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l'ordination des femmes

Le processus synodal et l'ordination des femmes

Le pape François veut rendre constitutif de la vie de l'Église le processus synodal.

La crédibilité du synode dépend de la façon dont il abordera la question des femmes dans l'Église.

George Wilson

États-Unis

29 novembre 2021

D'après les échos reçus de divers pays sur les étapes initiales du processus synodal, il est évident que la question du rôle des femmes dans l'Église doit figurer à l'ordre du jour du synode des évêques.

Cette formulation - le rôle des femmes - est une tentative d'aborder en douceur un sujet très délicat. Derrière lui se trouve, comme tout le monde le comprend, la question de l'ordination des femmes. La nommer directement génère des réactions violentes, souvent cachées, allant des espoirs utopiques aux craintes quasi existentielles.

Le synode va-t-il faire face à la situation ? Débattra-t-il réellement d'un changement radical ? A-t-il le pouvoir de le faire ? Une chose est claire : toute tentative de décider que cette discussion en serait exclue détruira la crédibilité du processus synodal. Les débats des cinquante dernières années exigent que la question soit abordée. Il n'y a, à ce stade, aucun retour en arrière possible.

Formuler la question

Dans ces lignes, je me concentrerai sur la politique de l'Église romaine qui exclut les femmes de l'ordination sacerdotale. Il est important de séparer la politique de la manière dont elle est appliquée.

Définir les limites de l’accès à l'ordination est tout à fait différent de juger qu'une personne particulière (une femme en l’occurrence) possède ou non les dons requis par l'Église pour servir en tant que prêtre.

La décision de principe ne concerne pas les femmes qui se sentent appelées à l'ordination. Elle concerne, au contraire, une catégorie d'êtres humains qui sont exclus simplement en raison de leur sexe. En bref, parce qu'ils ne sont pas des hommes.

Tout discernement quant à l’appel au presbytérat, que ce soit celui reçu par une femme particulière ou celui émis par une communauté ecclésiale qui aurait fait l'expérience des capacités de la personne, est un exercice aujourd’hui inutile.

La possibilité que l’Esprit puisse appeler une femme à l’ordination (presbytérale ou diaconale) est exclue sur la base d'une condition qui échappe au contrôle de la candidate : son sexe.

Les partisans de cette politique font valoir que la conclusion est fondée sur une tradition constante : l'Église ne permet pas aux femmes d'être ordonnées prêtres parce que l'histoire démontre qu'elle n'a pas ce pouvoir.

Une digression

Le mot "histoire" m'amène à me pencher sur une autre question. Il s'agit des efforts déployés par des intellectuels hautement qualifiés, hommes et femmes confondus, pour prouver que les femmes ont servi, sinon comme prêtres, du moins comme diacres dans l'Église primitive.

Leurs recherches ont été profondes et révélatrices, clarifiant notre compréhension de la complexité de la longue histoire des structures de notre Église.

Je me demande si ces efforts n'ont pas involontairement renforcé les arguments de ceux qui désirent le plus écarter les femmes de l’ordination ?

Comment cela est-il possible ?

Tenter de trouver des exemples passés d'ordination de femmes peut en fait signifier accepter involontairement cette argumentation implicite : la preuve que l'Église a le pouvoir d'ordonner des femmes dépend de la démonstration qu'elle l'a fait dans le passé.

Les défenseurs de l'ordination des femmes se sont peut-être ainsi liés les mains inutilement en concédant qu'une réponse pastorale adaptée à l'Église du IIIe siècle est déterminante quant à la réponse dans le monde radicalement différent du XXIe siècle.

Un phénomène culturellement conditionné

Revenons à la question. Il n'y a rien dans la révélation qui enseigne que les femmes sont, en vertu de leur seul sexe, exclues de l'ordination. Cette restriction est une question de politique de l'Église.

