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les Liturgistes

         Des liturgistes autrichiens plaident pour la "bénédiction" des couples de même sexe

Le service de la liturgie des évêques catholiques a commandé un livre sur les unions homosexuelles

        par Christa Pongratz-Lippitt       Allemagne       17 juin 2020

 

                                 Un récent livre commandé par le service liturgie de la Conférence des évêques catholiques autrichiens, qui plaide pour la bénédiction sacramentelle[1] des couples de même sexe, a suscité un intérêt considérable dans le monde germanophone et au-delà. Cette semaine, il a suscité encore plus d'attention après que le responsable sortant de ce service, l'archevêque Franz Lackner, ofm[2] de Salzbourg, a été élu président de la conférence épiscopale autrichienne.

Le nouveau livre, qui n'existe qu'en allemand, est intitulé Benediktion von gleichgeschlechtlichen Partnerschaften ou "La bénédiction des partenariats de même sexe".

Co-écrit par le Frère Ewald Volgger, ot[3] et Florian Wegscheider, respectivement professeur et assistant professeur de liturgie et de théologie sacramentelle à l'Université catholique privée de Linz, cet ouvrage entre en territoire inconnu.

 

Les couples de même sexe peuvent-ils s'engager par le baptême à s'aimer les uns les autres ?

La première moitié du texte concerne les mariages homosexuels en Autriche d'un point de vue éthique et biblique. La seconde moitié propose des suggestions liturgiques pour les célébrations de bénédiction des couples de même sexe.

E. Volgger, un prêtre de l'Ordre d'Allemagne (ou Chevaliers Teutoniques), a déclaré que la question décisive pour lui est de savoir si des partenaires de même sexe qui s'aiment peuvent poursuivre leur vocation baptismale dans une vie commune et recevoir la bénédiction officielle de l'Église.

"La dimension pastorale réside dans la reconnaissance fondamentale de ce mode de vie par l'Eglise", a-t-il expliqué dans une longue interview publiée le 5 juin sur katholisch.de, le site officiel de la conférence épiscopale allemande.

Il a déclaré que l'Église pouvait reconnaître ce partenariat, qui exprime symboliquement l'amour de Dieu pour les êtres humains, en la bénissant par une bénédiction officielle.

"Beaucoup de déceptions et de souffrances seraient évitées et la discrimination serait rejetée", a déclaré ce prêtre de 58 ans.

 

La bénédiction sacramentelle : plus qu'une simple bénédiction

"Il serait clair pour les partenaires concernés qu'ils pourraient se présenter publiquement comme des personnes bénies par l'Église. Ce serait plus qu'une simple bénédiction. Comme un mariage, une bénédiction sacramentelle est officiellement inscrite dans le registre des baptêmes", a-t-il expliqué.

Lorsqu'on lui demande pourquoi il ne va pas jusqu'au bout et ne préconise pas le sacrement du mariage pour les couples de même sexe, E. Volgger répond qu'il est arrivé à la conclusion que la meilleure façon d'avancer est de progresser pas à pas dans une certaine retenue.

" Bien entendu l'essentiel de la reconnaissance est d'admettre que l'intimité sexuelle est un bien humain précieux", a-t-il souligné.

C'est pourquoi il appelle à une bénédiction sacramentelle, un acte officiel de bénédiction connu sous le nom de "sacramental". En théologie liturgique, a-t-il dit, une bénédiction est quelque chose de très précieux.

Néanmoins le mariage homosexuel est-il l'objectif à long terme ?

"Si l'enseignement de l'Eglise respecte la relation homosexuelle comme un déploiement de notre vocation baptismale, cela exprime que Dieu est présent et agit en Jésus-Christ. Cela constitue le caractère sacramentel de la relation", a-t-il déclaré.

"La désigner n'est pas le but premier. Ce qui est essentiel, c'est la reconnaissance de la vie commune de deux partenaires de même sexe que Dieu a réunis. La dimension théologique sous l'angle de la théologie de la grâce n'a pas été suffisamment prise en compte jusqu'à présent", a-t-il soutenu.

 

Les évêques appellent à une discussion sur les partenariats de même sexe

Son interlocuteur a parlé de ceux qui préféreraient une simple célébration de bénédiction qui ne serait pas sacramentelle, ce qui ne nécessiterait aucune modification de l'enseignement de l'Eglise, sa proposition semblant inutilement compliquer les choses.

