Les évêques [américains] élisent un nouveau président opposé au Pape

Les évêques [américains] élisent un nouveau président opposé au Pape

Michael Sean Winters

NCR

15 novembre 2022

Les évêques américains ont envoyé un clair message de rejet au pape François en choisissant l'archevêque Timothy Broglio, qui dirige l'archidiocèse aux armées, comme président de la conférence épiscopale.

Ce choix par les évêques révèle leur orientation ecclésiologique profonde. De fait ils devaient décider s'ils acceptaient ou non de recevoir l’enseignement du concile Vatican II dans le contexte du magistère du pape François, un choix rendu crucial dans la perspective du processus synodal. Comme l'a rappelé le nonce apostolique, Christophe Pierre, dans son discours d'ouverture, les évêques gouvernent l'Église "cum Petro et sub Petro", avec Pierre et sous Pierre. Ils ont oublié cette loi ou l'ont ignorée.

Au cours de mes nombreuses années de participation aux réunions de la conférence épiscopale américaine, j'ai appris que, dans le choix des responsables de la conférence et des présidents des comités, les relations sont généralement, mais pas toujours, plus importantes que l'idéologie. Cette année les évêques ont fait un choix idéologique.

T. Broglio était un candidat qui rejette l'appel du Pape pour une Église plus ouverte et accompagnante, et souhaite un retour à la vision pré-conciliaire de son mentor et patron, le Cardinal Angelo Sodano.

L'archevêque de Seattle, Paul Etienne, représentait un changement de cap de la conférence en faveur d'un évêque plus jeune, qui adhère pleinement à la vision du pape François. Il dirige un archidiocèse d’immigration en pleine croissance et s'est imposé parmi les évêques les plus désireux d’une Église post-cléricale engagée et tournée vers l'extérieur, dont nous avons si désespérément besoin.

La candidature de l'archevêque de Baltimore, William Lori, offrait aux évêques l’occasion d’unir la conférence. Protégé de feu le cardinal James Hickey[1], qui était un homme d'Église de premier ordre, W. Lori est devenu un combattant de la guerre culturelle dans son rôle d'aumônier des Chevaliers de Colomb[2]. Aujourd'hui, il se tient dans le centrisme modéré qui est sa position naturelle.

L'évêque Daniel Flores de Brownsville[3] est l'un des évêques les plus intelligents et les plus éloquents du pays et représente la volonté d'unité. Conservateur à certains égards, il s'est engagé à la suite de François de manière significative, prenant souvent la parole sur Twitter pour réfléchir aux lectures du jour et aux commentaires du pape. Il dirige un grand diocèse frontalier. L’horizon des évêques qui vivent aux frontières s'élargit, les relations qu'ils construisent avec leurs homologues de l'autre côté [de la frontière] sont un témoignage de l'idée que les barrières nationales peuvent être transcendées. D. Flores aime la littérature et comprend le pape François par leur amour commun de la culture latino. Le choisir eut été un signe de la volonté des évêques de se rassembler.

Il est difficile d'imaginer à quel point le choix de T. Broglio est un rejet du pape. C'est le seul évêque des États-Unis en opposition de longue date avec François, tensions qui remontent à sa collaboration avec A. Sodano qui a tenté de supprimer la conférence épiscopale latino-américaine CELAM[4] et qui a protégé le pédophile Marcial Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ.

C'est avec la bienveillance de T. Broglio, alors nonce en République dominicaine et délégué apostolique à Porto Rico, que Daniel Fernández Torres a été nommé évêque. D. F. Torres a été contraint de quitter son poste d'évêque d'Arecibo, à Porto Rico, au début de l'année. Il était depuis longtemps une épine dans le pied des évêques de Porto Rico. Sa décision de s'opposer publiquement à leur soutien aux efforts pour freiner la propagation de la COVID-19 fut le geste de trop. Le pape a pris la décision inhabituelle de le destituer.

T. Broglio a soutenu ceux qui avaient des "objections de conscience" à se faire vacciner : "La question est de savoir si une croyance religieuse sincère peut faire penser à une personne que le vaccin viole sa conscience", a-t-il écrit. "C’est le cas."

C'est une mauvaise question. Chacun a le droit de ne pas se faire vacciner, mais par ce refus il ne peut revendiquer le droit de mettre les autres en danger. Tout comme l’objection de conscience à la guerre n’est pas opposition à l'effort de guerre ; un soldat qui rejette le vaccin ne peut pas s’opposer aux efforts pour protéger la santé des autres.

T. Broglio est obsédé par la question de l'homosexualité, et plus précisément par l’obligation de veiller à ce que personne ne confonde action pastorale et accompagnement avec la solidarité. Après la sortie du documentaire "François" d'Evgeny Afineevsky[5], dans lequel le pape s’exprime sur le rejet des personnes gays et lesbiennes, T. Broglio a publié une "clarification" des déclarations pastorales faites par le pape au réalisateur du film, les vidant de leur sens profond. Qui d’autre est capable de faire cela?

Au début du pontificat de François, il était courant de rencontrer ce genre de déclarations dans lesquelles celui qui n'était pas d'accord avec le pape, "expliquait" que "ce que le pape voulait dire était tout à fait différent de ce qu'il avait réellement dit". C'était courant parmi les commentateurs, mais pas parmi les évêques. Je ne me souviens pas que des évêques aient « clarifié » ce que le pape Jean-Paul II disait. C'est une démarche insultante.

Voilà l'homme que les évêques américains ont choisi pour les diriger pendant les trois prochaines années, un mandat qui se poursuivra jusqu'aux élections de 2024.

Que Dieu nous aide.

La conférence des évêques américains ne peut pas survivre en tant que la section prière du parti républicain.

Il est temps de changer.

Le changement que les évêques ont choisi est de revenir en arrière. C'est pitoyable.

Voir tous les textes relatifs à l’assemblée d’automne de la Conférence des Évêques

tarduit par Jean-Paul 


[1] Fut l’évêque de Washington D. C.

[2] Mouvement caritatif américain de tendance conservatrice

[3] Texas

[4] Conférence des Evêques Latino-Américains

[5] François et les questions du génocide des Rohingyas au Myanmar, de la guerre civile syrienne et du réchauffement climatique.

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