Des synodes sans véritable synodalité ?
Des synodes sans véritable synodalité ? II
Dans de nombreux pays, les évêques hésitent à ouvrir la discussion entre tous et tentent de limiter soigneusement ce qui peut être abordé.
24 juin 2021
Dans la première partie de cet essai, nous avons esquissé la synodalité envisagée par le pape François pour l'Église. Elle serait caractérisée par un dialogue continu et ouvert entre le peuple de Dieu à tous les niveaux, écoutant et considérant les opinions des uns et des autres.
La réponse des conférences épiscopales nationales débute mais la différence entre la théorie et la réalité commence déjà à se faire sentir.
En Allemagne
En Allemagne, der synodaler Weg (le Chemin Synodal) est en marche, mais il suscite de l'inquiétude au Vatican. On constate déjà des tentatives de limiter sa portée.
Certains fonctionnaires de la Curie romaine ont suggéré que le Chemin Synodal ne devrait pas inclure la discussion de doctrines même secondaires, qui n'ont pas de prétention à l'infaillibilité mais qui ont manifestement besoin d'une mise à jour.
Heureusement, les évêques allemands semblent suffisamment unis pour résister à la pression curiale et écouter le pape François.
L'Église allemande doit être traitée avec prudence car elle est un contributeur important aux caisses du Vatican.
En Australie
En Australie, la préparation du Concile plénier (CP) est à un stade avancé.
Elle a commencé par un processus d'écoute. Les fidèles ont été invités à donner leur avis et faire des suggestions. Cela a suscité 17 457 réponses - 4 700 de la part d'individus et 12 757 de la part de groupes.
Certaines de ces réponses étaient très complètes, notamment celle d'un groupe de Melbourne, Catholics for Renewal (Des catholiques pour le Renouveau), qui a été publiée sous la forme d'un livre de 350 pages, intitulé "Getting Back on Mission" (Retour à la mission).
Dans l'ensemble c’est une étonnante démonstration de l’inquiétude dans un pays qui a vu la participation à la messe chuter de 74 pour cent des catholiques en 1954 à 12 pour cent en 2016.
Comme on pouvait s'y attendre après la crise, les réponses contiennent des propositions créatives et radicales pour construire l’avenir.
Leur analyse pour décider de ce qui nécessitera l'attention du Concile a été faite en trois étapes.
La première a eu lieu au niveau diocésain et a donné des indications claires sur le poids des différentes catégories de réforme. Lorsque ces rapports ont été rassemblés pour le rapport national, les pondérations ont perdu de leur clarté.
Poursuivre le voyage ou est-on déjà en fin de parcours ?
Malheureusement, le rapport national a été publié avant les analyses diocésaines, ce qui a masqué l'étendue des préoccupations des fidèles sur les différentes questions et a ouvert la porte à l'aseptisation du texte final.
L'étape suivante, publiée sous le titre « Continuer le voyage », est l'Instrumentum Laboris (document de travail) sur lequel sera basé l'ordre du jour du Concile.
C'est le travail d'une équipe composée d'un évêque, d'un prêtre et de deux laïcs salariés de l'Eglise, un homme et une femme. Ils ont travaillé à huis clos et ont consulté la Curie qui a demandé quelques changements avant de donner son approbation. Le résultat final a été influencé par le sentiment anti-François de la curie.
Comme nous l'avons dit, permettre que tout soit discuté aurait un impact sur le pouvoir de la papauté. L'approbation officielle par la Curie de l'Instrumentum Laboris a l’effet regrettable de fixer des limites à l'ordre du jour. Le recueil des propositions de changements significatifs pour résoudre les problèmes de l'Église auraient pu être intitulé "Journey's End" (La fin du voyage). Il a été accueilli avec consternation par les groupes de réforme.
Dans un article récent publié par La Croix International, le professeur John Warhurst, président de Concerned Catholics Canberra Goulburn (CCCG), « Catholiques impliqués du diocèse de Canberra-Goulburn », critique la fadeur des propositions qui ont survécu à ce deuxième filtre.
Le CCCG a publié une analyse détaillée des étapes de préparation organisées par les évêques. À chaque étape, les suggestions stimulantes ont été progressivement minimisées au point d'être pratiquement ignorées dans le texte final.
Loin de répondre à l'appel du pape à une ouverture nouvelle, les évêques s'en tiennent obstinément à l'obscurcissement défensif et ce, avec l'approbation de la Curie.
