Autriche - Un évêque allemand s'oppose à l'évangélisation prétexte à repousser la réforme de l’Eglise - LCI 11/10/2019

Le fossé entre l'annonce de l'Évangile et la réalité de la vie quotidienne des gens est devenu si large qu'il est presque impossible de leur parler de la foi chrétienne.

Christa Pongratz-Lippitt, Vienne

Le 11 octobre 2019

 

 

L'un des plus jeunes évêques d'Allemagne a mis en garde contre la tendance à faire de la primauté de l'évangélisation un  slogan de ralliement visant à entraver les réformes urgentes de l'Église.

« Les réformes que nous discuterons lors de la procédure synodale ne sont ni triviales, ni de simples questions structurelles ; la primauté de l'évangélisation ne peut être élevée au rang d'antonyme de la réforme de l'Église » a déclaré Mgr Peter Kohlgraf, évêque de Mayence.

L'évêque de 52 ans, qui a succédé à feu le cardinal Karl Lehmann il y a deux ans, a redit son ferme engagement dans l'évangélisation. Mais dans une interview accordée le 6 octobre à Kölner Stadt-Anzeiger[1], il s'est montré curieux de savoir ce qui se cache derrière les demandes incessantes de certains catholiques allemands sur l’évangélisation.

S'ils veulent dire que nous devons porter le message de l'Evangile dans le monde, alors je ne peux que dire : « Bien sûr ! J'essaie de ne rien faire d'autre du matin au soir ! ». « Mais si elles signifient que l'Église sait comment parler aux gens sans comprendre leurs questions, alors l'évangélisation devient un slogan et rien d’autre », a dit P. Kohlgraf dans une large interview sur la situation de l'Église.

 

Les évêques et les laïcs s'attaquent aux questions brûlantes dans le cadre de la procédure synodale

Les évêques allemands se sont engagés dans une procédure synodale de deux ans pour la réforme ecclésiale, un projet audacieux qui sera ouvert à la participation active du Comité central des catholiques allemands (laïcs). L'objectif est de tracer la voie à suivre pour l'Église après le désastre causé par la crise des abus et l'exode massif des fidèles qui a suivi.

La procédure synodale abordera les questions suivantes : "Le pouvoir : équilibres et freins", "La morale sexuelle", "Le mode de vie sacerdotal" et "La place des femmes dans l'Église".

La Congrégation pour les Evêques à Rome, ainsi que des clercs conservateurs en Allemagne et à l'étranger, ont fortement critiqué cette procédure. Mais la majorité des évêques allemands est déterminée à mener à bien ce chemin synodal.

Mgr Kohlgraf pense qu'il est indéniable que l'image publique de l'Église s'est détériorée au point que des catholiques la considèrent maintenant comme inutile et ont pris leur distance.

Il ajoute que le fossé entre la proclamation du message de l'Evangile et la réalité de la vie quotidienne des gens est maintenant devenu si large qu'il est presque impossible de parler de Dieu et de la foi chrétienne. Il est absolument crucial pour l'Église de prendre conscience de l'ampleur de cet écart.

 

Les abus sexuels du clergé poussent la question de la réforme de l'Église

P. Kohlgraf a souligné que les questions de réforme à l'étude n'ont pas été « inventées par quelques évêques en mal de publicité ». C'est l'étude sur les abus, commandée par la conférence épiscopale allemande en 2018, qui a mis ces questions au premier plan.

« Le mécontentement est si grand qu'on ne peut plus parler des questions de foi. Pour moi, en toute honnêteté, cela signifie que l'évangélisation est paralysée », a souligné l'évêque de Mayence.

Il s'est dit certain que la morale sexuelle s'avérera être la plus difficile des quatre questions de réforme à discuter, car les positions sont presque inconciliables. « Il y a ceux qui disent : tout a été dit, l'enseignement de l'Église ne doit pas changer. Et les autres qui disent : la réalité de la vie, et ce qu’en disent les sciences humaines, doit changer l'enseignement de l'Église. Deux mondes s'affrontent », a conclu P. Kohlgraf.

