Australie - Le Vatican parle toujours « des », mais pas « aux » personnes LGBTQI+ - LCI 22/06/2019
Il est difficile d’imaginer comment éviter de discriminer les personnes LGBTQI+ si on n’est fondamentalement pas d'accord avec leur existence.
Neve Mahoney
Australie
22 juin 2019
Neve Mahoney est étudiante à l'université RMIT (Royal Melbourne Institute of Technology). Elle a également contribué à « Catholiques australiens » (Revue catholique australienne) et à « The Big Issue » (Journal de rue anglais à diffusion internationale).
Dans le texte récemment publiée par le Vatican, « Homme et femme il les a créés : Vers une voie de dialogue sur la question de la théorie du genre dans l'éducation », la Congrégation catholique de l'éducation prétend être "à l'écoute". Mais je me demande qui elle écoute.
On ne reconnait pas une seule voix LGBTQI+ dans les 31 pages du document, ce qui se voit clairement dans la façon dont il parle de ces personnes. Aucun défenseur des LGBTQI+ catholiques ne semble avoir eu son mot à dire ; beaucoup d'entre eux se sont prononcés contre le document-.
Son contenu reste majoritairement dans le cadre théologique catholique en essayant de réfuter la théorie du genre. Il ne dit pas grand-chose de nouveau, restant sur les discours et les interviews du pape et autres documents du catéchisme.
Bien qu’il soit nominativement destiné aux éducateurs catholiques, il est difficile de voir en quoi cela les sert, eux qui travaillent avec beaucoup d’élèves et de membres du personnel éducatif et qui connaissent probablement déjà la position de l’Église sur ces questions.
Je ne passerai pas en revue tous les points abordés dans le document, mais il va sans dire que je ne suis pas convaincu par tout argument qui méconnait l'identité des personnes de tous genres parce qu’elles auraient des « désirs momentanés » plutôt qu’elles vivraient une réalité digne de respect.
En ce qui concerne la recommandation de la chirurgie pour les personnes intersexuées - une position contre laquelle le réseau catholique mondial ‘Arc-en-ciel ‘ s’est élevé - la Congrégation pourrait noter la façon dont la théoricienne du genre Judith Butler aborde la complexité de la définition de la matérialité du sexe dans son discours 'Why Bodies Matter'.
Elle déclare que, alors qu’un nombre important de personnes n'entre pas clairement dans ce qui est considéré comme une catégorie mono sexuée, continuer à insister sur le fait que l'expérience sexuelle entre deux sexes différents reste l’expérience universelle est une "forme de cruauté".
En lisant le document du Vatican maintes et maintes fois pour écrire cet article, il est difficile de ne pas se sentir épuisé de constater à quel point l'Église catholique institutionnelle ne laisse pas les personnes LGBTQI+ exister dans sa vision du monde.
Le fait que ce document ait été rédigé en février mais publié en juin, mois de la « fierté » dans de nombreux pays dans le monde, compromet encore plus sa vision des personnes LGBTQI+, et en particulier de celles qui sont catholiques.
En fait, ce qui me choque vraiment dans ce document, c’est la façon dont il incarne, du moins à mes yeux, l’un de mes principaux problèmes avec la position officielle de l’Église sur ces questions.
Le Vatican ne peut pas plaider pour une « discrimination injuste » à l'encontre des personnes de la communauté LGBTQ+, s’il ne nous accepte pas tels nous sommes.
Le problème est que sa position n’est pas viable pratiquement. Elle met les membres (de cette communauté) dans la position intenable de dépendre de catholiques hétérosexuels pour interpréter généreusement ce que signifie « discrimination injuste », tout en s'assurant que les personnes LGBTQI+ restent dans les coulisses des espaces catholiques, y compris au sein des écoles.
En utilisant l'idée de « haït le péché, aime le pécheur » pour définir « l’injuste discrimination », cela devient compliqué lorsque vous prenez en compte le fait qu'en général, une personne LGBTQI+ considère sa sexualité comme faisant partie d'elle et non comme un ensemble de choix ou d’actions. Même quand je ne sors avec personne, je suis toujours bisexuelle.
Nous devons respecter la dignité humaine inhérente à chaque personne
C'est simplement une question de justice. Pour les personnes intersexes, trans et non binaires, il m'est difficile de comprendre comment on peut éviter de faire acte de discrimination (je veux dire respecter leurs personnalités et leurs identités) si on n'est fondamentalement pas d'accord avec leurs existences même.
De ma propre expérience, cette discrimination a eu pour effet de réduire au silence les personnes ‘queers’ (qui ne se reconnaissent dans aucun genre, ndt) dans les institutions catholiques. J'ai déjà écrit sur mon expérience dans les écoles catholiques : elle s’applique à d'autres espaces catholiques.
Plutôt que de se sentir accueilli, vous sentez être en sursis conditionnel révocable à tout moment -il l'est parfois, en raison d’exceptions religieuses aux lois sur la discrimination-. Vous pouvez être présent et ‘queer’, à condition que vous restiez silencieux. Ce n'est guère propice à un dialogue ouvert.
J'ai toujours apprécié le profond attachement du catholicisme à la justice sociale et en particulier à la nécessité de respecter la dignité humaine inhérente à chaque personne.
Tenter de justifier une « discrimination juste » tout en sélectionnant ce qui est acceptable pour l’enseignement catholique n’a rien à voir avec la dignité ou la justice pour les personnes LGBTQI+.
