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Leçons d'un Synode

Leçons d'un Synode

 

Retour sur l'assemblée du Synode des évêques de 1985, qui a marqué le 20e anniversaire de Vatican II.

Sean Hall

Royaume-Uni

19 novembre 2021

Traduit par Jean-Paul

 

Alors que nous entamons les réflexions pour le "Synode sur la synodalité", il pourrait être intéressant de jeter un regard sur une assemblée synodale d’une autre époque.

En 1984, Jean-Paul II a annoncé qu'un synode des évêques aurait lieu l'année suivante pour marquer le 20e anniversaire de la clôture du Concile Vatican II (1962-65).

Lorsque cette assemblée a eu lieu en 1985, l'Église avait perdu plusieurs des théologiens clés du Concile.

Karl Rahner sj était mort en 1984. Yves Congar op était en très mauvaise santé. Hans Küng et Edward Schillebeeckx op avaient été mis sur la touche.

En revanche Joseph Ratzinger était désormais le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. C'est à cette époque qu'il a publié ses deux déclarations remettant en question la théologie de la libération. Il semble que ce soit par son influence que ce synode ait été convoqué.

Rapidement des questions préparatoires et un document de base ont été élaborés et les évêques se sont réunis pendant une brève période de deux semaines, du 24 novembre au 8 décembre 1985.

Processus critiqué

Le synode devait célébrer le Concile et aider à mieux le comprendre en interrogeant les signes des temps. Son organisation a fait l'objet de critiques sévères.

"La grande difficulté pour atteindre les objectifs fixés a été la courte durée du Synode (...11 jours seulement de travail effectif) et le manque de temps pour la préparation", a déclaré le cardinal brésilien Aloisio Lorscheider ofm, estimant que si la célébration avait été réussie, le travail sur le concile et les signes des temps n'était pas satisfaisant.

Il a exprimé sa pensée dans un article paru dans une édition spéciale de la revue théologique internationale Concilium. Publié un an après l'assemblée extraordinaire du Synode, ce numéro présentait les avis d’experts théologiques et canoniques de premier plan. Parmi eux se trouvaient Avery Dulles sj, Joseph Komonchak et James Provost des États-Unis, le dominicain franco-canadien Jean-Marie Tillard et d'autres personnalités de renommée internationale comme Peter Huizing, Herman Pottmeyer, Jan Kerkhofs et Ronaldo Munoz.

Dans sa contribution en tant que canoniste, M. Provost a abordé l'un des sujets du synode de 1985 : la réforme de la Curie romaine.

Les relations entre les structures de l'Eglise

Il a noté trois époques dans l’évolution des structures de l'Église.

Au cours du premier millénaire, l'Église romaine fonctionnait à peu près de la même manière que les autres Églises patriarcales, c'est-à-dire de manière synodale (ce qui, à cette époque, se limitait essentiellement au presbyterium de Rome et à des rassemblements occasionnels plus importants et plus internationaux).

La deuxième époque a commencé au 11e siècle, lorsque l'Église est devenue une cour princière de style occidental.

Puis, dans le sillage de la Réforme, elle est devenue la première bureaucratie moderne.

Pour J. Provost, c'est ce qu'elle était en 1985. Cependant la période préparatoire et le synode lui-même ont permis de discuter en profondeur de la relation entre la Curie et le synode (Aujourd'hui la synodalité s’est invitée dans cette relation).

Les relations entre les structures de l'Église ont été un thème permanent de discussion lors du synode de 1985. Comment comprendre la collégialité ? Quelle était la relation entre le pape et les évêques ? Comment un synode s'inscrit-il dans cette relation ? Quel statut donner aux conférences épiscopales nationales et régionales ?

Ces questions ont été largement débattues. Elles sont toujours présentes aujourd’hui mais dans un contexte très différent.

De l'optimisme au pessimisme

En 1985, l'optimisme de la fin de Vatican II s'était dissipé. Les événements mondiaux avaient conduit à s'éloigner des grands espoirs des années 1960 pour adopter une vision plus pessimiste de la nature humaine.

Le groupe germanophone de l'assemblée du synode, qui comprenait de puissants cardinaux conservateurs tels que J. Ratzinger, Joseph Höffner (Cologne) et Joachim Meisner (Berlin), a contribué très fortement à cette perspective.

"La crise actuelle de l'Église est largement dû à la sécularisation du monde qui s’exprime dans l’émancipation personnelle, le subjectivisme et le consumérisme".

Cette critique a imprégné les discussions autour de l’infection des conceptions théologiques de l'Église. Ainsi, l'image clé dans Lumen gentium de l'Église comme peuple de Dieu a été critiquée comme ayant conduit à un nivellement de l'Église.

