Comment le Pape François a remodelé le Collège des Cardinaux

Comment le Pape François a remodelé le Collège des Cardinaux

Ed. Condon

The Pillar

30 mai 2022

Le pape François a annoncé dimanche la création de seize nouveaux membres du Collège des cardinaux en âge de voter ; ils seront institués lors d'un consistoire qui se tiendra le 27 août. La liste des noms a provoqué une excitation notable au sein du monde catholique ; François n'avait pas tenu de consistoire depuis 2020.

La presse anglophone s'est particulièrement intéressée à la nomination surprenante de l'évêque Robert Mc Elroy de San Diego. Elle est largement interprétée comme une réponse précise, mais codée, au débat actuel dans l'Église américaine sur la décision de l'archevêque Salvatore Codileone d'empêcher la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, de communier dans son diocèse ; Mc Elroy est un adversaire déclaré de l'application de la discipline sacramentelle aux politiques catholiques.

Bien que François soit connu pour sa spontanéité, la décision de nommer un cardinal est généralement prise plus de 9 jours avant son annonce. Le lien entre ces deux événements semble donc discutable.

La nomination de Mc Elroy, ainsi que les autres membres de la liste, illustrent la façon dont la composition du Collège a changé sous François. Au cours de son pontificat, François a mis un terme à la fonction du collège comme organe consultatif majeur en suspendant la pratique des consistoires réguliers, préférant s'appuyer sur un plus petit nombre de conseillers personnels. Il a de même rompu le lien entre les grands diocèses et l'appartenance au collège. « In fine » il a garanti une composition plus diversifiée du futur conclave.

Ces changements pourraient s'avérer être l'un des héritages les plus durables du pape - mais ils n'influenceront probablement pas l'élection de son successeur alors que beaucoup le prédisent.

À quoi sert le collège ?

La date du consistoire qui installera officiellement les nouveaux cardinaux, constitue en soi un écart considérable par rapport à la coutume : organiser l'événement en août, lorsque Rome se vide pour les vacances d'été est inhabituel.

Le collège des cardinaux est censé assister le pape dans la gouvernance de l'Église, le conseillant notamment sur les questions de grande importance. Historiquement, cela se faisait lors de réunions appelées consistoires, où était officialisée la création de nouveaux cardinaux membres du collège.

François n'a pas tenu de consistoire depuis près de deux ans. Depuis son élection en 2013 il a abandonné la pratique des deux réunions annuelles, passant à une seule par an.

Pour être conseillé le pape s'est ouvertement passé des consistoires. Il préfère s'appuyer sur son cabinet restreint, le Conseil des cardinaux (appelé parfois C 9), sur l’aide de conseillers officieux, et sur celle de confrères de la Compagnie de Jésus (trois des plus grands départements du Vatican sont maintenant dirigés par des jésuites).

En ce qui concerne la fonction la plus célèbre du collège, à savoir l'élection du pape lors du conclave, l'abandon des réunions semestrielles régulières signifie que lorsqu'ils se réuniront en août, bon nombre des 83 cardinaux en âge de voter ne se seront jamais rencontrés, et encore moins appris à se connaître.

Compte tenu des préoccupations croissantes concernant la santé du pape de 85 ans, il est tout à fait possible que le mois d'août à venir soit la dernière occasion pour les cardinaux de se rencontrer avant le prochain conclave.

L'absence de réunions régulières, ainsi que les efforts de François pour diversifier géographiquement la composition du collège (après le mois d'août, il y aura deux fois plus de cardinaux en âge de voter originaires d'Afrique et d'Asie que lors du conclave de 2013 qui a élu François), signifient que le prochain conclave sera, à bien des égards, une réunion entre étrangers, plutôt que celle d'un groupe dont les membres se connaissent bien.

Qui en fait partie ?

Le pape a exprimé son désir de voir le collège mieux refléter les "périphéries" de l'Église. Il a donné suite à sa volonté en nommant un nombre beaucoup plus important de cardinaux originaires d'Asie et d'Afrique que par le passé.

Après le 27 août, un total de quarante et un cardinaux en âge de voter proviendront d'Asie, d'Inde, d'Afrique et d'Océanie, contre vingt-deux lors du conclave de 2013. Durant tout son pontificat François n'a nommé, en 2018, qu'un seul cardinal originaire d'Europe de l'Est : l'aumônier pontifical Konrad Krajewski.

Compte tenu de l'évolution démographique, cette pratique du pape permet de constituer un groupe plus représentatif de l’Église mondiale. Mais personne ne sait exactement ce que cela peut signifier pour la future élection papale. Parmi les nouvelles nominations peu sont des personnalités bien connues par les médias occidentaux, ce qui signifie que leurs analyses tendent à pencher vers les opinions et les perspectives européennes et américaines. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans un conclave.

