Australie - On peut parler dans l'Église catholique - LCI 23/03/2019
Les laïcs et les prêtres doivent agir ensemble pour mettre en place de nouvelles structures dans les paroisses et les diocèses, ou chacun sera responsable, y compris les évêques
Paul Collins, Australie, 23 mars 2019
Paul Collins a travaillé pendant plus de cinquante ans pour le renouveau du catholicisme, à la fois comme prêtre et comme laïc.
Dans deux mois, les évêques catholiques d’Australie effectueront leur visite quinquennale à Rome afin de faire le point sur l’état de l’Eglise australienne. Au cours de cette visite ad limina apostolorum (« sous le regard des apôtres Pierre et Paul »), les évêques rencontrent le pape et des responsables du Vatican pour discuter des problèmes auxquels leurs Eglises locales sont confrontées.
Initialement pèlerinages à Rome, ces visites quinquennales sont devenues indispensables lors de la centralisation excessive de l'Eglise au XIXe siècle.
Voilà ce que les évêques australiens doivent dire au pape François et ce qu’il devrait leur dire.
Les évêques devraient commencer par confesser qu'ils sont profondément divisés entre eux, comme le révèle les voix également partagées lors de l’élection du président de la Conférence des Evêques en mai 2018 entre Mark Coleridge de Brisbane et Anthony Fisher de Sydney, Coleridge ne l’emportant qu’à l'ancienneté.
La conférence comprend essentiellement trois groupes : une minorité non négligeable qui suit le raide Cardinal Pell, un groupe dynamique et enthousiaste, dirigé par A. Fisher et la majorité qui est essentiellement neutre.
Cette dernière a le sentiment de ne pas imaginer la suite des évènements, les accusations d'abus sexuels continuant de venir au jour. Ils ne pensent que repli protecteur.
Tout en administrant leurs diocèses avec une compétence acceptable, ils manquent de leadership et de vision pastorale.
Seule une infime minorité comprend la terrible situation du catholicisme australien, essaie d’imaginer une nouvelle pastorale et est engagée dans la théologie et la pratique du Concile Vatican II.
Nous avons un épiscopat triste et médiocre, principalement en raison des lignes réactionnaires et conformistes de Jean-Paul II et de Benoît XVI, ainsi que de l'influence néfaste de Pell à Rome sur les nominations des évêques.
Il n’est pas étonnant que des prêtres intelligents refusent des nominations épiscopales en Australie et dans le monde !
Les évêques doivent également dire à François que la communauté catholique est plongée dans la pire crise de son histoire.
Nous pensions avoir tout vu pendant les quatre années de travail de la commission royale par la révélation des terribles récits d’abus sexuels et de mauvais traitements infligés aux enfants par le clergé et les institutions catholiques.
Mais la condamnation de George Pell laisse pantois. Les catholiques australiens sont abasourdis et scandalisés par le manque de responsabilité de leurs évêques. Ils nous ont laissé sans vrais responsables, à l’exception magistrale de l’évêque de Parramatta, Vincent Long van Nguyen.
Il a longtemps confessé qu'il se sentait « sale et comme vidé » mais a placé cela sous le regard de la mort et de la résurrection de Jésus.
La plupart des autres étaient "choqués et inquiets", mais ils ont déclaré qu'il serait "inapproprié et déplacé" de commenter la condamnation de Pell. Manque de responsabilité et absence de référence au Christ.
Les évêques n'ont pas grand-chose à offrir à François. Avec un taux de pratique en baisse (seulement 8 à 10 % des catholiques affirmés vont à la messe de manière presque régulière), une pénurie massive de prêtres (un peu plus de 50 % des prêtres dans les paroisses australiennes sont étrangers) et un effondrement total d’engagement parmi les jeunes catholiques ; la situation est sombre.
La seule note optimiste est que les ministères les moins contrôlés par les évêques - santé, éducation, services et activités de la Conférence St Vincent de Paul - fonctionnent bien. Ces ministères sont presque entièrement gérés par des laïcs et financés en grande partie par le gouvernement.
Que devrait dire François aux évêques ? Tout d'abord, il leur dira de se débarrasser de leurs tenues stupides telles que mitres, calottes et autres témoins du passé. C'est ce que Jésus voulait dire lorsqu'il parlait des pharisiens vêtus de « larges phylactères et de longues franges » (Mt 23, 5). Les évêques doivent retrouver la modestie de l'Evangile. Cela ne veut pas dire pas de cérémonie, mais de la simplicité.