 

La question du rôle des femmes doit être résolue

Il a noté qu'une autre question brûlante - le rôle des femmes dans l'Église - a fait sortir les gens dans la rue. Il a été en contact avec des militants de "Maria 2.0", un mouvement catholique de base qui demande que les femmes soient autorisées à occuper toutes les fonctions ecclésiastiques.

Ce sont des femmes et des hommes catholiques très engagés au milieu de nos paroisses et bien que la procédure synodale  ne se concentrera certainement pas sur l'ordination des femmes, elle ne doit pas se terminer par un simple « C'est une bonne chose que nous ayons parlé du rôle des femmes dans l'Église », a dit Mgr Kohlgraf. « Ce danger est réel », a-t-il admis et  « ce serait une frustration terrible ».

Dans la longue interview, l'évêque a insisté sur cette question.

« Il est très important que nous écoutions ce que ces paroissiens ont à nous dire. Je leur ai promis que je transmettrai à Rome leur incompréhension sur la façon dont les femmes sont traitées par l'Église. Entre-temps, nous devons répartir équitablement les postes de responsabilité qui sont également ouverts aux hommes et aux femmes. Il y a encore beaucoup de marge de manœuvre », a-t-il insisté.

Mgr Kohlgraf, qui est maintenant le deuxième plus jeune responsable d'un diocèse allemand, a également parlé de l'assemblée du Synode des évêques sur l'Amazonie.

 

Le célibat sacerdotal et la possibilité d'ordonner des hommes mariés

Il espère que les débats sur le célibat sacerdotal aborderont la façon dont la vie de célibat pourrait être vécue aujourd'hui et à l'avenir. Il ajoute que pour lui, personnellement, le célibat est un grand trésor car c'est un style de vie que Jésus recommande.

Lorsqu'on lui a demandé si les évêques allemands feraient pression pour l'ordination des viri probati (hommes mariés de vertu avérée) si le synode envisageait cette disposition pour l’Amazonie, il a répondu que toutes les questions à l'ordre du jour de la procédure synodale ne concernent pas seulement l'Église allemande.

« Je ne connais aucun pays au monde où la question du pouvoir, de la fonction sacerdotale, de la morale sexuelle et du rôle des femmes dans l'Église ne fait l'objet d'aucune discussion ».

Notant que le pape François a toujours parlé de la nécessité d'une décentralisation légitime, P. Kohlgraf a déclaré que la décision de permettre ou non l'ordination régionale d’hommes mariés en serait un exemple concret.

Il ne pense pas qu'autoriser des prêtres mariés dans certaines régions serait une attaque contre l'Église universelle ni contre le sacerdoce en général. « Nous avons des prêtres mariés dans l'Eglise de rite latin depuis longtemps. Les pasteurs luthériens qui deviennent catholiques romains et qui sont ordonnés prêtres viennent naturellement avec leur femme et leurs enfants ».

 

German bishop opposes evangelization as a battle cry against reform

Gulf between proclamation of the Gospel and the reality of people's daily lives has now become so wide that it's almost impossible to talk about the Christian faith

Christa Pongratz-Lippitt, Vienna

October 11, 2019

One of Germany's youngest bishops has warned against efforts to make "the primacy of evangelization" merely a "battle cry" aimed at hampering urgent Church reforms.

"I am against declaring the reforms we intend to discuss at the 'synodal procedure' as 'trivialities' or 'mere structural issues', and elevating 'the primacy of evangelization' to an antonym for Church reform," said Bishop Peter Kohlgraf of Mainz.

The 52-year-old bishop, who took over in Mainz from the late Cardinal Karl Lehmann just two years ago, affirmed his strong commitment to evangelization. But in an Oct. 6 interview with Kölner Stadt-Anzeiger he said he was curious to know what's behind the incessant demand some Catholics in Germany are making on this point.

"If they mean that we should take the Gospel message out into the world, then I can only say, 'But of course! I'm trying hard to do nothing else from morning to night!'

"But if they mean that the Church knows beforehand how to answer people and is not interested in their questions, then evangelization becomes a battle cry," Kohlgraf said in a wide-ranging interview on the stat of the Church.

