Instrumentum Laroris
XVI ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE DU SYNODE DES ÉVÊQUES
POUR UNE ÉGLISE SYNODALE , COMMUNION, PARTICIPATION, MISSION
INSTRUMENTUM LABORIS, Pour la Première Session, (Octobre 2023)
SOMMAIRE
Avant-propos
Le chemin parcouru jusqu’à présent
Un instrument de travail pour la deuxième phase du processus synodal
La structure du texte
A. Pour une Église synodale. Une expérience intégrale
A 1. Traits caractéristiques d'une Église synodale
A 2. Une manière de procéder pour l'Église synodale : la conversation dans l'Esprit
B. Communion, mission, participation. Trois questions prioritaires pour l'Église synodale
B 1. Une communion qui rayonne. Comment être davantage signe et moyen de l'union avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain ?
B 2. Co-responsables de la mission. Comment partager les dons et les charges au service de l'Évangile ?
B 3. Participation, gouvernance et autorité. Quels processus, structures et institutions dans une Église synodale missionnaire ?
FICHES DE TRAVAIL POUR L'ASSEMBLÉE SYNODALE
Introduction
Fiches pour B 1. Une communion qui rayonne.
B 1.1. Comment le service de la charité, l'engagement pour la justice et le soin de la maison commune nourrissent-ils la communion dans une Église synodale ?
B 1.2 Comment une Église synodale peut-elle rendre crédible la promesse que « l'amour et la vérité se rencontrent » (Ps 85,11) ?
B 1.3 Comment une relation dynamique d'échange de dons entre Églises peut-elle se développer ?
B 1.4 Comment une Église synodale peut-elle mieux remplir sa mission grâce à un engagement œcuménique renouvelé ?
B 1.5 Comment pouvons-nous reconnaître et intégrer la richesse des cultures, et développer le dialogue avec les religions à la lumière de l'Évangile ?
Fiche pour B 2. Co-responsables de la mission
B 2.1 Comment cheminer ensemble vers une conscience partagée du sens et du contenu de la mission ?
B 2.2 Que faire pour qu'une Église synodale soit aussi une Église missionnaire « toute entière ministérielle » ?
B 2.3 Comment l'Église de notre temps peut-elle mieux remplir sa mission en reconnaissant et en promouvant davantage la dignité baptismale des femmes ?
B 2.4 Comment les ministères ordonnés, dans leur relation avec les ministères baptismaux, peuvent-ils être valorisés dans une perspective missionnaire ?
B 2.5. Comment renouveler et promouvoir le ministère de l'évêque dans une perspective synodale missionnaire ?
B 3. Participation, gouvernance et autorité
B 3.1 Comment renouveler le service de l'autorité et l'exercice de la responsabilité dans une Église synodale missionnaire ?
B 3.2 Comment pouvons-nous faire évoluer les pratiques de discernement et les processus de prise de décision d'une manière authentiquement synodale, en renforçant le rôle moteur de l'Esprit ?
B 3.3. Quelles structures peuvent être développées pour consolider une Église synodale missionnaire ?
B 3.4 Comment façonner les instances de synodalité et de collégialité impliquant des groupements d'Églises locales ?
B 3.5 Comment renforcer l'institution du Synode pour qu'il soit l'expression de la collégialité épiscopale au sein d'une Église entièrement synodale ?
SIGLES
AA Concile Vatican II, Décret, Apostolicum actuositatem (18 novembre 1965)
AG Concile Vatican II, Décret, Ad gentes (7 décembre 1965)
CA St Jean-Paul II, Lettre Encyclique Centesimus annus (1er mai 1991)
CL St Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-Synodale Christifideles laici (30 décembre 1988)
CV François, Exhortation Apostolique Post-Synodale Christus vivit (25 mars 2019)
DP Secrétairerie Generale du synode, Pour une Église synodale : communion, participation, mission. Document Préparatoire (2021)
DEC Secrétairerie Generale du synode, « Élargis l’espace de ta tente » (Is 54,2). Document de Travail pour l’Etape Continentale (2022)
DV Concile Vatican II, Constitution Dogmatique Dei Verbum (18 novembre 1965)
EC François, Constitution Apostolique Episcopalis communio (15 septembre 2018)
EG François, Exhortation Apostolique Evangelii gaudium (24 novembre 2013)
FT François, Lettre Encyclique Fratelli tutti (3 octobre 2020)
GS Concile Vatican II, Constitution Pastorale Gaudium et spes (7 décembre 1965)
IL Instrumentum Laboris
LG Concile Vatican II, Constitution Dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964)
PE François, Constitution Apostolique Praedicate Evangelium (19 mars 2022)
SC Concile Vatican II, Constitution Sacrosanctum Concilium (4 décembre 1963)
UR Concile Vatican II, Décret Unitatis redintegratio (21 novembre 1964)
INSTRUMENTUM LABORIS
Avant-propos
« Que le Dieu de la persévérance et du réconfort vous donne d’être d’accord les uns avec les autres
selon le Christ Jésus. Ainsi, d’un même cœur, d’une seule voix, vous rendrez gloire à Dieu,le Père de notre Seigneur Jésus Christ. » (Rm 15, 5-6).