En tant que telle, elle est fondée sur une coutume de longue date appelée Tradition[1]. Cette coutume a été façonnée par les attentes culturelles de l’époque. Elle est donc susceptible d'être modifiée si la culture à laquelle l'Église doit répondre change fondamentalement.

Personne ne peut raisonnablement affirmer que nous vivons aujourd'hui dans le même monde culturel que celui du deuxième ou du troisième siècle, lorsque la notion d'ordination sacerdotale était en cours de gestation théologique.

À ce stade, il peut être utile de rappeler que le Nouveau Testament ne qualifie jamais un individu de prêtre, sauf Jésus-Christ. C'est le corps entier des fidèles qui est qualifié de sacerdotal.

Au cours des décennies et des siècles qui ont suivi la génération fondatrice de l'Église, la communauté grandissante a progressivement développé les structures qui pouvaient l'aider à remplir la mission qui lui avait été confiée par le commandement du Seigneur.

Elle s'est inspirée de certains traits de la culture juive - même si elle s’en distinguait progressivement -, tout en en rejetant d'autres. D'autres caractéristiques structurelles ont été empruntées à son environnement gréco-romain.

Ce qu'il est important de noter, c'est que le processus de structuration de sa vie et de sa mission était une réponse à la situation contemporaine. Depuis lors, l'Église et les cultures n'ont cessé de se recréer, s’influençant mutuellement.

L'Église, comme son fondateur, est une réalité incarnée, pas une idée théorique, qui est toujours en pèlerinage.

Comme le dit le Livre de l'Apocalypse, « Celui qui était assis sur le trône dit alors : "Voici que je fais toutes choses nouvelles." » (Ap 21, 5)

La culture mondiale à l'ère post-Nouveau Testament

Une caractéristique profondément ancrée et commune à toutes les cultures de cette époque fondatrice était la vision des femmes. À cette époque, et pendant des siècles par la suite, les femmes étaient considérées comme des biens et étaient traitées comme telles.

Cette perspective est, bien entendu, très éloignée de notre conception contemporaine de la femme en tant que personne humaine, avec la même dignité et les mêmes droits que ceux conférés aux hommes. (Le chemin tortueux par lequel cette compréhension lutte encore pour être acceptée dans la société contemporaine est une autre question).

Le consensus gréco-romain auquel le christianisme primitif était redevable s'est déplacé sans arrêt au cours des siècles d’une manière si subtile que des bibliothèques entières ne suffisent pas à la décrire.

Pour les besoins de mon raisonnement, considérons les trois bouleversements majeurs qui nous obligent à remettre en question les bases sur lesquelles ce monde passé était fondé.

Premièrement, la rupture entre l'Église romaine et l'Église orthodoxe a fait prendre conscience que le christianisme n'était plus le monolithe que nous pensions. Cette nouvelle réalité a entraîné des changements dans la façon dont nous nous représentons la vie : le commerce, les arts, l'éducation, le droit, la théologie.

Notre vision du monde a ensuite été ébranlée de manière encore plus radicale par les découvertes de Christophe Colomb et des autres grands navigateurs du monde. En particulier, des pans entiers de la théologie ont dû être repensés à la lumière de la découverte d'un monde entièrement nouveau.

Ce qui s’appelait en 1491 "le monde" a dû être désigné après 1492 comme "le monde inconnu" - comme notre monde de 2021 sera désigné dans les millénaires à venir.

La découverte des nouveaux mondes après 1492 a entraîné de nouvelles questions, remettant en cause tous les acquis précédents.

Les habitants de ce qu'on appelait désormais "le Nouveau Monde" étaient-ils affectés par le péché originel ? Jésus est-il mort et ressuscité pour eux ? Les formes de prière liturgiques existantes devaient être adaptées aux besoins religieux de personnes venant de cultures jusqu'alors inconnues.

