L'Assemblée ecclésiale d'Amérique latine

L'Assemblée ecclésiale d'Amérique latine : la synodalité en action

Ce grand rassemblement de Mexico ouvre une nouvelle voie pour les clercs et les laïcs.

Son efficacité est-elle incertaine ?

Xavier Le Normand (envoyé spécial à Mexico)

Mexico

26 novembre 2021

Les participants à l'Assemblée ecclésiale d'Amérique latine et des Caraïbes sont fiers de ce qu'ils ont déjà pu accomplir cette semaine à Mexico.

Pour la première fois une grande réunion de l'Église catholique a rassemblé des membres du clergé, des laïcs, des religieux et religieuses et pas seulement des évêques. L'assemblée du 21 au 28 novembre au sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe a donné la vision d'une Église participative, à l'image de la synodalité promue par le pape François.

Il y a encore quelques mois une telle assemblée n'était pas du tout évidente. Au départ le Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) souhaitait organiser une nouvelle conférence générale des évêques de la région, comme il le fait tous les 15 ans environ. La dernière s'était tenue il y a 14 ans à Aparecida au Brésil et elle était présidée par le cardinal Jorge Mario Bergoglio, aujourd'hui le pape François.

La présidence du CELAM s'est rendue à Rome à la fin de l'année 2019 pour lui demander d'approuver les plans d'une nouvelle conférence générale. Mais comme l'a fait remarquer le cardinal Odilo Scherer de São Paulo, François les a repris : "Le pape a souhaité que nous travaillions différemment, notamment parce que le document d'Aparecida avait encore beaucoup à offrir".

Le CELAM a donc révisé son plan et soumis une proposition d'assemblée ecclésiale.

"Il est important de noter qu’elle suit le même processus que le synode sur la synodalité ", a souligné Emilce Cuda, théologien argentin et responsable du bureau de la Commission pontificale pour l'Amérique latine (CAL).

La proposition a été acceptée par François et il l'a lancée au début de l'année.

Une rencontre du Peuple de Dieu

Le CELAM a largement revu la composition des participants à la rencontre.

Les évêques ne représentent plus que 20% du millier de participants à l'assemblée des participants présents à Mexico et de ceux qui participent à distance. 20 % sont des prêtres et un autre 20 % des religieux. Les 40% restants sont des laïcs, dont un sur quatre vient de régions éloignées.

Comme l'a souligné le pape François dans un message vidéo, il s'agit de "quelque chose d'autre" qu'une assemblée d'évêques. Il l'a appelée une "rencontre du peuple de Dieu".

Pour la majeure partie des travaux, les participants sont en groupes, répartis selon ces pourcentages. Bien que les laïcs ne soient pas majoritaires, ils constituent de loin le groupe le plus important.

La participation de tous est active.

"Nous sommes très écoutés, nous sentons que tout le monde insiste pour faire de la place aux voix des jeunes", a déclaré María José López Bolaños, une jeune femme engagée dans la pastorale des jeunes au Mexique. Elle est également la modératrice de son groupe, preuve que les responsabilités au sein de l'assemblée sont partagées.

Une assemblée ecclésiale européenne

" Je vois beaucoup d'accueil, de fraternité, de respect et d'estime dans nos échanges ", témoigne Sœur María Suyapa Cacho Álvarez. Pourtant, cette Fille de la Charité hondurienne a critiqué sévèrement la manière dont l'Église a traité les Latino-américains noirs comme elle.

Si beaucoup des participants sont engagés dans diverses institutions de l'Église, peu ont critiqué la façon dont l'assemblée a été gérée. Seule une participante a noté que "certains modérateurs de groupe pouvaient avoir tendance à monopoliser la parole, se positionnant comme des « je-sais-tout ». Mais, a-t-elle aussitôt ajouté en souriant, "ce n'est pas propre à l'Église".

Le cardinal luxembourgeois Jean-Claude Hollerich sj, qui est président de la COMECE (Commission des épiscopats de la communauté européenne), a été invité en tant qu'observateur. Il s'est dit "étonné" de ce "passage d'une Église cléricale à une Église participative". "En Europe, nous sommes très loin derrière", a-t-il admis. Selon lui, les évêques du Vieux Continent devront "redoubler d'efforts", en "échangeant" entre eux et en "s'ouvrant à tous". Sinon "l'Église disparaîtra".

Alors, une telle assemblée est-elle imaginable en Europe ? "À mon retour, je ferai un rapport sur ce que j'ai vu", a déclaré J.C. Hollerich. Selon lui, les évêques doivent apprendre à " faire confiance davantage "  - notamment aux laïcs, même à ceux qui ne participent pas régulièrement à la messe dominicale.

Il a noté que la phase continentale de préparation de l'assemblée du synode des évêques sur la synodalité sera un "entraînement", même si elle risque d'être "imparfaite" en raison du manque d'expérience de l'Europe dans ce domaine.

Des attentes à modérer

Si elle s'est largement accordée sur la méthode, l'assemblée ecclésiale n'a pas encore convaincu sur ses résultats. Sur ce point, Emilce Cuda, une laïque qui représente le Saint-Siège au Mexique, a tenu à tempérer les attentes. « Il ne faut pas attendre le document final comme la solution à tout », a-t-elle expliqué. Il faudra plutôt le considérer comme « une mise en œuvre d'Aparecida, une étape encore inachevée », a-t-elle soutenu.

Sœur María Dolores Palencia, une religieuse mexicaine qui occupe un poste de direction au sein du CELAM, estime qu'il ne s'agit pas tant de produire des documents que de mettre en pratique les conclusions d'Aparecida, dont « le feu risque de s'éteindre ».

Quoi qu'il en soit, un comité de synthèse a travaillé intensément chaque après-midi pour produire un résumé des discussions tenues dans les différents groupes le matin. Ce texte concis sert ensuite de point de départ aux discussions du jour suivant.

L'objectif est de parvenir à un consensus qui guidera l'Église catholique en Amérique latine jusqu'en 2031, date du 500e anniversaire des apparitions de Notre-Dame de Guadalupe.

Traduit par J.P.

Pour en savoir plus : https://international.la-croix.com/news/religion/latin-american-ecclesial-assembly-is-synodality-in-action/15270

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