Le chemin parcouru jusqu’à présent
1. Le Peuple de Dieu s’est mis en route depuis que le Pape François a convoqué toute l'Église en Synode le 10 octobre 2021. En commençant au niveau local le plus élémentaire, les Églises locales du monde entier ont lancé la consultation du Peuple de Dieu, à partir de la question fondamentale formulée au n°2 du Document préparatoire (DP) : « comment se réalise aujourd’hui, à différents niveaux (du niveau local au niveau universel) ce “ marcher ensemble ” qui permet à l’Église d’annoncer l’Évangile, conformément à la mission qui lui a été confiée ; et quels pas de plus l’Esprit nous invite-t-il à poser pour grandir comme Église synodale ? » Les fruits de la consultation ont été recueillis au niveau diocésain, puis résumés et envoyés aux Synodes des Églises catholiques orientales et aux Conférences Épiscopales. Ceux-ci ont à leur tour rédigé une synthèse qui a été transmise à la Secrétairerie générale du Synode.
2. La lecture et l'analyse des documents ainsi recueillis ont permis de rédiger le Document de travail pour l'étape continentale (DEC), une étape qui représente une nouveauté dans le processus synodal actuel. Le DEC a été renvoyé aux Églises locales du monde entier, les invitant à en discuter pour ensuite se réunir et en parler lors des sept Assemblées continentales, tandis que le travail du Synode digital se poursuivait également. L'objectif était de se concentrer sur les idées et les tensions qui résonnaient le plus fortement avec l'expérience de l'Église sur chaque continent et d'identifier celles qui, du point de vue de chaque continent, représentaient les priorités à aborder lors de la Première Session de l'Assemblée synodale (octobre 2023).
3. Cet Instrumentum laboris (IL) a été rédigé sur la base de tous les éléments recueillis au cours de la phase d'écoute, et en particulier des documents finaux des Assemblées Continentales. Sa publication clôt la première phase du Synode « Pour une Église synodale : communion, participation, mission » et ouvre la seconde, articulée sur les deux sessions[1] au cours desquelles se déroulera la phase de célébration de la XVIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques (octobre 2023 et octobre 2024). Son objectif sera de relancer le processus et de l'incarner dans la vie ordinaire de l'Église, en identifiant les sentiers sur lesquels l'Esprit nous invite à marcher plus résolument en tant que Peuple de Dieu. Marcher ensemble comme Peuple de Dieu, dans la fidélité à la mission que le Seigneur a confiée à l'Église, est le don et le fruit que nous demandons pour la prochaine Assemblée. En effet, le but du processus synodal « n’est pas de produire des documents, mais d’ouvrir des horizons d’espérance pour l’accomplissement de la mission de l’Église » (DEC 6).
