La décision du pape d’ouvrir aux femmes le lectora
La décision du pape d’ouvrir aux femmes le lectorat[1] et l’acolytat[2] : s'est-il vraiment passé quelque chose ?
Les évêques locaux continuent d'ignorer les efforts de François pour faire changer l'Église
18 février 2021
Le pape François a commencé l'année 2021 en prenant des mesures importantes pour renforcer le rôle des femmes dans l'Église. Le 6 février, il a nommé Sœur Nathalie Becquart, xavière, première femme sous-secrétaire du Synode des évêques. Elle sera la première femme à avoir le droit de vote dans les assemblées du Synode.
C'est une nouvelle très importante pour le Synode et un virage pour la présence des femmes dans la gouvernance de l'Église catholique.
Briser l'identification de l'autorité dans l'Église avec le genre masculin
Spiritus Domini, le motu proprio de François publié le 11 janvier, est potentiellement plus conséquent que cette décision. Il modifie le droit canonique pour permettre aux femmes et aux hommes d'être officiellement "admis aux ministères de lecteur et d'acolyte prescrits par le rite liturgique ".
Le pape a noté que les participants à l'assemblée synodale de 2019 pour la région pan-amazonienne avaient explicitement demandé ce changement ; mais de nombreux évêques l'avaient fait au fil des ans, notamment lors des différentes assemblées synodales tenues au Vatican.
Dans la plupart des diocèses du monde, seuls les hommes en formation pour le diaconat permanent ou le presbytérat sont officiellement installés comme lecteurs et acolytes.
L'importance de Spiritus Domini est qu'il brise l'identification de l'autorité dans l'Église avec le genre masculin. Comme l'a dit le théologien italien Andrea Grillo, François précise que "l'exercice de la parole d'autorité dans l'Église n'est pas réservé aux seuls hommes baptisés".
Les principaux médias laïques n'ont pas tardé à rapporter la nouvelle et le département de communication du Vatican a, à juste titre, fait grand cas de cette évolution.
L'Osservatore Romano a tenu à mettre en lumière le nouveau motu proprio, en expliquant sa signification dans le numéro du 6 février de "Donne Chiesa Mondo", un supplément mensuel sur les femmes et la théologie.
Mais quel a été l'écho de cette nouvelle dans les Eglises locales ? Pas grand-chose, voire rien du tout.
Seule une poignée d'évêques semblent avoir accueilli ouvertement le motu proprio
Les journaux catholiques locaux ont parlé de Spiritus Domini, mais la plupart des conférences épiscopales nationales - et des évêques locaux - l'ont largement ignoré.
Par exemple la Conférence des évêques catholiques des États-Unis (USCCB) n'a rien dit du motu proprio sur son site web, par ailleurs bien informé et fréquemment mis à jour, où l'on peut voir des centaines de déclarations et de communiqués de presse chaque mois.
La Conférence épiscopale italienne (CEI) s'est contentée de publier le texte du pape sur son site web, mais n'a rien ajouté pour l’expliquer ou promouvoir sa mise en œuvre.
Seule une poignée d'évêques semble avoir explicitement et publiquement salué la décision du pape d'autoriser l'institution officielle de femmes comme lectrices et acolytes.
L'un d'eux est l'évêque américain Shawn McKnight de Jefferson City, dans le Missouri.
"Cette avancée garantit que tous les laïcs - femmes et hommes - puissent utiliser les dons que Dieu leur a accordés pour le bien de l'Eglise, en exerçant une coresponsabilité appropriée dans la construction du Corps du Christ", a-t-il déclaré dans son journal diocésain en ligne. "Nous serons en mesure de fournir catéchèse, formation et entraînement aux laïcs, hommes et femmes, qui sont appelés à ces ministères, afin qu'ils puissent être de bons intendants de ces dons de Dieu".
Il est vrai qu'il faudra du temps pour mettre en œuvre Spiritus Domini. François a demandé à la Congrégation du Vatican pour le Culte Divin et les Sacrements de mettre en œuvre la réforme en modifiant les rites d'installation et les règles associées. Mais après plus d'un mois, il est difficile de trouver l’annonce de la préparation de ces changements.
Ce n'est pas la première fois que les épiscopats locaux opposent une résistance au pape
Ce n'est pas surprenant. Rappelons qu'en décembre 2014, le pape a modifié les règles de la cérémonie du lavement des pieds afin de permettre aux prêtres de laver les pieds des femmes et des autres membres de la communauté et que la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements n'a pas bougé pendant les 13 mois suivants.
Le cardinal Robert Sarah, le préfet de la congrégation, n'a pas officiellement reconnu ce changement avant janvier 2016. Aucune explication n'a jamais été donnée pour ce retard de 13 mois.