Le processus d'inculturation liturgique est encore un sujet de conversion permanente pour les catholiques occidentaux (Je me souviens d'un évêque américain qui, à Vatican II, m'a dit combien il avait été ébranlé de voir des membres de tribus africaines descendre l'allée centrale de Saint-Pierre en dansant et en battant leurs longs tambours lors de l'une des liturgies conciliaires. Le mot "catholique" pourrait-il inclure cela ?)

Les changements exigés par ces bouleversements ont pris des siècles pour entrer dans les consciences et être traduits en décisions opérationnelles. Ce processus se poursuit aujourd'hui.

Deux bouleversements contemporains

On peut affirmer sans risque de se tromper que le monde vit deux autres bouleversements d'une ampleur égale ou supérieure : la poussée pour l'égalité raciale d'une part et le mouvement féministe d'autre part.

Nous nous concentrerons sur ce dernier, tout en notant qu'il a fallu que plus de vingt ans s’écoulent après l'émancipation des noirs pour que l'Église américaine fasse l'impensable et ordonne un ancien esclave, le père Augustus Tolton, en 1886.

Les femmes du monde entier revendiquent une égalité avec les hommes qui touche presque tous les aspects de la vie humaine. Elles n'attendent pas qu'elle leur soit conférée par les hommes. Elles savent qu'elle leur appartient en vertu de la création.

Dans le cas des chrétiens, cette égalité est ancrée profondément dans notre baptême commun. " Il n'y a plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme. Car tous, vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus. " (Ga 3, 28).

En pratique, les bienfaits qui devraient également découler, pour les femmes et les hommes, de cette égalité fondamentale ont été rejetées dans tous les pays et toutes les cultures depuis le début des temps. Les chrétiens pensent trouver les origines de cette discrimination dans le péché originel.

Le même corpus de la révélation proclame cependant que "là où le péché a abondé, la grâce a surabondé" (Rm 5, 20). C'est la grâce qui nous appelle à faire un pas après l'autre sur le chemin de la pleine égalité, aussi douloureux soit-il.

Comme nous le rappelle le pape Jean-Paul II dans Redemptoris missio [2], "[toute] culture est une création humaine et est donc marquée par le péché". Il faut donc faire un effort douloureux pour rejeter les hypothèses dominantes et agir à contre-courant.

Par le baptême, nous sommes tous appelés de manière particulière à la pleine réalisation de l'égalité humaine.

La politique qui exclut les femmes de l'ordination sacerdotale sur la seule base du sexe représente une rupture dans le processus de réalisation de l'égalité mentionnée dans la Lettre aux Galates. Les femmes n'étaient certainement pas exclues de la conception néotestamentaire d'un "peuple sacerdotal".

Le fait que les femmes n'aient pas été davantage ordonnées dans l'Église primitive n'exclut pas la possibilité qu'elles puissent l'être à une époque transformée culturellement.

La question suivante est évidente : qu'est-ce qui fait que le genre constitue un obstacle à l'ordination des femmes ?

Pour autant que je sache, aucune autorité n'a jamais expliqué la raison fondamentale de cette exclusion.

Un obstacle différent

Nous pourrions nous inspirer de la manière dont l'Église a traité un autre problème qui, à une certaine époque, était considéré comme un obstacle absolu à l'ordination : une déficience physique visible.

Bien que cette règle n'ait jamais atteint le niveau canonique, pendant de nombreuses années un homme né avec, par exemple un seul bras, n’était pas éligible à l'ordination presbytérale.

Dans ce cas, le raisonnement était qu'un tel handicap physique, même s'il n'empêchait pas l'homme d'accomplir les actes corporels de la présidence de l’Eucharistie, était considéré comme une tare qui portait atteinte à la dignité de la Messe.

Dieu merci, notre culture contemporaine a rejeté ce dégradant postulat. La participation des personnes handicapées à toutes les formes d'activités civiques est désormais protégée par la loi.

Suivant les progrès des sociétés, les autorités ecclésiastiques ont tranquillement permis à cette pratique de suivre l’exemple de la barette [3].

