L'ordination des femmes :

L'ordination des femmes :

quelques perspectives théologiques

Ce qui est en jeu n'est pas un statut clérical dans une organisation faite de membres "supérieurs" et "inférieurs", mais le don gratuit d'un Seigneur miséricordieux à un peuple sacerdotal qui ne le mérite pas.

George Wilson

États-Unis

8 mars 2022

Dans un article précédent, il y a quelques mois, j'ai exploré les implications du fait qu'il n'y a rien dans la tradition de l'Église qui puisse justifier l'exclusion des femmes de l'ordination sacerdotale. Cette pratique de longue date est fondée, non pas sur un enseignement immuable mais sur une coutume qui peut être modifiée.

Depuis lors, une exploration plus approfondie m'a conduit à découvrir un passage de l'Écriture qui non seulement ne soutient pas l'exclusion des femmes du presbytérat mais la rejette, car n'incarnant pas la Bonne Nouvelle révélée en Jésus.

Paul s'adresse à l'Église de Galatie. Il s'agit d'une jeune communauté de disciples - un mouvement, en fait, qui tâtonne vers une compréhension approfondie de ce qui a été révélé par les paroles et les actes, la mort et la résurrection de Jésus. Inspiré par l'Esprit Saint, Paul en interprète le sens pour eux :

En Jésus-Christ, vous êtes tous enfants de Dieu par la foi, car tous ceux d'entre vous qui ont été baptisés dans le Christ ont revêtu le Christ. Il n'y a plus ni Juif ni païen, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme, car vous êtes tous un en Jésus-Christ. (3, 27-29)

Un état d'esprit totalement nouveau

Qu'est-ce que Paul sous-entend en nommant ces trois classes de croyants ? Pour Paul tous et toutes sont des personnes bien réelles. Juifs et païens, esclaves et personnes libres, hommes et femmes peuvent tous et toutes être "revêtues du Christ".

Paul dit que pour ceux qui ont accepté le don de la grâce de Dieu en Jésus et la croyance au Christ, accepter ces séparations est la preuve d'un travail à faire : penser ainsi est caractéristique du "vieil homme" qui a été mis à mort mais qui n'en demeure pas moins un fléau pour les chrétiens.

Ces trois paires ne sont pas choisies arbitrairement. Elles ne sont pas simplement des constructions mentales. Chacune est faite d’un groupe qui, s’il n'est pas légalement impuissant, est effectivement traitée comme tel et d’un autre qui est respectable.

Les Juifs, les personnes libres et les hommes sont des initiés ; les gentils, les esclaves et les femmes sont des personnes de seconde classe. Les baptisés en Christ sont poussés à travailler à l'élimination de toutes les divisions entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne comptent pas dans la société.

Une vision qui reste à concrétiser

Les Galates et les autres jeunes communautés chrétiennes ne se sont pas convertis soudainement pour embrasser toutes les implications de cette vision radicalement nouvelle. Ils ont rejoint le Christ, certes. Mais ils restent des néophytes : des enfants qui n'ont pas encore totalement abandonné "les choses de l'enfance". Ce sera la mission des apôtres et des évangélisateurs de proposer à cette perspective un sens plus complet. Les membres de chaque communauté locale devront ensuite travailler à l'habiller de normes et de structures organisationnelles.

Des mentalités opposées

Les "choses d'enfant" qui doivent être mises de côté constituent une mentalité séculaire. Vieille de plusieurs siècles, elle est profondément ancrée. Elle a du poids. Cela ne signifie pas que l'effort d'incarnation de la nouvelle vision sera vain. Le réseau des Églises locales est comme un nouveau-né qui va vers sa croissance.

La vision qui demande que les païens soient traités comme les juifs, que les esclaves partagent la dignité des hommes libres et que les femmes soient respectées comme des égales devant Dieu, ne s'incarne pas du jour au lendemain ; elle exige un travail difficile de remise en question des cultures séculaires dans lesquelles l'Évangile est à mettre en œuvre. La réalisation se fait par étapes, au fil des siècles, parfois au prix du martyre.

Les Églises essaieront diverses façons de mettre en œuvre l'Évangile. Il s'agira d'un processus d'essais et d'erreurs. Le rythme de réalisation variera pour chacun des trois groupes. La pleine égalité ne s'accomplira qu'au temps final, mais l’Esprit fera en sorte que les Églises soient actives jusqu'à cet accomplissement.

L'ordination, maintenant ?

La trajectoire vers l'égalité n'exige pas nécessairement que les femmes soient ordonnées immédiatement. L'Église s'est figée pendant des siècles sur la politique actuelle. Elle pourrait continuer ainsi.

Savoir si un changement s'impose à un moment donné de l’histoire est une question de discernement. Quels effets est-il susceptible de produire : unité ou schisme. Quoi qu'il en soit, l'analyse théologique conclut qu'interdire aux femmes d'être ordonnée simplement en raison de leur sexe revient à étouffer l'élan de l'Esprit vers la pleine égalité. Cela revient à céder au "vieil homme", en continuant à s'accrocher aux "choses d'un enfant".

Une dernière mise en garde

La valeur de ma conclusion dépend d'un point fondamental : l'ordination est la validation d'un appel au service du peuple du Seigneur et non une récompense conférée par une hiérarchie cléricale. (Il est intéressant de noter qu'une mentalité similaire existe chez ceux qui considèrent l'Eucharistie comme une récompense pour avoir été bon au lieu d'un don offert à un peuple indigne).

Quelle est la profondeur de l'orgueil qui refuse le salut par le don de la grâce du Seigneur et qui s'accroche à la folie de penser que nous l’obtenons par nos propres efforts ? L'histoire humaine, de l'Eden à Hiroshima et au 11 septembre, révèle notre incapacité à nous sauver par nous-mêmes.

Que doit-il se passer pour que nous le reconnaissions ?

Ce qui est en jeu dans la question de l'ordination des femmes n'est pas le statut clérical dans une organisation qui comprend des membres "supérieurs" et "inférieurs" mais le don gratuit d'un Seigneur miséricordieux à un peuple sacerdotal qui ne le mérite pas. Tout au long du processus synodal beaucoup de catéchèse sera nécessaire pour le reconnaître.

L'ordination des femmes pourrait produire une nouvelle forme féminine de cléricalisme. Ce serait une terrible erreur si l'ordination des femmes devait entraîner une augmentation du nombre de cléricalistes.

George Wilson sj, est un ecclésiologue retraité de Baltimore, Maryland (USA).

 

traduit par J.P.

 

 

 

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Date de dernière mise à jour : 23/06/2022