« Les hommes et les femmes qu'il a créés » aurait pu se pencher sur la manière dont l’enseignement de l'Église pouvait prendre en compte leurs expériences, pour eux et pour les personnes LGBTQI+ au sens large.
Mais cela ne peut pas être si les auteurs du document n'écoutent pas leurs voix et si son argument fondamental est de mettre en cause leur existence.
La diversité sexuelle et de genre dans les écoles n'est pas une « crise de l'éducation », c'est simplement la vie, et les personnes LGBTQI+ ne se tairons pas par la force de raisonnements théologiques.
Pour moi, « Homme et femme il les a créés » ne contient pas les mots pour mieux accompagner les autres, c’est une gifle.
C’est ce que nous voulons faire, dit le document, et nous n’irons pas plus loin.
Pour être ouvert à l’échange, il faut être capable de reconsidérer son point de vue et d’écouter. Je suppose que cela nécessitera plus de courage que beaucoup de citoyens du Vatican n’en possèdent actuellement.
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Vatican still talking at, not to, LGBTQI+ people
It's unclear how someone could avoid discriminating against intersex, trans and non-binary people if they fundamentally don't agree with their existence
Neve Mahoney
Australia
June 22, 2019
In the recently released Vatican publication, 'Male and Female He Created Them: Towards a Path of Dialogue on the Question of Gender Theory in Education', the Catholic Congregation for Education claims to be 'listening'. But I wonder who they are listening to.
There isn't one LGBTQI+ voice in the document's 31 pages, which is made clear in how it talks about LGBTQI+ people rather than to us. Nor do any LGBTQI+ Catholic aligned advocates seem to have had a say in this, as many of them have spoken out against the document.
Instead, the contents work mostly within the Catholic theological framework in trying to refute gender theory. It doesn't say much that is new, mainly referencing the speeches and interviews of Popes and other Catechism documents.
While it is nominally for Catholic educators, it's hard to see how this serves the Catholic teachers who work with a diverse range of students and staff and who would likely already know the Church's position on these issues.
I won't go through every point the document makes, but needless to say, I am unconvinced by any argument that disregards the identities of gender diverse people as 'momentary desires' rather than as lived realities deserving of respect.
In regards to recommending surgery for intersex people — a stance the Global Rainbow Network of Catholics has spoken out against — the Congregation could take note of how gender theorist Judith Butler discusses the complications of defining the materiality of sex in her speech 'Why Bodies Matter'.
She states that when there is a significant number of people who don't fall neatly into what is considered to be one sexed category, continuing to insist on two sexes as a universal experience is essentially 'a form of cruelty'.
As I read the Vatican document over and over again to write this article, it's hard not to feel exhausted at how much the institutional Catholic Church will not let queer people exist in their worldview.
The fact that this document was written in February but released in June, which is Pride Month for many countries around the world, further undermines the worth of the advocacy and lives of LGBTQI+ people, and in particular, LGBTQI+ Catholics.
In fact, the only thing I really took away from this document is how it embodies, at least to me, one of my main issues with the official Church position on LGBTQI+ issues.
The Vatican may not advocate for 'unjust discrimination' against people in the LGBTQ+ community, but neither will it accept us as we are.
The problem is that this stance doesn't really work on a practical level. For one thing, it puts LGBTQI+ people in the untenable position of depending on straight cisgender Catholics to have a generous interpretation of what 'unjust discrimination' means — essentially making sure LGBTQI+ people are on the back foot in Catholic spaces, including Catholic schools.
Using the 'hate the sin, love the sinner' idea as the basis for what is unjust discrimination also becomes more complicated when you take into account that in general, queer people consider their queerness as part of them, not as a separate set of 'choices' or actions. Even when I'm not dating anyone, I am still bisexual.
We need to respect each person's inherent human dignity
It's not active or inactive, it just is. And for intersex, trans and non-binary people, it's unclear to me how someone could avoid discriminating against them (and by that, I mean respect their personhood, autonomy and identity) if they fundamentally don't agree with their existence in the first place.
From my own experiences, the effect of this discrimination limbo has been to silence queer people in Catholic institutions. I've written before about my experience in Catholic schools, and this feeling applies to other Catholic spaces.
Rather than feeling welcomed, the implication is always that you are there on a conditional reprieve that can be revoked at any time — and sometimes is, because of religious exemptions to discrimination laws. You can be here and queer, as long as you're silent about it. It's hardly conducive to an open dialogue.
I've always valued how Catholicism has strong roots in social justice and in particular the idea that we need to respect each person's inherent human dignity.
Trying to justify 'just discrimination' and pick and choose the parts of us that are acceptable to Catholic teachings isn't the same thing as dignity or justice for LGBTQI+ people.
'Male and Female He Created Them' could have been a document that actually addressed how Church teachings could better coexist with LGBTQI+ experiences to benefit LGBTQ+ students and LGBTQI+ people more broadly.
But that can't work if the document's authors don't listen to LGBTQI+ voices and when the foundational argument is to problematise LGBTQI+ people's existence.
Gender and sexual diversity in schools isn't an 'educational crisis', it's just life, and LGBTQI+ people won't go away by the force of theological intellectualising.
To my reading, 'Male and Female He Created Them' aren't the words of people who want to better accompany others, it is a gauntlet thrown down.
This is as far as we are willing to go, it says, and we won't be pushed any further. To be open to conversation, one needs to be able to reconsider ones viewpoint and actively listen. I suspect that would require more bravery than many in the Vatican currently possess.
Neve Mahoney is a student at RMIT university. She has also contributed to Australian Catholics and The Big Issue.