4. Le chemin parcouru jusqu'à présent et en particulier l'étape continentale, a également permis d'identifier et de partager les situations particulières vécues par l'Église dans les différentes régions du monde : de trop nombreuses guerres qui ensanglantent notre planète et appellent à un engagement renouvelé pour la construction d'une paix juste, à la menace représentée par le changement climatique avec la priorité qui en découle de prendre soin de la maison commune ; d'un système économique qui produit de l’exploitation, des inégalités et une « culture du déchet » à la pression uniformisante d’un colonialisme culturel qui écrase les minorités ; de l'expérience de la souffrance de la persécution jusqu'au martyre, à une émigration qui vide progressivement les communautés, menaçant leur survie même ; du pluralisme culturel croissant qui marque aujourd'hui la planète entière, à l'expérience des communautés chrétiennes qui représentent des minorités dispersées dans le pays où elles vivent, à l'expérience de la confrontation avec une sécularisation toujours plus avancée, et parfois agressive, qui semble considérer que l'expérience religieuse n'est pas pertinente, mais qui n’éteint pas la soif de la Bonne Nouvelle de l'Évangile. Dans de nombreuses régions, les Églises sont profondément affectées par la crise des abus : abus sexuels, abus de pouvoir et de conscience, abus économiques et institutionnels. Il s'agit de plaies ouvertes, dont les conséquences persistent encore. En plus de demander pardon aux victimes des souffrances qu'elle a engendrées, l'Église doit continuer d’avancer sur un chemin de conversion et de réforme afin d'éviter que des situations similaires ne se reproduisent à l'avenir.
5. C'est dans ce contexte, varié mais avec des traits communs au niveau mondial, que s'est déroulé l'ensemble du parcours synodal. L'Assemblée synodale d'octobre 2023 aura également à écouter profondément les situations dans lesquelles l'Église vit et accomplit sa mission : ce n'est que lorsqu'elle résonne dans un contexte spécifique que la question fondamentale rappelée ci-dessus devient concrète et que l'urgence missionnaire devient évidente. Ce qui est en jeu, c'est la capacité d'annoncer l'Évangile en cheminant avec les hommes et les femmes de notre temps où qu'ils soient, ainsi que la pratique de la catholicité vécue en marchant avec les Églises qui vivent dans des conditions de souffrance particulière (cf. LG 23).
6. À l'Assemblée synodale, nous arrivons porteurs des fruits recueillis au cours de la phase d'écoute. Tout d'abord, nous avons expérimenté que la rencontre sincère et cordiale entre frères et sœurs dans la foi est source de joie : se rencontrer, c'est rencontrer le Seigneur qui est au milieu de nous ! Ensuite, nous avons pu toucher du doigt la catholicité de l'Église qui, dans et à travers les différences d'âge, de sexe et de condition sociale, manifeste une richesse extraordinaire de charismes et de vocations ecclésiales, et possède un trésor de diversité de langues, de cultures, d'expressions liturgiques et de traditions théologiques. Elles représentent le don que chaque Église locale offre à toutes les autres (cf. LG 13), et le dynamisme synodal est un moyen de les relier et de les mettre en valeur sans les écraser dans l'uniformité. De même, nous avons découvert que, dans la diversité même des manières dont la synodalité est vécue et comprise dans les différentes parties du monde sur la base de l'héritage commun de la Tradition apostolique, se trouvent des questions communes : cela fait partie du défi de discerner à quel niveau il convient le mieux d’aborder chacune d'entre elles. Certaines tensions sont également partagées. Nous n’avons pas à nous en effrayer, ni à chercher à les résoudre à tout prix, mais nous devons nous engager dans un discernement synodal constant : c'est seulement ainsi que les tensions peuvent devenir des sources d'énergie et non pas tomber dans le piège des polarisations destructrices.
7. La première phase a renouvelé notre conscience que devenir une Église toujours plus synodale manifeste notre identité et notre vocation : marcher ensemble, c'est-à-dire faire synode, est la manière de devenir vraiment disciples et amis de ce Maître et Seigneur qui a dit de lui-même : « Je suis le chemin » (Jn 14,6). Aujourd'hui, cela constitue également un désir profond : après l'avoir vécu comme un don, nous voulons continuer à faire ce chemin, conscients qu’il ne sera pleinement accompli au dernier jour, lorsque, par la grâce de Dieu, nous ferons partie de cette foule que le Livre de l'Apocalypse décrit ainsi : « Voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. Et ils s’écriaient d’une voix forte : « Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau ! » (Ap 7,9-10). Ce texte nous donne l'image d'une Église dans laquelle règne une parfaite communion au-delà de toutes les différences qui la caractérisent, maintenues et unies dans l'unique mission qui reste à accomplir : participer à la liturgie de la louange qui, de toutes les créatures, par le Christ, s'élève vers le Père dans l'unité de l'Esprit Saint.