Pour François, l'abandon de cet attirail symbolise un changement plus profond consistant à faire de la pastorale plutôt que du pouvoir, la priorité première de l'évêque. L’Eglise est là pour servir et non pour promouvoir une idéologie du genre, du sexe, de la reproduction ou des questions de fin de vie.
François a expliqué que les véritables problèmes moraux sont le souci de la création et des dangers du réchauffement climatique, comme il l'a expliqué dans l’encyclique révolutionnaire « Laudato si ' ».
Il s’y s'interroge également sur la domination anthropocentrique absolue de l'homme sur la nature et réintègre l'Homme dans la matrice biologique dont nous sommes issus, en mettant l'accent sur les liens qui unissent toute notre réalité humaine.
Il dit que ce sont les mystiques qui « expérimentent d'abord le lien intime entre Dieu et tous les êtres, et ont ainsi le sentiment que " tout est Dieu " », citant le poète espagnol du XVIe siècle, mystique et lyrique, Saint Jean de la Croix.
Si François connaissait cette expression, il dirait également aux évêques que l'idéologie de la hiérarchie ecclésiastique - le hiérarchisme - est dépassée, qui plus est pour quiconque tente de suivre Jésus.
La hiérarchie ecclésiastique c’est une histoire de pouvoir ; les évêques y rentrent par l’ordination et la nomination papale. Dans ce processus, le baptême est oublié et l’égalité au sein de la communauté chrétienne est perdue. François doit pousser les évêques à l’abandon du pouvoir et à devenir des « serviteurs ».
Par « serviteur », j'entends la capacité à faire vivre en soi le sens et le but de l'Eglise, et à promouvoir les dons et leurs forces des frères.
Un chef d’opéra expérimenté a expliqué ainsi le « service » : « Je dois avoir intégré la partition de telle sorte que, le soir venu, je puisse me concentrer uniquement sur le soutien des chanteurs et des musiciens afin de pouvoir réaliser ensemble ce que le compositeur avait l’intention de faire. Ca et rien d’autre ! »
Le « service » ne peut émerger que de la communauté. L’ensemble de l’Eglise doit oublier les priorités hiérarchiques. Les catholiques ne devraient pas perdre leur temps en activités « sponsorisées » par les évêques.
Ils devraient se concentrer sur le développement du « service » laïc, en particulier du « service » des femmes.
Les laïcs et les prêtres doivent agir ensemble pour mettre en place de nouvelles structures dans les paroisses et les diocèses, dont chacun sera responsable, y compris les évêques. Le « service » dans l'Eglise se construit, il n’est pas donné lors d’un rendez-vous ecclésiastique.
Il y aura des résistances, tout comme François l’expérimente. Dans une Eglise au plus bas, nous avons besoin d'une nouvelle vision, et c'est des laïcs que cette vision viendra. L'âge hiérarchique est terminé.
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Talking Heads in the Catholic Church
Laity and priests need to act strategically in developing new structures in parishes and dioceses to which everyone is responsible, including bishops
Paul Collins
Australia
March 23, 2019
Paul Collins has worked for more than fifty years for renewal in Catholicism, both as a priest and layperson.
Two months from now Australia's Catholic bishops will make their quinquennial visit to Rome reporting on the state of the church. During this visit ad limina apostolorum ('to the threshold of the apostles Peter and Paul') bishops meet the pope and officials of the Vatican to discuss issues facing their local Catholic community.
Originating as pilgrimages to Rome, these five-yearly visits became obligatory during the over-centralization of the church in the nineteenth century. What follows is what the Australian bishops ought to tell Pope Francis and what he ought to tell them.
The bishops should begin by confessing that they are deeply divided among themselves, as revealed in the evenly split vote for bishops' conference president in May 2018 between Brisbane's Mark Coleridge and Sydney's Anthony Fisher, with Coleridge winning simply on seniority.
Essentially there are three groups in the conference: there is a sizeable minority who follow the uncompromising, Cardinal Pell, boots-and-all style of Catholicism, now led by Fisher. The majority are essentially 'neutral'.
They feel they don't know what's going to happen next, and there's justification for that as accusations of sexual abuse continue to surface. Afraid, their response is to run for deep cover.