La communion avait également été réduite à sa dimension horizontale, selon ces critiques allemandes. Le "Mystère" fut mis en avant comme un correctif et une impulsion à la restauration, aux yeux de ses partisans, de la dimension verticale de l'Eglise.

Subsidiarité, conférences épiscopales et dialogue

Bien que positif dans son évaluation du rapport final du synode de 1985, Jean-Marie Tillard op, a noté que certaines questions nécessitaient une discussion plus approfondie.

Il s'agissait notamment de la subsidiarité et du rôle des conférences épiscopales.

Ce dernier avait été sévèrement critiqué l'année précédente dans un rapport de la Commission théologique internationale, présidée par J. Ratzinger. L'idée qu'elles soient une expression de la collégialité a été jugée "théologiquement inadmissible".

Les temps ont changé.

Le principal résultat du Synode des évêques de 1985 a été, in fine, le Catéchisme de l'Église catholique, demandé par de nombreux prélats.

Malheureusement un autre résultat a été un frein efficace au dialogue, tant au sein de l'Église qu'entre l'Église et le monde.

Une voix prophétique venant d'Amérique latine

Heureusement l’atmosphère est différente aujourd’hui par le pape François qui appelle à un "Synode sur la synodalité".

François a eu une vaste expérience des chemins synodaux dans son Amérique latine natale. Il cite régulièrement dans ses écrits des documents produits par les conférences épiscopales du monde entier.

Dans le numéro de Concilium de 1986 le soin d'être prophétiques sur les besoins à venir a été laissé à deux voix de ce continent

Le cardinal Lorscheider, qui était à l'époque engagé dans le soutien de son confrère franciscain Leonardo Boff dans l'action engagée contre lui par la Commission pour la doctrine de la foi, a conclu ses réflexions en écrivant ceci :

« L'idée que l'Église doive changer sa position dans la société a fait très peu de chemin au niveau de l'Église universelle. On a pris soin d'éviter le mot "libération" dans le rapport final.

L'expression "salut intégral" a été préférée. Pour ma part, je ne vois pas une grande différence entre la libération intégrale en Jésus-Christ et le salut intégral en Jésus-Christ »

Le théologien chilien Ronaldo Munoz, commentant le rapport que la Commission théologique internationale a publié juste avant le synode de 1985, a noté son "ecclésiologie cléricale et hiérarchocentrée qui, il faut l'espérer, provoquera une crise - pour le bien de l'Église - lors du prochain synode mondial consacré aux laïcs".

La crise couve depuis longtemps, mais peut-être est-elle sur le point de porter ses fruits " pour le bien de l'Église ".

Sean Hall est un prêtre du diocèse catholique de Hexham et Newcastle (Angleterre).

Actuellement curé de St Mary of the Rosary (Forest Hall), il a auparavant enseigné la théologie au Ushaw College et a été conseiller pour l'éducation religieuse dans le diocèse.

Insights and lessons from a previous Synod assembly

A look back at the 1985 extraordinary assembly of the Synod of Bishops, which marked the 20th anniversary of Vatican II

By Sean Hall

United Kingdom

November 19, 2021

As we embark on reflections for the so-called "Synod on Synodality", it might be interesting to take a further look at a Synod assembly that took place in another era!

In 1984 John Paul II announced that an extraordinary assembly of the Synod of Bishops would take place the following year to mark the 20th anniversary of the closing of Second Vatican Council (1962-65).

By the time that assembly took place in 1985 the Church had already lost many of the key theological experts from the Council.

Karl Rahner SJ had died in 1984. Yves Congar OP was in very poor health. Hans Küng and Edward Schillebeeckx OP had, effectively, been side-lined.

Joseph Ratzinger, by contrast, was now the prefect of the Congregation for the Doctrine of the Faith. It was during this period that he issued his two statements questioning the validity in the Church of Liberation Theology.

It seems that it was largely at Ratzinger's behest that this extraordinary assembly of the Synod was called.

In short order preparatory questions and a basic document were prepared for the discussions and the bishops finally met over a brief two-week period from November 24-December 8, 1985.

Process criticized

Invoked to celebrate and to come to a better understanding of the Council, and to lay the foundations for its future help in appreciating the current signs of the times, the process came in for some heavy criticism.

"The great difficulty in attaining the objectives fixed was the short duration of the Synod (…a mere 11 days for real work) and the lack of time for preparation," said Brazilian Cardinal Aloisio Lorscheider OFM.

He thought that while the celebration and deepening aspects had been covered reasonably well, how the Council's work was to help in addressing current signs of the times was not done adequately at all.

The cardinal expressed those thoughts in an article that appeared in a special edition of the international theological review Concilium.

Coming a year after that extraordinary assembly of the Synod, the issue featured evaluations from some leading theological and canonical experts of the time.