8. C'est à l'intercession de ces sœurs et de ces frères, qui vivent déjà la pleine communion des saints (cf. LG 50), et surtout à Celle qui est la première parmi eux (cf. LG 63), Marie Mère de l'Église, que nous confions le travail de l'Assemblée et la poursuite de notre engagement en faveur d'une Église synodale. Nous demandons que l'Assemblée soit un moment d'effusion de l'Esprit, mais plus encore que la grâce puisse nous accompagner encore au moment de mettre en œuvre ses fruits dans la vie quotidienne des communautés chrétiennes à travers le monde.
Un instrument de travail pour la deuxième phase du processus synodal
9. Les nouveautés qui marquent le Synode 2021-2024 ne peuvent pas ne pas se refléter aussi sur la valeur et la dynamique de l'Assemblée synodale et donc sur la structure de l'IL qui est à son service. En particulier, la phase d'écoute longue et articulée a déjà conduit à la préparation d'une multiplicité de documents, qui ont établi une circularité communicative d’une part entre les Églises locales elles-mêmes, et, d’autre part entre les Églises locales et le Secrétariat Général du Synode : DP, synthèse des Églises locales, DEC et Documents finaux des Assemblées continentales. Le présent IL n'annule ni n'absorbe toute cette richesse, mais il s'y enracine et s'y réfère continuellement : même pour la préparation de l'Assemblée, les Membres du Synode sont invités à garder à l'esprit les documents précédents, en particulier le DEC et les documents finaux des Assemblées continentales, ainsi que celui du Synode digital, comme des outils pour leur discernement. En particulier, les documents finaux des Assemblées continentales sont précieux pour ne pas perdre le caractère concret des différents contextes et des défis que chacun d'eux pose : le travail commun de l'Assemblée synodale ne peut pas s'en écarter. Les nombreuses ressources rassemblées dans la section spéciale du site du Synode 2021-2024, <www.synod.va>, en particulier la Constitution apostolique Episcopalis communio et les deux documents de la Commission Théologique Internationale, La synodalité dans la vie et la mission de l'Église (2018) et Le sensus fidei dans la vie de l'Église (2014), peuvent également être utiles.
10. Compte tenu de l'abondance du matériel déjà disponible, l'IL se veut une aide pratique pour la conduite de l'Assemblée synodale d'octobre 2023 et donc un instrument pour sa préparation. C’est pourquoi l’indication donnée pour le DEC est d’autant plus vraie pour cet IL : « ce n’est pas un document du Magistère de l’Église, ni le rapport d’une enquête sociologique ; il n’offre pas la formulation d’indications opérationnelles, de buts et d’objectifs, ni l’élaboration complète d’une vision théologique » (DEC 8). Il ne pouvait en être autrement, puisque l'IL fait partie d'un processus qui n'est pas encore achevé. Par rapport au DEC, il fait un pas de plus : à partir des idées recueillies au cours de la première phase, et en particulier du travail des Assemblées continentales, il articule certaines des priorités qui ont émergé de l'écoute du Peuple de Dieu, mais pas sous la forme d'affirmations ou de prises de position. Il les exprime plutôt sous forme de questions adressées à l'Assemblée synodale, celle-ci ayant pour tâche de discerner les mesures concrètes à prendre pour continuer à grandir en tant qu'Église synodale, nouveau pas qu'elle soumettra ensuite au Saint-Père. Ce n'est qu'à ce moment-là que s'achèvera cette dynamique particulière d'écoute dans laquelle « chacun a quelque chose à apprendre. Le Peuple fidèle, le Collège épiscopal, l’Évêque de Rome, chacun à l’écoute des autres ; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’“ Esprit de Vérité ” (Jn 14, 17), pour savoir ce qu’il “ dit aux Églises ” (Ap 2, 7) »[2]. Dans cette optique, il est clair que l'IL ne peut pas être compris comme une première ébauche du Document Final de l’Assemblée synodale à corriger ou à amender. En revanche, il offre une première compréhension de la dimension synodale de l'Église à partir de laquelle un discernement plus approfondi peut-être effectué. De même, il est clair que les Membres de l'Assemblée synodale sont les principaux destinataires de l'IL. Mais si celui-ci est rendu public, ce n’est pas seulement par souci de transparence, mais aussi pour soutenir la mise en œuvre d'initiatives ecclésiales. En particulier, il peut encourager la participation à la dynamique synodale aux niveaux local et régional, en attendant que les résultats de l'Assemblée fournissent d'autres éléments faisant autorité sur lesquels les Églises locales seront appelées à prier, à réfléchir, à agir et à apporter leur propre contribution.