Déplacement de la charge de la preuve

Étant donné que :

(1) le dépôt de la foi ne dit rien sur les personnes admissibles à l'ordination sacerdotale ;

(2) les « vérités » culturelles sur les femmes et leurs capacités ont changé de façon spectaculaire et irrévocable au cours des cent dernières années ;

(3) les fidèles laïcs de beaucoup de pays réclament un tel changement

il apparaît que la charge de la preuve pour maintenir la discipline actuelle incombe désormais, non pas à ceux qui réclament la reconnaissance de l'égalité des femmes vis-à-vis de l’ordination, mais à ceux qui en nient la possibilité.

Un contre-argument

On avance souvent l'argument selon lequel, bien que Jésus ait défié la culture de son époque en incluant ouvertement des femmes dans son cercle intime de disciples, l'Église primitive [ni lui] n'a pas été jusqu'à les ordonner.

Conclusion : ce choix doit représenter sa volonté pour l'Église pour toujours. Si Jésus avait voulu des femmes prêtres, il les aurait lui-même nommées.

En dehors de toutes les erreurs historiquement comiques sur lesquelles repose l'argument (les hommes présents à la Cène avaient la distinction d'être des apôtres et des disciples, mais aucun d'entre eux n'a été ordonné), il reste la simple réalité qu'une évolution de cette ampleur était totalement impensable dans le monde d’alors.

Les « vérités » qu'il fallait remettre en question était tellement ancrées dans la vie quotidienne qu'il était impossible de les remettre en question. De fait, Jésus avait déjà repoussé les limites au point que cela lui a coûté la vie.

Comme nous l'avons vu, les changements successifs au cours des siècles ont délié ce consensus, nœud par nœud. C’est un autre consensus qui est en train de naître, étape par étape. Il n'est pas exagéré de dire qu'un nouveau monde, fondé sur des bases différentes, est en train d'émerger à un rythme qui s'accélère.

Mais qu'en est-il du pouvoir du prêtre d'agir "in persona Christi" ?

À ce stade, la conversation se tourne vers les tentatives de traduire l'imagerie mystique et de la remodeler pour justifier des conclusions d'une nature radicalement différente.

Le fait de considérer l'Église de manière symbolique comme l'épouse du Christ a sans aucun doute enrichi la foi et la spiritualité de générations de chrétiens. Il faut s'en réjouir.

Mais prendre cette métaphore et l'appliquer littéralement, en concluant que seuls les hommes peuvent représenter le Christ à l'autel, est une idéologie qui masque une peur sous-jacente.

Les mystiques se concentraient sur des symboles qui touchent un niveau plus profond de l'esprit que la structuration des rôles dans l'Église. Ils ne se seraient certainement pas laissés aller à de telles déviances.

Conclusion

Comme je l'ai mentionné au début de ces lignes, les mots "ordination des femmes" génèrent des réactions profondes. Ils peuvent facilement conduire à se figer sur des questions annexes à la question centrale.

J’ai tenté de montrer que le synode doit se concentrer sur la vraie question : l'exclusion des femmes sur la base de leur sexe. Je n'ai pas abordé la question des conditions d’acceptation de la candidature d'un homme ou d’une femme. Cette question secondaire fera l’objet d’un article ultérieur.

George Wilson sj, est un ecclésiologue retraité de Baltimore, Maryland (USA).

Pour en savoir plus : https://international.la-croix.com/news/religion/the-synodal-process-and-womens-ordination/15284


[1] Tradition avec un « T » par opposition à tradition avec un « t ». La Tradition aurait « quelque chose » de divin, la tradition n’étant qu’humaine. (NdT)

[3] La barrette était avant Vatican II obligatoire pour tout clerc célébrant ou étant présent dans le chœur (à moins qu’il ne porte la mitre). Dans les textes de la réforme liturgique de Vatican II il n’est tout simplement plus fait mention de la barrette, ni dans un sens ni dans l’autre - obligation ou interdiction -. (NdT)

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