En rééquilibrant le collège en faveur de la diversité régionale, François s'est écarté des pratiques habituelles concernant la nomination des cardinaux. Il a balayé l’habitude selon laquelle certains sièges épiscopaux sont nécessairement occupés par un cardinal.

La nomination de Mc Elroy a été juxtaposée dans les médias à l'éviction supposée de son archevêque métropolitain, Jose Gomez de Los Angeles, qui dirige le plus grand diocèse des États-Unis, est le président de l'USCCB[1] et le premier hispanique à occuper ces deux fonctions.

Bien entendu, aucun évêque n'a le droit de devenir cardinal. François semble avoir renoncé à la notion de sièges cardinalices, le titre officieux donné aux plus grands archidiocèses dont les évêques sont traditionnellement nommés cardinaux, tant aux États-Unis qu'en Europe. Parallèlement lorsqu'il nomme des cardinaux d'Europe et des Amériques, le pape préfère choisir des évêques perçus comme proches de ses options théologiques et pastorales.

C’est en soi un changement par rapport aux pratiques récentes.

Les papes précédents, en particulier Jean-Paul II et Benoît XVI, avaient pris l'habitude de choisir des cardinaux parmi leurs opposants idéologiques, s'assurant ainsi que même sous des papes supposés conservateurs, des progressistes au franc-parler comme Walter Kasper[2], Reinhart Marx[3] et Joseph Bernadin[4] donneraient au collège un large spectre d'opinions que le pape pourrait entendre.

Cette pratique a été très critiquée, tout comme celle de François. La vraie continuité réside dans le fait que les papes ne peuvent pas plaire à tout le monde.

Néanmoins, la plupart des cardinaux en âge de voter ont été nommés par François, et lorsque l'un d'entre eux sera élu pape, il est possible, voire probable, qu'il procède à ses propres nominations à la manière de François.

Si tout cela devient pour le collège une nouvelle norme, le concept de consistoire et de collège sera remodelé dans une vision résolument plus politique que synodale, les différentes tendances de l'Église cherchant la majorité dans le conclave, oubliant le discernement délibératif ou le dialogue fraternel entre des interlocuteurs qui ne sont pas d'accord.

Certains peuvent être favorables à ce changement, le considérant comme la seule façon de régler les questions fondamentales d'ecclésiologie qui sont débattues dans l'Église depuis le Concile Vatican II. Un conclave qui doit parvenir à un consensus entre des perspectives diverses est une sorte de protection contre le schisme. Mais le conformisme idéologique parmi les cardinaux pourrait accélérer la rupture dans l'Église venant de groupes comme la conférence épiscopale allemande. Ce que beaucoup craignent aujourd'hui

Mais ce n’est pas un phénomène nouveau dans l'histoire de l'Église.

Un héritage durable ?

Le collège des cardinaux n'existe pas par institution divine, et les papes l'ont toujours utilisé selon leur bon vouloir. Le pape François n'est pas le seul à apposer sa marque sur le collège. Mais certaines conséquences des changements opérés par François sont peut-être inattendues.

Dans la perception publique l'une d'entre elles a été la création d'une sorte de cardinalat à deux vitesses - ceux qui travaillent au sein de la direction curiale ou qui sont perçus comme étant proches de François, et les autres cardinaux votants à travers le monde, qui ne sont pas spécialement impliqués dans le conseil du pape sur les affaires de l'Église.

Si ce modèle est confirmé par ses successeurs, il pourrait en résulter plus de nominations au collège motivées par la personnalité et une régionalisation accélérée de l'Église, avec des conférences épiscopales aux voix distinctes de celles de ceux choisis pour parler à, Rome au nom de l'Église locale.

Les effets immédiats des décisions de François ne sont pas clairs, et les prédictions sur le genre de pape qu'un futur conclave pourrait élire sont, au mieux à ce stade, des conjectures. Alors que près des deux tiers des cardinaux seront nommés par François, beaucoup d'entre eux restent, d'un point de vue ecclésiologique, des inconnus - il en est de même entre eux.

François est souvent accusé d'avoir "battu les cartes" pour un futur conclave. Mais le "pape des surprises" pourrait bien avoir fait le contraire, en s'assurant que l'élection de son éventuel successeur soit la plus spontanée de l'ère moderne.

Traduit par Jean-Paul

 

Commentaires (1)

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Date de dernière mise à jour : 23/06/2022