While reasonably competent administrators, they offer little genuine leadership or pastoral care to the community.
Finally, there's a tiny minority who understand the terrible situation of Australian Catholicism, try to provide pastoral leadership, and are committed to the theology and practice of the Second Vatican Council.
Thus, we're left with an unhappy, mediocre episcopate, mainly as a result of the reactionary, conformist priorities of John Paul II and Benedict XVI, together with the baleful influence of Pell in Rome on bishops' appointments.
No wonder able, intelligent priests are nowadays turning-down episcopal appointments across Australia and the world!
The bishops also need to tell Francis that the Catholic community has plunged into the worst crisis of its entire history.
We thought we'd seen it all during the four years of child abuse Royal Commission, especially as terrible stories of abuse and mistreatment of children by clergy and Catholic institutions were recounted.
But George Pell's conviction leaves that for dead. Australian Catholics are stunned and outraged at the bishops' lack of accountability. They have left us utterly leaderless, offering nothing but clichés, with the outstanding exception of Parramatta Bishop Vincent Long van Nguyen.
Long confessed that he felt 'awful and empty inside,' but placed this within the context of the death and resurrection of Jesus.
Most of the others were 'shocked and distressed', but said it would be 'inappropriate and inflammatory' to make further comment on Pell's conviction. No leadership there, no reference to Christ or the gospel.
The bishops don't have much else to offer Francis. With declining practice rates (only 8-10 percent of self-confessed Catholics go to Mass semi-regularly), a massive shortage of priests (just over 50 percent of priests in Australian parishes now are foreign-born) and a complete collapse in affiliation among young Catholics, the picture is bleak.
The one optimistic note is that the ministries least controlled by bishops—Catholic health, education, social services and Vinnies—where some 80 percent of the church's service is delivered, are in good shape. These ministries are almost completely run by laity and largely funded by government.
What should Francis tell the bishops? First, he'll tell them to jettison their silly outfits like mitres, skull caps and other hang-overs from history. This is what Jesus meant when he talked about Pharisees wearing 'wider phylacteries and longer tassels' (Mt 23:5). Bishops need to embrace gospel modesty. This doesn't mean no ceremony, just simplicity.
For Francis, abandoning paraphernalia symbolizes a deeper change to make pastoral care rather than power, a bishop's primary priority. The church is here to serve, not to promote an ideology of gender, sex, reproduction, or end-of-life issues.
Francis has made it clear that the real moral issues are care for nature and highlighting the dangers of global warming, as he made clear in his revolutionary encyclical Laudato si'.
Here he also questions the radical anthropocentric dominance of humankind over nature, and he reintegrates humankind back into the biological matrix from which we emerged by emphasising the connectedness of all reality.
He says it was the mystics who first 'experience the intimate connection between God and all beings, and thus feel that "all things are God,"' quoting the sixteenth century Spanish lyric poet and mystic, Saint John of the Cross.
If Francis knew the expression, he'd also tell the bishops that the ideology of ecclesiastical hierarchy—hierarchism—is a stranded asset, unsellable anywhere, least of all to anyone trying to follow Jesus.
The ecclesiastical hierarchy is about power and bishops are initiated into it through papal appointment and ordination. In the process, baptism is forgotten and equality in the Christian community is lost. Francis needs to challenge bishops to abandon power and become leaders.
By 'leadership' I mean an ability to articulate in oneself the meaning and purpose of the church, plus the facility to support others in realizing their gifts and strengths.
An experienced opera conductor thus explained leadership: 'I need to have so integrated the musical score that on the night I can focus entirely on facilitating and supporting the singers and musicians, so that together we can realize what the composer intended.' Spot on!
This kind of leadership can only emerge from the community. The whole focus of the church needs to shift from hierarchical priorities. Catholics shouldn't waste time on bishop-sponsored activities like plenary councils.
They should concentrate on developing lay leadership, particularly women's leadership.
Laity and priests need to act strategically in developing new structures in parishes and dioceses to which everyone is responsible, including bishops. Leadership in the church is something earned, not granted by ecclesiastical appointment.
This will be resisted, just as Francis himself is being undermined by the diehards. In a church at rock-bottom we need a new vision, and it is from the laity that that vision will come. The age of hierarchs is already over.
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Date de dernière mise à jour : 21/06/2019