La résistance à François ne se retrouve pas seulement parmi les bureaucrates du Vatican. Les conférences épiscopales et les évêques auraient pu et dû accueillir plus explicitement le dernier motu proprio. Par exemple, ils auraient pu souligner le lien entre l'admission des femmes dans les ministères du lectorat et de l’acolytat et ce qu’elles font déjà dans l'Église. Ils auraient pu annoncer la mise en place de leurs programmes de formation pour ces ministères.
Au minimum, la décision du pape aurait dû être un motif de célébration. Mais cela n'a pas été le cas. Et cela n'a rien à voir avec la pandémie actuelle de coronavirus, c'est simplement comme si François n'avait jamais écrit Spiritus Domini.
Un large fossé entre les efforts du pape et leur réception locale
C'est problématique pour l'avenir.
Imaginons ce qui arriverait si le pape décidait un jour d'ouvrir le diaconat aux femmes. Y aurait-il une révolte des clercs qui rejettent ce changement, ou leur serait-il plus facile de l’ignorer ?
Mais voici une autre question : cette décision serait-elle également ignorée par les femmes ? La décision de François de leur ouvrir ces ministères peut-elle être considérée comme trop peu, trop tard, si on la compare aux aspirations de certaines femmes concernant l'ordination, percevant le grand écart entre les annonces du pape et la réalité des Eglises locales?
Nombreuses sont celles qui pensent que quelles que soient les décisions du pape en faveur des femmes dans l'Église, elles ne verront pas de différence dans leurs paroisses et diocèses. La triste réalité est que, dans l'environnement ecclésial actuel, dans de nombreuses Églises locales, les gestes d’ouvertures du pape restent des déclarations vides de réalité, surtout en ce qui concerne le rôle des femmes dans l'Église.
Il est difficile d'imaginer un avenir pour l'Église catholique dans des pays et des sociétés où la tradition catholique est largement identifiée à l'exclusion des femmes par l'Église. Les évêques locaux ne tentent même pas de prétendre qu'ils veulent accepter ces changements.
"Le problème principal n'est pas que les femmes soient exclues de l'ordination", a écrit la théologienne suisse Eva-Maria Faber[3] dans son important livre récemment traduit en anglais, Women in Church Ministries[4]. "Le problème principal est que pour elles, c’est tout un domaine au sein de l'Eglise qui est fermé : c’est celui du conseil à haut niveau, de la décision et de la dirigeance"
"Un éternel report des changements sur cette question conduira beaucoup de femmes (et d'hommes) à prendre leurs distances avec l'Église ou même à quitter la foi", ai-je écrit en avril dernier ici à La Croix International.
"Ce ne sera pas mon choix mais il le sera pour beaucoup - beaucoup plus que ceux qui l’ont déjà fait. Pour certains catholiques, c'est vraiment le dernier appel. Et en tant que parent, c'est ma plus grande crainte. La synodalité ecclésiale et les femmes ont besoin l'une de l'autre. Il n'y a pas de synodalité crédible sans un nouveau rôle pour les femmes dans l'Église. "
Sans un processus synodal, il est impossible ou du moins très difficile d'imaginer que les Églises locales acceptent les décisions prises par le Pape François, y compris sur les femmes et le ministère.
L'accueil mitigé de cette décision de François sur la possibilité pour les femmes d'être formellement installées comme lectrices et acolytes n'est qu'un exemple de l'impasse ecclésiale actuelle.
https://international.la-croix.com/news/signs-of-the-times/the-popes-decision-on-women-lectors-and-acolytes-did-anything-really-happen/13816
The pope's decision on women lectors and acolytes: did anything really happen?
Local bishops continue to ignore Francis' efforts to effect change in the Catholic Church
February 18, 2021
By Massimo Faggioli | United States
Pope Francis has begun 2021 by taking important steps to enhance the role of women in the Catholic Church. On February 6, he appointed Xaviere Missionary Sister Nathalie Becquart to be the first woman undersecretary of the Synod of Bishops, and it appears she will be the first woman with a right to vote in the Synod's assemblies.
This is very important news for the Synod and indeed "an inflection point for women's leadership in the Catholic Church".
Spiritus Domini, the "motu proprio" Francis issued on January 11, is potentially even more consequential.
Breaking the identification of authority in the Church with the male gender
It changes Canon Law to allow both women and men to be formally installed or "admitted on a stable basis through the prescribed liturgical rite to the ministries of lector and acolyte".
The pope noted that participants at the 2019 Synod assembly for the Pan-Amazonian Region had specifically requested this change.
But so had many bishops over the years, particularly during the various Synod assemblies held at the Vatican.
In most dioceses around the world, only men in formation for the diaconate or presbyterate are formally installed as lectors and acolytes.
The importance of Spiritus Domini is that it breaks the identification of authority in the Church with the male gender.
As Italian theologian Andrea Grillo put it, Francis makes clear that "the exercise of the authoritative word in the Church is not reserved only to baptized males".
