Le synode et l'antipape

Le synode et l'antipape

J. D. Flynn

The Pillar (Le Pilier)

20 septembre 2022

Je vous écris ce matin depuis la Californie, c'est pourquoi la lettre hebdomadaire du « Pillar » est en retard dans votre boîte de réception ; en effet il est encore tôt sur la côte ouest.

Le 20 septembre 1378, la plupart des membres du collège des cardinaux se sont réunis à huis clos à l'extérieur de Rome pour élire le cardinal Robert de Genève comme le pape Clément VII.

Robert avait été archevêque en France, pasteur en Angleterre et légat du pape. En 1377, il avait dirigé des troupes papales pour réprimer une rébellion dans la ville de Cesena, qui faisait partie des États pontificaux.

L'élection de Clément VII à la papauté posa un problème : cinq mois auparavant, les mêmes cardinaux avaient élu pape l'archevêque de Bari, Bartolomeo Prignano, qui avait pris le nom d'Urbain VI. Lorsque le mois de septembre arriva et que les cardinaux élurent Clément VII, Urbain était encore en vie.

Mais ce dernier avait fait son temps : Urbain était considéré comme un homme peu charitable et colérique, et de plus il avait l'intention de réformer les affaires financières de la curie romaine et de l’épiscopat. Tout cela exaspérait beaucoup de cardinaux. Urbain ne fit qu'ajouter au problème en déclarant qu'il ne déménagerait pas à Avignon, en France, où la cour papale avait eu son siège de 1309 à 1377

Ainsi, à la fin de l'été 1378, une majorité de cardinaux - en particulier les cardinaux français - décidèrent que l'élection d'Urbain n'est pas valide. Ils affirmèrent avoir voté pour lui uniquement parce qu'ils craignaient la foule romaine s'ils ne le faisaient pas.

Ils convoquèrent alors un nouveau conclave et élirent Clément VII.

Cela ne plut pas beaucoup au Pape Urbain.

Il se dit qu'il était pape et qu'il avait le soutien du roi d'Angleterre, de la majeure partie de l'Italie, de la Suède et du Danemark, de la Bohême et du Saint Empire romain germanique.

Mais d’un autre côté, le roi Charles V de France soutenait la revendication de Clément à la papauté, tout comme la reine Jeanne Ière de Naples, la plupart des royaumes ibériques, et finalement l'Écosse.

Très vite, Clément s'installa en Avignon, ce qui lui valut la sympathie des Français. C'est ainsi, il y a 644 ans, qu’un schisme occidental est né.

L'Europe était divisée sur une question importante : Qui était le « vrai » pape ?

Clément fut l'antipape d'Avignon pendant 20 années. Pendant cette période, Urbain mourut, et les cardinaux qui le soutenaient élurent un successeur. Puis Clément mourut, et ses cardinaux élurent un successeur.

En 1409, alors que les revendications romaine et avignonnaise étaient toujours aussi fortes, un troisième prétendant s'est manifesté lorsqu'un groupe de cardinaux s'est réuni à Pise, a dénoncé les papautés de Rome et d'Avignon et a élu un nouveau pape.

En 1414, le prétendant à la papauté pisane et le pontife romain ont convenu qu'une rencontre devait se tenir pour régler tout cela. Le pape pisan et le pape romain acceptèrent de démissionner de leurs fonctions, et les cardinaux se réunirent pour élire un nouveau pontife.

L'antipape d'Avignon résista. Le dernier antipape d'Avignon - qui n'a été élu que par trois cardinaux - démissionna en 1429 et reconnut Martin V comme le successeur légitime de Pierre.

Le schisme qui avait débuté en 1378 mis plus de 50 ans à être totalement résolu.

Quel est l'intérêt de cette histoire ? Simplement vous dire que si les comportements ecclésiaux contemporains vous semblent excessifs, rappelez-vous que nous pourrions être au 14e siècle.

Mais nous n’y sommes pas.

Voici ce qui se passe en ce moment

L'USCCB[1] a publié hier son document de synthèse sur la première étape du synode sur la synodalité - une synthèse sur les consultations qui ont eu lieu à travers le pays au cours des dix derniers mois.

Ce document dit beaucoup de choses dans ses 16 pages, mais ce qui m'a le plus frappé, c'est cette affirmation audacieuse de la conférence épiscopale : le processus synodal a "renouvelé un sentiment d'amour commun et de responsabilité pour le bien de notre Église - dans nos paroisses, dans nos diocèses et dans notre pays".

Le processus synodal, a déclaré l'USCCB, "a ouvert une voie pour que l'Église des États-Unis puisse mieux vivre et exprimer sa communion en tant que peuple uni dans une foi commune."

Il s'agit là d'affirmations étonnamment fortes de la part de l'USCCB - introduire un renouveau ecclésial dans l'ensemble des États-Unis est une grande affaire.

C’est "trop beau si c’est vrai", comme disent les enfants.

À quel point est-ce vrai ?

Les responsables de l'USCCB affirment que plus de 700 000 personnes ont participé à la préparation du synode sur la synodalité, que ce soit en assistant à une session locale ou en répondant à un sondage en ligne. Sept cent mille personnes, c'est beaucoup de monde.

Pourtant, 700 000 personnes représentent moins de 1% des 73 millions d'Américains qui se sont identifiés comme catholiques en 2021. Le 1 % synodal peut-il vraiment susciter un "sentiment renouvelé d'amour commun et de responsabilité pour le bien de l'Église" ?

Les organisateurs synodaux me disent que ce n’est qu’un début et que nous sommes au bord du déferlement de la synodalité dans l'Église. Cela, dit le rapport, a "ouvert une voie pour que l'Église des États-Unis puisse mieux vivre et exprimer sa communion en tant que peuple uni dans une foi commune."

Vous pouvez lire notre rapport sur le document de synthèse nationale ici.

Traduit par Jean-Paul


[1] La conférence des évêques des USA

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