manière.

Pour John Adams, cela signifiait même autoriser les Jésuites à obtenir l'asile.

"Je n'aime pas la réapparition des Jésuites", écrit-il à Thomas Jefferson en 1816. "Ne devrions-nous pas en avoir régulièrement ici, sous autant de déguisements que seul un roi des gitans peut revêtir, habillés en imprimeurs, éditeurs, écrivains et maîtres d'école ? Si jamais il y a eu un corps d'hommes qui a mérité la damnation sur la terre et en enfer, c'est bien cette société de Loyola. Néanmoins, nous sommes contraints par notre système de tolérance religieuse de leur offrir l’asile."

Le nationalisme chrétien est erroné sur le plan théologique. Certes, en tant que chrétiens, nous devrions aimer notre pays, mais Jésus nous dit que nous devons aimer tout le monde comme nos frères et sœurs, même ceux d'autres croyances. Cela inclut nos concitoyens et ceux des autres nations.

Nous ne pouvons pas ignorer la pauvreté, la faim et la maladie qui affligent les gens en dehors de notre pays. Nous ne pouvons ignorer les violations des droits de l'homme et des droits des travailleurs qui nous fournissent des produits bon marché en provenance de l'étranger. Nous ne pouvons pas ignorer le réchauffement de la planète parce que nous avons l'air conditionné. Nous ne pouvons pas ignorer l'exploitation de l'environnement parce que ça ne nous touche pas directement.

En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas tourner le dos aux réfugiés d'Haïti, d'Afrique, du Mexique et d'Amérique centrale. Tous sont nos frères et sœurs.

Nous pouvons aimer notre pays, tout en reconnaissant que nous sommes, comme le peuple d'Israël dans l'Ancien Testament, un peuple pécheur qui a besoin du pardon et de la grâce de Dieu. Aimer notre pays n'est pas incompatible avec la reconnaissance du péché de l'esclavage, du génocide contre les peuples autochtones et de notre rôle dans le réchauffement climatique.

En tant que chrétiens, nous sommes appelés à confesser nos péchés, à faire pénitence et à amender nos vies. Le nationalisme chrétien est capable de confesser nos péchés et de nous engager à faire mieux.

La chronique de Thomas Reese, sj, pour Religion News Service, "Signs of the Times" (Signes des temps), paraît régulièrement sur le National Catholic Reporter.


[1] Le livre d’Isaïe se répartit entre trois auteurs : le proto-Isaïe, chap. 1 à 39, le deutéro-Isaïe, de 40 à 55 et le Trito-Isaïe de 56 à 66 (NdT)

[2] Cf. Nostra Ætate (NdT)

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