Ne jamais gaspiller une crise
Les évêques australiens sont particulièrement conscients de la nécessité de maintenir de bonnes relations avec la curie depuis le renvoi brutal et irrégulier, de l'évêque William Morris de Toowoomba en 2011. Il avait osé remettre en question les règles qui l'empêchaient de remplir sa mission épiscopale. Il avait fait des propositions pour répondre au désert sacramentel dans son diocèse, une surface d'un demi-million de kilomètres carrés, presque égale à la taille de la France, avec moins de cinquante prêtres.
Compte tenu de l'ampleur et de l'urgence des problèmes auxquels l'Église est confrontée, l'agenda qui se dessine est beaucoup trop prudent. Il risque de perdre l’opportunité rare qu’offre un Concile pour répondre aux problèmes.
Le professeur Warhurst sera l'un des membres laïcs du Concile. Il a exprimé sa crainte que les serments de fidélité obligatoires ne soient invoqués pour les empêcher de soulever les questions importantes qui sont absentes de l'ordre du jour. Tout promet un Concile qui souffrira des mêmes limitations qui ont créé les problèmes dans le passé et ont empêché leur solution.
Cependant, une application stricte du droit canonique pourrait offrir une liberté inattendue à cet égard.[1]
N'était-ce pas le conseil de Winston Churchill qu'il ne faut jamais gaspiller une bonne crise ?
En Italie et en Irlande
Récemment, après cinq ans d'incitation de la part du pape François, les conférences épiscopales d'Italie et d'Irlande ont chacune annoncé qu'elles allaient commencer le processus de planification de synodes nationaux.
En Irlande, les préparatifs devraient durer encore cinq ans, le pape jésuite, s'il survit, aura 92 ans !
En Angleterre et au Pays de Galles
Les évêques catholiques d'Angleterre et du Pays de Galles n'ont pas encore annoncé de réponse au pape. Cela est compréhensible.
Lorsqu'ils ont tenu un Congrès pastoral national à Liverpool en 1980, pas moins de 2 000 personnes y ont assisté. Le rapport final, condensé par les évêques dans un document intitulé "Le peuple de Pâques", a été présenté à Jean-Paul II par le cardinal Hume et l'archevêque Warlock.
Le pape l'a mis de côté et l'a rejeté, apparemment sans le lire.
Il ne voulait pas reconsidérer les questions ni de la contraception ni de la communion pour les personnes divorcées remariées. Il n'était pas intéressé par la voix des fidèles, même transmise par la hiérarchie.
Cependant, l'Église ne se résume pas aux évêques.
J'ai récemment eu l'honneur d'être invité à m'adresser à un groupe de personnes très intéressantes en Grande-Bretagne. Elles montrent la voie en répondant activement à l'appel de François pour une synodalité ouverte et permanente.
Deux groupes de réforme de l'Église composés de femmes ont uni leurs forces pour organiser un "Root and Branch Inclusive Synod" (Un synode inclusif enraciné et fructueux). Ils parlent d’ « un synode qui commence avec les femmes et ne s'arrête avec elles [2]». Ayant débuté en Grande-Bretagne, le mouvement s'est étendu à d'autres pays. Grâce à Zoom, ils se réunissent deux fois par mois pour écouter des orateurs invités sur des sujets qui contribueront à l'élaboration de l'ordre du jour.
L’effet des conférences est si vif qu'ils se réunissent à nouveau le lendemain pour une "causerie-café", échange d'idées et de réflexions. On m'a demandé de prendre la parole parce que certains des membres avaient lu mon livre « The Curia is the Pope » (La Curie c’est le pape »), critique de la structure de gouvernance qui a amené l'Église à sa condition actuelle.
La lettre du diocèse de Clifton en parle ainsi :
Se réunissant en ligne depuis octobre 2020, le Synode inclusif Racine et Branche a suscité l'intérêt à l'échelle nationale et internationale de la part de catholiques et d'autres chrétiens, laïcs, religieux et clercs se réunissant sur un pied d'égalité. Que vous soyez un paroissien ou un prélat, non pratiquant ou exclu de l'Eglise ou du ministère, rejoignez-nous. Il est bon de parler ensemble!
Le Synode inclusif Racine et Branche tirera ses conclusions sur les questions d'égalité, d'inclusion et de gouvernance lors d'ateliers en ligne organisés du 5 au 8 septembre 2021. Le Synode culminera avec une conférence du 10 au 12 septembre, au centre de conférence de l'église St Michael, Stoke Gifford, à côté de la gare de Bristol Parkway.
(Contact http://www.rootandbranchsynod.org/, email hello@rootandbranchsynod.org)
La participation est ouverte à tous en tant que frères et sœurs en Christ.
