Australie - Les laïcs sont la clé pour réformer le catholicisme - LCI 14 sept. 2019

Le conflit dans l’Eglise est devenu corrosif et toxique

 

Paul Collins

Australie

Le 14 septembre 2019

 

L'un des exemples les plus extraordinaires d'engagement est la fidélité à l'Église de nombreux catholiques de l'après-Vatican II. Malgré leur soutien inébranlable au Concile, ces laïcs catholiques, soutenus par de nombreux prêtres, sont souvent perçus comme néfastes par les hauts responsables de l'Église, dont la véritable préoccupation est de protéger leurs propres positions et idéologies cléricalistes.

Leur engagement a été mis à l'épreuve par les scandales d'abus sexuels et l'échec lamentable de nombreux évêques à y faire face.

Le prochain Conseil Plénier (CP) de 2020/2021 sera un test  de la loyauté de ces catholiques.

Quel est le sérieux des évêques lorsqu'ils appellent les catholiques à « s'engager dans une expérience ouverte d'écoute, de dialogue et de discernement sur l'avenir du catholicisme australien ? ». Vont-ils vraiment écouter ceux qui sont restés fidèles aux enseignements de Vatican II ?

« Catholiques pour le Renouveau » est l'un des nombreux groupes de « catholiques Vatican II ». Il a préparé un mémoire détaillé pour le CP et l'a publié sous la forme d'un livre intitulé « Retour à la mission : réformons notre Eglise ensemble » (Garratt Publishing, 2019).

Robert Fitzgerald, l'un des commissaires royaux chargés des réponses institutionnelles aux abus pédosexuels, parle dans le livre des causes de la maltraitance et affirme que « la mauvaise gouvernance, un leadership inadéquat et une culture malsaine qui privilégie le secret et les intérêts de l'Eglise », ainsi que « l'absence des femmes et leur participation à des rôles de direction" ont contribué à l'échec inacceptable des évêques face aux abus sexuels.

R. Fitzgerald parle de la « peur de la hiérarchie à l'égard des non-ordonnés, en particulier des femmes » et d' « une affirmation arrogante... des privilèges d'une classe d’ordonnés » . En d'autres termes, le cléricalisme. Il souligne en particulier l'importance d'une bonne gouvernance ecclésiale.

C'est ce qui est au cœur de « Retour à la mission ». Comme son titre l'indique, l'Église a trop longtemps été en dehors de la mission dans un miasme égoïste, moralisateur et cléricaliste qui a conduit à un départ massif des catholiques, à une chute catastrophique de la participation à la messe et à la pratique sacramentelle.

Les gens se sentent aliénés par les évêques qui se sont retirés dans leurs bunkers ; les fidèles catholiques sont témoins du scandale des abus sexuels et de la culture du secret face à cette crise.

Comme je le sais par expérience personnelle, toute personne ayant attiré l'attention sur ces questions dans le passé était accusée au mieux d'exagération et au pire d'être un "Judas".

« Retour à la mission » souligne à juste titre que tant que l'Église n'acceptera pas une gouvernance de responsabilité, de transparence et de reconnaissance de l'égalité des femmes, elle restera dans sa culture du cléricalisme et du secret.

 

Responsable devant l'ensemble de la communauté

Au cœur de l'argumentation se trouvent le principe théologique de l'égalité radicale de tous les baptisés et le sensus fidelium, ce sens intuitif des fidèles dans le discernement de la foi de l'Église.

C'est pourquoi John Henry Newman défiait la hiérarchie de consulter les fidèles laïcs « en matière de doctrine ».

La réalité est que le pape et les évêques ne possèdent pas l'Eglise et ne peuvent gouverner en autocrates. Ils doivent rendre des comptes à l'ensemble de la communauté. Comme le dit la première lettre de Pierre : « Vous êtes le peuple élu, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple de Dieu, afin que vous déclariez les louanges de celui qui vous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière.»

Vatican II a retrouvé cette vision communautaire de l'Église dans les deux premiers chapitres de Lumen gentium, le premier document du Concile sur l'Église, et c'est à cette vision que les catholiques de l'après-Vatican II se sont fidèlement attachés.

Nombreux sont ceux dans la hiérarchie qui ont continué à s'accrocher au modèle monarchique absolu de l'Église ; celui qui s’est mis en place dans la période post-réforme et qui a reçu sa forme définitive par saint Robert Bellarmin dans ses « Controverses contre les protestants » puis qui a été confirmé par le Concile Vatican I (1870).

C'est le modèle présenté dans le troisième chapitre de Lumen gentium. L'Eglise y est considérée comme une hiérarchie cléricale sous le contrôle du pape, dont la tâche principale est de paître les brebis, les laïcs.

En fait, Lumen gentium est un compromis entre la grande majorité des évêques du Concile Vatican II qui a épousé l'image dynamique de l'Église présentée dans les chapitres un et deux, et une petite minorité favorable au modèle hiérarchique.

Depuis Vatican II, les catholiques ont été rattrapés par l’écart entre ces deux visions. Il est évident qu'elles s'excluent mutuellement et qu'elles ont conduit à des conflits interminables dans la vie de l'Église entre ceux qui fonctionnent selon le modèle hiérarchique et ceux dont la priorité est la communauté. Ce conflit est devenu corrosif et toxique.