They included Avery Dulles SJ, Joseph Komonchak and James Provost from the United States; the French-Canadian Dominican Jean-Marie Tillard; and other internationally known figures such like Peter Huizing, Herman Pottmeyer, Jan Kerkhofs and Ronaldo Munoz.

In his contribution as a canonist, Provost dealt with one of the topics that out of the 1985 Synod assembly – Reform of the Roman Curia (again!).

Relations between Church structures

He denoted three eras of structure in the Church.

In the First Millennium the Roman Church operated in much the same way as the other patriarchal Churches; that is, in a synodal way (which at this time was confined largely to the presbyterate in Rome and occasional larger, more international gatherings).

A second era began in the 11th century when the Church took on the trappings of a Western-style princely court.

Then, in the wake of the Reformation, it became the first modern bureaucracy.

For Provost that is what it remained in 1985, though in the preparatory period and in the Synod itself the relationship between the Curia and the Synod was a key point of discussion (as it is once again today, but now with a broader vision of synodality).

Relationships between Church structures was a constant theme of discussions at the 1985 Synod assembly.

How was collegiality to be understood? What was the relationship between the pope and the bishops? How did a synod fit into this? What standing in the Church might be given to national and regional episcopal conferences?

All these questions, and more, were much debated during this process. They are not so different from questions that are pored over today, but now in a very different context.

From optimism to pessimism

By 1985 the (naïve?) optimism of the ending of the Council twenty years earlier had dissipated. World events had led people to move away from the high hopes of the early 1960s into a more pessimistic view of human nature.

A very stark contribution to this perspective was given by the German-language group at the Synod assembly, which included powerful conservative cardinals such as Ratzinger, Joseph Höffner (of Cologne), and Joachim Meisner (then of Berlin).

"The present crisis in the Church is widely due to the secularised world being imported into it, above all in the form of spiralling emancipation, subjectivism, horizontalism and consumerism," the German said.

This critical mood pervaded discussions about how sociological categories had infected theological understandings of the Church.

Thus, Lumen gentium key image of the Church as the People of God was criticised as having led to a 'false' levelling of the Church.

Communion had also been reduced to its horizontal dimension, according to these German critics. In its place "Mystery" was once again put to the fore as a corrective and a fillip to the restoration, in the eyes of its proponents, of the vertical dimension of the Church.

Subsidiarity, episcopal conferences and dialogue

Although positive in his evaluation of the Final Report of the 1985 Synod assembly, Jean-Marie Tillard OP, noted that there were some outstanding issues which needed further discussion.

These included "subsidiarity" and the role of episcopal conferences.

These had only the year before been heavily critiqued in a report of the International Theological Commission, chaired by Ratzinger. The idea that they were in some way expressions of collegiality was deemed "theologically impermissible"!

How times have changed!

The main outcome of the 1985 extraordinary assembly of the Synod of Bishops was, ultimately, the production of the Catechism of the Catholic Church, something for which many prelates had been calling.

Another outcome, however, was an effective brake on dialogue both within the Church and between the Church and other groups.

A prophetic voice from Latin America

Thankfully, even if belatedly, almost forty years later a different atmosphere prevails in what Pope Francis is calling for in preparation for the current "Synod on Synodality".

Francis has had vast experience of synodal ways in his native Latin America and he regularly quotes from documents produced by bishops' conferences across the world in his own writings.

In fact, in that 1986 issue of Concilium it was left to two voices from that continent to be prophetic about the needs for the future.

Cardinal Lorscheider, who was at the time engaged in supporting his fellow Franciscan Leonardo Boff in the action taken against him by the CDF, concluded his reflections by writing the following:

The idea that the Church should change its position in society has still made very little headway at the level of the universal church. Care was even taken to avoid the word "liberation" in the final report.

The expression "integral salvation" was preferred. For my part I do not see much difference between integral liberation in Jesus Christ and integral salvation in Jesus Christ.

Chilean theologian Ronaldo Munoz, commenting on the report the International Theological Commission published just before the 1985 Synod assembly, noted that it presented a "markedly clerical and hierarcho-centric ecclesiology which, it is to be hoped, will provoke a crisis – for the good of the Church – at the next world synod, to be devoted to the laity.

"The "crisis" has been brewing for quite some time now, but perhaps it is about to bear fruit "for the good of the Church", at last.

Sean Hall is a presbyter in the Catholic Diocese of Hexham and Newcastle (England). Currently pastor of St Mary of the Rosary (Forest Hall), he previously taught theology at Ushaw College and has served as advisor for religious education in the diocese.

Read more at:

https://international.la-croix.com/news/religion/insights-and-lessons-from-a-previous-synod-assembly/15236

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