Les dignitaires de l'Eglise sont les bienvenus mais sont priés de laisser leurs insignes de fonction à la maison. En participant, ils répondront aux demandes du pape mais risqueront la désapprobation de la faction anti-François de la Curie.
Par son ouverture, son inclusivité, son courage et sa confiance dans l'Esprit Saint, le Synode inclusif Racine et Branche fournira un vrai canal d'expression au sensus fidei fidelium.
En permettant un libre échange d'idées et en appliquant ainsi la synodalité telle que la conçoit le pape François, il constituera un exemple pour l'avenir, à mesure qu’une synodalité authentique sera plus largement adoptée par toute l'Église chrétienne.
Si l'élan du changement vient du peuple, il sera moins susceptible de conduire à un nouveau schisme.
C'est l'aggiornamento en action.
John O'Loughlin Kennedy est un économiste à la retraite et un entrepreneur social. Avec sa femme, Kay, il a fondé « Concern » in Ireland en 1968 et l'a dirigé pendant ses dix premières années. Tout en répondant aux crises humanitaires, « Concern » emploie actuellement 3 500 personnes sur des projets de développement agricole, éducatif et médical dans 24 des pays les plus pauvres du monde. Son récent livre « The Curia is the Pope » (Le Pape c’est la Curie ») est publié par Mount Salus Press.
Part II: Synods without true synodality?
Bishops in many countries are still reluctant to open up discussion among all the people and are trying to carefully limit what can be talked about
By John O'Loughlin Kennedy
June 24, 2021
Ireland
In the first part of this essay, we outlined the synodality envisaged by Pope Francis for the Church.
It would be characterized by an ongoing, open dialogue among the people of God at all levels, listening and considering one another's views.
The response from national episcopal conferences has only started but the difference between theory and reality is already beginning to show.
Germany
In Germany, der synodaler Weg (Synodal Path) is under way but this is causing anxiety at the Vatican. Already, we see attempts to limit its scope.
Some officials in the Roman Curia have suggested that the Synodal Path should not include discussion of settled doctrines, even secondary and derived ones, that have no claim to infallibility but manifestly need updating.
Fortunately, the German bishops seem sufficiently united to withstand the curial pressure and listen to Pope Francis instead.
And the German Church has to be treated with respect. It is a substantial net contributor to Vatican coffers.
Australia
In Australia, the preparation for the Plenary Council (PC) is at an advanced stage.
It began with a listening process. The faithful were asked for their advice and suggestions. This evoked 17,457 responses — 4,700 from individuals and no less than 12,757 from groups.
Some of the submissions were quite extensive, including one from a Melbourne group, Catholics for Renewal, which was published as a 350-page book, entitled "Getting Back on Mission".
Overall, there was an amazing display of concern in a country that has seen Mass attendance drop from 74 per cent of Catholics in 1954 to 12 per cent in 2016.As one might expect after all that the Catholic Church in Australia has been through, the responses included some radical proposals and creative suggestions for building a better future.
Analyzing and ranking these to decide what needed the attention of the Plenary Council has been done in three stages.
The first analysis took place at the diocesan level and gave clear indications of the weight of concern among the faithful for the various categories of reform. When these reports were brought together for the national report, however, the relative weightings became vague.
This may have resulted from variations in how the categories were defined at the diocesan level, which would preclude their being simply added together.
Continuing the journey or already at journey's end?
Unfortunately, the national report was published before the diocesan analysis This obscured the extent of concern among the faithful on the different issues and opened the door to sanitizing the final agenda.
The next stage of distillation did just that. Published under the title of Continuing the Journey, it is the Instrumentum Laboris (working document) on which the agenda of the council will be based.
It was the work of a team made up of a bishop, a priest and two lay church employees, one male one female. They worked behind closed doors and consulted with the bureaucracy in Rome which looked for some changes before giving its approval.
The outcome appears to have been influenced by the anti-Francis sentiment in the curia.
As we have seen, allowing everything to be discussed would impact on the unlimited power of the papacy. The official approval by the curia for the Instrumentum Laboris has the regrettable side-effect of setting limits for the agenda of the Plenary Council.
As far as proposals for significant changes to remedy the problems in the Church are concerned, it might well have been entitled "Journey's End".
It has been greeted with dismay by reform groups. All the challenging and really creative suggestions have been edited out.In a recent article carried by La Croix International, Professor John Warhurst, chair of Concerned Catholics Canberra Goulburn (CCCG), is critical of the blandness and anodyne nature of the proposals that have survived the further distillation.
CCCG has published a detailed analysis of the various stages of preparation as organized by the bishops. At each stage the challenging suggestions have been progressively played down to the point where they can be all but ignored in the final agenda.