Le catholicisme doit résoudre cette dichotomie. Sans aucun doute l'image du peuple de Dieu présentée par les deux premiers chapitres reflète à elle seule la compréhension de l'Église par le Nouveau Testament. Ce modèle doit être la norme.

C'est le principal conflit qui sous-tend le Conseil Plénier de l'Église australienne.

« Revenir en mission » éclaire la compréhension de cette disjonction et trace la voie à suivre. Reste à savoir si les dirigeants de l'Église auront le courage de relever le défi que représente le retour en mission.

 

Lay community key to reforming Catholicism

Church conflict has become corrosive and toxic

Paul Collins

Australia

September 14, 2019

One of the most extraordinary recent examples of commitment is the loyalty shown by many post-Vatican II Catholics to the church.

Despite their steadfast support for the emphases of that Council, these lay Catholics, supported by many priests, are often seen as a 'nuisance' by senior church leaders whose real focus has been protecting their own positions and clericalist ideology.

Their commitment has been further tested by the sexual abuse scandals and the abject failure of many bishops in dealing with them.

The forthcoming Plenary Council (PC) of 2020/2021 will be a further test of the loyalty of these Catholics.

How serious are the bishops when they call on Catholics to 'engage in an open and inclusive experience of listening, dialogue and discernment about the future' of Australian Catholicism? Will they really listen to those who have remained loyal to the teachings of Vatican II?

Catholics for Renewal is one of several groups of Vatican II Catholics. It prepared a detailed submission for the PC and has now published that submission as a book, Getting Back on Mission: Reforming Our Church Together (Garratt Publishing, 2019).

Robert Fitzgerald, one of the Royal Commissioners into Institutional Responses to Child Sexual Abuse, talks in the book about the causes of abuse and says that 'poor governance, inadequate leadership and an unhealthy culture that preferences secrecy and the church's own interests', as well as 'the absence of females and their participation in leadership roles', all contributed to the bishops' abject failure in deal with sexual abuse.

Fitzgerald speaks of the hierarchy's 'fear of the non-ordained, especially women', and an 'arrogant assertion ... of the unique privilege of an ordained class'. In other words, clericalism.

Fitzgerald emphasises especially the importance of 'good church governance'.

This goes to the heart of Getting Back on Mission. As the title indicates, for too long the church has been 'off mission' in a self-engrossed, self-righteous, clericalist miasma that has led to massive disaffiliation of Catholics, a catastrophic fall in Mass attendance and sacramental practice.

People feel alienated from bishops who, in turn, have retreated into their bunkers. To cap it all, faithful Catholics have had to witness the scandal of sexual abuse and the secretiveness of the bishops in dealing with this crisis.

As I know from personal experience, anyone in the past who called attention to these issues was accused at best of exaggeration and at worst of being a 'Judas'.

Getting Back on Mission correctly points out that until the church accepts good governance characterised by accountability, transparency, inclusion and a recognition of the equality of women, it will continue its culture of clericalism and secrecy.

Accountable to the whole community

At the heart of the argument are the theological principles of the radical equality of all the baptised and the sensus fidelium, the intuitive sense that the faithful have to discern the belief of the church. That is why soon-to-be-saint John Henry Newman challenges the hierarchy to consult the lay faithful 'in matters of doctrine'.

The reality is that the pope and bishops don't own the church and don't govern according to some type of Führerprinzip. They are accountable to the whole community.

As the First Letter of Peter says: 'But you are a chosen people, a royal priesthood, a holy nation, God's special possession, that you may declare the praises of him who called you out of darkness into his wonderful light'.

Vatican II recovered this communitarian vision of the church in the first two chapters of Lumen gentium, the Council's primary document on the church, and it is to this vision that post-Vatican II Catholics have faithfully adhered.

It is many in the hierarchy who have continued to hang onto the absolute monarchy model of church that evolved primarily in the post-Reformation period and that was given its definitive form by Saint Robert Bellarmine in his Controversies against the Protestants and confirmed by the First Vatican Council (1870).

This is the model presented in the third chapter of Lumen gentium. Here the church is seen as a clerical hierarchy under the control of the pope whose primary task is to shepherd the sheep, the laity.

In fact, Lumen gentium represents a compromise between the large majority of bishops at Vatican II who espoused the dynamic image of church presented in chapters one and two, and a small minority whose uncompromising emphasis was on the hierarchical model.

Since Vatican II, Catholics have been caught-up in the disjunction between these two models.

It's obvious that they are mutually exclusive and they have led to endless conflicts in church life between those who operate out of a hierarchical model and those for whom the priority is community. This conflict has become corrosive and toxic.

Catholicism has to resolve this dichotomy. Unequivocally, the people of God image represented by the first two chapters alone reflects the New Testament's understanding of the church, and this model is normative for us.

This is also the key conflict underlying the Plenary Council as it plays itself out in the Australian church.

Getting Back on Mission provides us with an excellent understanding of this disjunction and plots a course to negotiate our way through it. It remains to be seen if the church's leadership has the courage to grasp the challenge that Getting Back on Mission provides.

 

Ajouter un commentaire

 

Date de dernière mise à jour : 15/11/2019