Bishops and laypeople to tackle hot-button issues in a synodal procedure

The German bishops have set out on a 2-year "synodal procedure" for ecclesial reform, an audacious project that will include the active participation of the Central Committee of German (lay) Catholics. The aim is to chart a way forward for the Church following the devastation caused by the abuse crisis and the ensuing massive exodus of the faithful.

The synodal procedure will discuss the following issues: "Power and Checks and Balances," "Sexual Morality," "The Priestly Lifestyle" and "Women's Place in the Church."

The Congregation for Bishops in Rome, as well as conservative churchmen both in and outside Germany, have strongly criticized the procedure. But the majority of German bishops are determined to see the "synodal procedure" through.

Bishop Kohlgraf said it is "undeniable" that the Church's public image has deteriorated to the point that Catholics now see it as "unhelpful" and are keeping a distance.

He said the gulf between the proclamation of the Gospel message and the reality of people's daily lives has now become so wide that it's almost impossible to get round to talking about God and the Christian faith. He added that it's absolutely crucial for the Church to realize how wide this gap has become.

Clergy sex abuse has forced the issue of Church reform

Kohlgraf pointed out that the reform issues under discussion have not "just been made up by a few of us bishops who wanted to make a bit of a splash." Rather, he said it was the "Abuse Study" the German bishops' conference commissioned in 2018 that actually had brought the issues to the fore.

"The discontent is so great and so dominant that one cannot discuss matters of faith. For me, in all honesty, this means that evangelization is paralyzed," the bishop of Mainz emphasized.

He said he's certain that sexual morality will prove to be the most difficult of the four reform issues to be discussed, since the positions here are "almost irreconcilable."

"There are those who say, 'Everything has been said, Church teaching must not change.' Then there are those who say, 'The reality of life, including what the human sciences say, must change Church teaching'. This is where two worlds really clash," Kohlgraf said.

The role of women must be resolved

He noted that another hot-button issue – the role of women in the Church – has even brought people out on the streets. He said he has been in contact with activists of "Maria 2.0," a grassroots Catholic movement that is calling for women to be allowed to hold all ecclesiastical offices.

"These are highly committed Catholic women – and men – from the midst of our parishes and although the "synodal procedure" will certainly not culminate in women's ordination, it must not end with a mere 'It's a good thing that we talked about this (women's role in the Church),'" said Bishop Kohlgraf.

"There is that danger," he admitted. "But it would be a tremendous potential for frustration.

In the long interview, the bishop was emphatic on this issue.

"It is most important that we listen to what these parishioners have to tell us. I have promised them that I will pass their incomprehension (at how women are being treated by the Church) on to Rome. Meanwhile, we must distribute responsible leadership offices that are equally open to men and women fairly. There is still plenty of upward scope," he insisted.

Bishop Kohlgraf, who is now the second youngest head of a German diocese, also spoke of the Synod of Bishops assembly on the Amazon that is currently underway in Rome.

Priestly celibacy and the possibility of ordaining married men

He said he hoped its debates on priestly celibacy might include a more comprehensive discussion on how a celibate life could be lived today and in the future. He added that for him, personally, celibacy was a great treasure as it was a lifestyle that Jesus recommended.

When asked if the German bishops would push for the ordination of viri probati (married men of proven virtue) if the Synod were to lead for that provision in the Amazon region, he said that and all the other issues up for discussion at the "synodal procedure" did not concern just the German Church.

"I know of no country on earth where the issue of power, the priestly office, sexual morality and women's role in the Church are not being discussed," the bishop said.

Noting that Pope Francis has always spoken of the need for legitimate decentralization, Kohlgraf said a decision on whether or not to allow married men to be ordained regionally would be a concrete example of decentralization.

The bishop said he did not think allowing married priests in certain regions would be an attack on the universal Church nor on the priesthood in general.

"We have had married priests in the Latin Rite Church for a long time. Lutheran priests who become Roman Catholics and are ordained Catholic priests naturally bring their wives and children with them," he said

 

[1] Le plus grand quotidien de Cologne

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Date de dernière mise à jour : 06/11/2019