Far from responding to the pope's call for a renewed openness, the bishops are sticking doggedly with obfuscation and the old defensive secretiveness — and this with the approval of the Roman Curia.
Never waste a good crisis
Australian bishops are particularly conscious of the need to maintain good relationship with the curia since the 2011 abrupt dismissal, without due process, of Bishop William Morris of Toowoomba.
He had dared to question current regulations that obstructed him in fulfilling his episcopal responsibilities.
He had floated some proposals to meet the sacramental famine in his diocese where he was trying to cover an area of half a million square kilometers, almost equal to the size of France, with fewer than fifty priests!
Given the scale and urgency of the problems facing the Church, the agenda that is taking shape is much too cautious. It risks losing the rare opportunity offered by a Plenary Council for an effective response to the problems.
Professor Warhurst will be one of the lay members of the Council. He has expressed concern lest the mandatory oaths of fidelity be invoked to prevent them from raising the really important issues that are missing from the agenda.
However, a strict application of canon law could offer some unexpected freedom in this regard.All this promises a Council that will suffer from the same limitations that created the problems in the past and have prevented their solution.
Wasn't it the advice of Winston Churchill that one should never waste a good crisis?
Italy and Ireland
Recently, after about five years of prompting from Pope Francis, the episcopal conferences of Italy and Ireland have each announced that they will start the planning process for national synods.
In Ireland, preparations are expected to take a further five years, by which time the Jesuit pope, if he survives, will be 92 years of age!
England and Wales
The Catholic Bishops of England and Wales have yet to announce any similar response to the pope. This is understandable.
When they held a National Pastoral Congress in Liverpool in 1980, no less than 2,000 people attended. The final report, condensed by the bishops into a document entitled "The Easter People", was presented to John Paul II by Cardinal Hume and Archbishop Warlock.
The late pope pushed it to one side and rejected it, apparently without even reading it.
There would be no reconsideration of contraception or the issue of Holy Communion for those remarried without an annulment. He was not interested in the voice of the faithful even when transmitted through the hierarchy.
However, there is more to the Church than the bishops.
I was recently honored with an invitation to address a very exciting group of people in Great Britain. They are leading the way in active response to Francis' call for open ongoing synodality at every level.
Two Church reform groups composed of women have joined forces to organize the Root and Branch Inclusive Synod. They are calling it"a synod that starts with women and does not end there".
What is more, having started in Great Britain, it has already spread farther afield. Using Zoom, it has been gathering twice monthly, to hear guest speakers on topics that will help form the agenda.
The engagement after the talks is so lively that they gather again the following day for a "coffee chat" and exchange of ideas and reflections. I was asked to speak because some of the members had read my book The Curia is the Pope, which is a critique of the governance structure that has brought the Church to its present condition.
The newsletter of the Diocese of Clifton gives the details:
Meeting online since October 2020, Root and Branch Inclusive Synod has drawn interest nationwide and internationally, from Catholics and other denominations and faiths, with laity, religious and clergy meeting as equals. Whether you are a parishioner or a prelate, not practicing or excluded from the church or from ministry, please join us. It is good to talk!
The Root and Branch Inclusive Synod will reach its conclusions on issues of equality, inclusion and governance in online workshops running from 5th– 8thSeptember 2021. The Synod will culminate with a conference from 10th– 12thSeptember, at the state-of-the-art conference center of St Michael's Church, Stoke Gifford, beside Bristol Parkway Station. (Contact: www.rootandbranchsynod.org, email hello@rootandbranchsynod.org)Participation is open to all as brothers and sister in Christ.
Church dignitaries are welcome but are requested to leave the regalia of office at home. By attending they will be responding to the pope's demands but risking the disapproval of the anti-Francis faction in the curia.
In its openness, inclusiveness, courage and trust in the Holy Spirit, the Root & Branch Inclusive Synod will provide a rare channel of expression to the sensus fidei fidelium.
In allowing free exchange of ideas and thus applying synodality as understood by Pope Francis, it will set a standard and example for the future, as genuine synodality becomes more widely adopted throughout the Christian Church.
If the impetus for change comes gradually from the people, it will be less likely to lead to further schism.
This is aggiornamento in action!
John O'Loughlin Kennedy is a retired economist and serial social entrepreneur. With his wife, Kay, he founded Concern in Ireland 1968 and guided it for its first ten years. In addition to responding to humanitarian crises, Concern currently employs 3,500 people on agricultural development and educational and medical projects in 24 of the world's poorest countries. His recent book The Curia is the Popeis published by Mount Salus Press.
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