Mainstream and secular media were quick to report the news.
And the Vatican's communications department rightly made much of the new development.
L'Osservatore Romano was especially keen on shining a light on the new "motu proprio", explaining its significance in the paper's February 6 issue of "Donne Chiesa Mondo", a monthly supplement on women and theology.
But what has been the echo of this news in the local churches? Not much, if anything at all.
Only a handful of bishops seem to have openly welcomed the "motu proprio"
Local Catholic newspapers have reported on Spiritus Domini, but most national episcopal conferences -- and even local bishops -- have largely ignored it.
For example, the US Conference of Catholic Bishops (USCCB) conference has nothing at all about the "motu proprio" on its otherwise savvy and frequently updated website where one can see hundreds of statements and press releases every month.
The Italian Episcopal Conference (CEI) merely posted the pope's text on its website, but has done nothing to further explain or promote its implementation.
Only a handful of bishops seem to have explicitly and publicly welcomed the pope's decision to allow women to be formally instituted as lectors and acolytes.
One of them was US Bishop Shawn McKnight of Jefferson City, Missouri.
"This update ensures that all laity — women and men — are able to use the gifts God has given to them for the good of the Church, exercising appropriate co-responsibility in building up the Body of Christ," he said in his diocesan online paper."
We will be able to provide catechesis, training and formation for lay women and men who are called to these ministries, so they can be good stewards of these gifts from God," the bishop said.
It is true that it will take time to implement Spiritus Domini. Francis asked the Vatican Congregation for Divine Worship and the Sacraments to implement the reform by amending the installation rites and connected norms.
But after more than one month, it is hard to find anything announcing the preparation for these changes.
Not the first time local episcopates have put up resistance to the pope
This is not surprising. Recall that in December 2014 the pope changed the rubrics of the feet washing ceremony for Holy Thursday to allow priests to wash the feet of women and others in the community and not just men, as Church law had previously decreed.
But the Congregation for Divine Worship and Discipline of the Sacraments (CDWDS) did nothing for the next 13 months.
Cardinal Robert Sarah, the congregation's prefect, never formally acknowledged the change until January 2016. No explanation was ever given for that 13-month delay.
Resistance to Francis is found not only among Vatican bureaucrats. It is also present in local episcopates.Episcopal conferences and individual bishops could and should have welcomed the latest "motu proprio" more explicitly.
For instance, they could have highlighted the link between admitting women to the ministries of lector and acolyte and what women do already in the Church. They could have announced the forthcoming programs of formation for these ministries.
At the very least, the pope's decision should have been a reason for celebration. But it has not been. And this has nothing to do with the ongoing coronavirus pandemic.It is simply as if Francis had never issued Spiritus Domini at all.
A wide gap between pope's efforts and local reception
This is problematic, even for the future. Let's imagine what would happen if the pope were to decide one day to open the diaconate to women.
Would there be a revolt from those clerics who reject this change, or would it be easier to just ignore the news as it is happening today?
Here's another real problem: would that decision be ignored by women as well?
In part, Francis' move to open up the ministries of lector and acolyte can be seen as being too little too late, especially compared to the aspirations of some Catholic women concerning ordination.
It is also in part the perception that there's a wide gap between the pope's announcements and the reality in the local Churches. Many Catholic women know that whatever pope Francis decides for women in the Church, it will not make a difference in their own parishes and dioceses.
The sad fact is that, in the present ecclesial environment, in many of the local Churches the pope's openings often look like empty statements, especially for what concerns the role of women in the Church.
It is hard to imagine a future for the Catholic Church in countries and societies where the Catholic tradition is now largely identified by the Church's exclusion of women.
Local bishops do not even attempt to pretend they want to embrace these changes.
"The main problem is not that women are excluded from ordination," wrote Swiss theologian Eva-Maria Faber in her important book recently translated into English, Women in Church Ministries.
"The main problem is that for them a whole realm within the Church has been closed off, not least the area of high-level consultations, decision-making, and leadership," she noted.
"An eternal postponing of changes on this issue will lead masses of female (and male) Catholics to distance themselves from the Church or even quit the faith," I wrote last April here in La Croix International.
"That will not be my choice," I said.
"But it will be for many – many more than have already made that choice. For some Catholics this is really the last call. And as a parent, this is personally my biggest fear.
"Ecclesial synodality and Catholic women need each other. There is no credible synodality without a new role for women in the Church.
On the other hand, without a synodal process, it is impossible or at least very hard to imagine local Churches accepting any decision that Pope Francis makes, included on women and ministry.
Until synodality becomes a lived reality, all other ecclesial reforms have but a slim chance to be implemented.The muted reception of this recent decision of Francis on the possibility for women to be formally installed as lectors and acolytes is just one example of the current ecclesial impasse.
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