Mais E. Volgger a déclaré qu'une célébration ecclésiale devait être conforme à l'enseignement de l'Eglise. Il a insisté sur le fait que l'Eglise devrait s’interroger ouvertement sur cette question et expliquer pourquoi une telle bénédiction ne serait pas possible.

Selon le prêtre-professeur des experts de différentes disciplines de la théologie et des sciences humaines ont pensé que ce l’était et ont argumenté pour que l'Eglise reconnaisse ce mode de vie. Il a souligné que plusieurs évêques ont demandé qu'il soit répondu aux questions concernant les partenariats entre personnes de même sexe.

"C'est pourquoi le Magistère a le devoir de réfléchir aux conséquences qu'il faut en tirer", a souligné E. Volgger.

Le catéchisme catholique, qui affirme que les partenariats homosexuels sont "intrinsèquement désordonnés" et "ne peuvent en aucun cas être approuvés", est diamétralement opposé à la proposition de E. Volgger. Pense-t-il donc qu'il est possible que l'Eglise fasse un virage à 180 degrés sur cette question, d'autant plus qu'un consensus global des catholiques semble loin d'être atteint ?

 

La discussion ne mène pas au schisme

"Il y a peut-être du vrai dans ces doutes…Mais en même temps, un nombre important d'évêques disent aux personnes concernées et aux prêtres engagés avec elles qu'il est essentiel d’avancer sur cette question", a-t-il déclaré.

E. Volgger a rappelé que l'évêque Georg Bätzing, président de la conférence épiscopale allemande, avait récemment déclaré qu'il espérait qu'il y aurait des accords entre les diocèses qui voulaient reconnaître les partenariats homosexuels et les unions de personnes divorcées et remariées.

Parmi les nombreuses réactions qu'il a reçues après la publication du livre, il a déclaré que beaucoup de lettres approuvaient son initiative et soulignaient l'importance de débattre et de faire avancer cette question dans le but de changer le droit de l'Église.

"Même si la formulation du catéchisme est encore très apodictique[4], cela ne signifie pas qu'il ne peut pas être révisé…Par Amoris laetitia, le pape François a inspiré un nouvel élan et de nouvelles perspectives sur le sujet soutenu par les études bibliques, la théologie morale et l'éthique", a-t-il souligné.

"Bien entendu je constate que nous avons encore un long chemin à parcourir : les différents pays, l'Église elle-même, l’œcuménisme et l’interreligieux n’avancent pas à la même vitesse. Mais l’existence d’un chemin ouvert signifie que nous pouvons le suivre dans la perspective d’un objectif à atteindre", a déclaré E. Volgger.

Il a rejeté toute crainte de schisme si la question homosexuelle devait aller plus loin. "Quiconque, pour empêcher la discussion, utilise des arguments tels que la peur du schisme, s’oppose aux débats objectifs…Ceux qui menacent d'un schisme dans l'Eglise sont invités à la discussion et au dialogue…Ce serait une expression de respect et de prudence envers de futures décisions solides", a-t-il affirmé.

Après tout, a-t-il ajouté, la mission fondamentale du message de l'Evangile est de chercher à travailler les uns avec les autres et les uns pour les autres, en incluant toutes les situations.

E. Volgger a rappelé et souligné que les homosexuels avaient le même droit à un partenariat responsable que les hétérosexuels.

Christa Pongratz-Lippitt écrit depuis Vienne où elle a passé de nombreuses années comme reporter et commentateur sur les affaires de l'Eglise dans le monde germanophone.

 


[1] Le français distingue « sacramentel » pour désigner ce qui a rapport aux sept signes répertoriés par l'Eglise catholique et « sacramental » pour désigner des signes non spécifiquement répertoriés. Le texte anglais (traduction du texte allemand) semble vouloir donner au geste proposé un « poids spirituel »  fort. C’est pourquoi le traducteur a choisi de parler d’un « sacramental » (le « geste ») et d’une « bénédiction sacramentelle » » pour tenter de respecter la pensée des auteurs.

[2] Ordre des Frères Mineurs, franciscains

[3] Ordre monastique Teutonique

[4] Qui s’appuie sur le droit et non sur les faits (NdT)

 

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Date de dernière mise à jour : 14/11/2020