11. Les questions posées par l'IL expriment la richesse du processus dont elles sont issues : elles sont chargées des noms et des visages des participants et participantes, elles témoignent de l'expérience de foi du Peuple de Dieu et portent ainsi l'empreinte d'une signification transcendante. De ce point de vue, elles indiquent un horizon et nous invitent à franchir avec confiance d'autres étapes pour approfondir la pratique de la dimension synodale de l'Église. De la première phase émerge la conscience de la nécessité de prendre l'Église locale[3] comme point de référence privilégié, comme lieu théologique où les baptisés font concrètement l'expérience de marcher ensemble. Cela ne conduit toutefois pas à un repli sur soi : aucune Église locale, en effet, ne peut vivre en dehors des relations qui l'unissent à toutes les autres, y compris celles, tout à fait particulières, avec l'Église de Rome, à laquelle est confié le service de l'unité dans le ministère de son Pasteur, qui a convoqué toute l'Église en Synode.
12. Cette focalisation sur les Églises locales exige de tenir compte de la variété et la diversité de leurs cultures, langues et modes d'expression. En particulier, les mêmes mots - pensons par exemple à « l'autorité » ou au « leadership » - peuvent avoir des résonances et des connotations très différentes selon les régions linguistiques et culturelles, surtout lorsque dans certains endroits un terme est associé à des approches théoriques ou idéologiques précises. L'IL s'efforce d'éviter les termes qui divisent, dans l'espoir de favoriser une meilleure compréhension entre les membres de l'Assemblée synodale qui viennent de régions ou de traditions différentes. La référence commune ne peut être que la vision de Vatican II, à partir de la catholicité du peuple de Dieu, en vertu de laquelle « chacune des parties apporte aux autres et à toute l’Église le bénéfice de ses propres dons, en sorte que le tout et chacune des parties s’accroissent par un échange mutuel universel et par un effort commun vers une plénitude dans l’unité. [...] sans préjudice du primat de la Chaire de Pierre qui préside à l’assemblée universelle de la charité, garantit les légitimes diversités et veille à ce que, loin de porter préjudice à l’unité, les particularités, au contraire, lui soient profitables. » (LG 13). Cette catholicité se réalise dans la relation de mutuelle intériorité entre l'Église universelle et les Églises locales, dans lesquelles et à partir desquelles « existe l’Église catholique une et unique » (LG 23). Le processus synodal, qui dans sa première phase s'est déroulé dans les Églises locales, est entré dans sa deuxième phase, avec la tenue des deux sessions de la XVI Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Evêques.
La structure du texte
13. Le présent IL est divisé en deux sections, qui correspondent aux deux missions données aux Assemblées continentales (et par conséquent aux contenus des Documents finaux correspondants) : tout d'abord un travail de relecture du chemin parcouru durant la première phase afin d'identifier ce que l'Église de chaque continent a appris de l'expérience de vivre la dimension synodale au service de la mission ; puis un travail de discernement des résonances opérées dans les Églises locales du continent par le contenu du DEC, afin d'identifier les priorités sur lesquelles poursuivre le discernement durant l'Assemblée synodale d'octobre 2023.
14. La section A de l'IL, intitulée "Pour une Église synodale", tente de recueillir les fruits de cette relecture du chemin parcouru. Elle énumère tout d'abord une série de caractéristiques fondamentales ou de traits distinctifs d'une Église synodale. Puis elle relate ensuite la prise de conscience qu'une Église synodale se caractérise par une manière de procéder, que l'expérience de la première phase conduit à identifier comme celle de la conversation dans l'Esprit. L'Assemblée sera invitée à réagir sur les fruits de cette relecture pour les préciser et les affiner. La section B, intitulée "Communion, Mission, Participation"[4], exprime sous forme de questions les trois priorités qui ressortent le plus fortement des travaux de tous les continents, afin de les soumettre au discernement de l'Assemblée. Au service de la dynamique de l'Assemblée, en particulier des travaux de groupe (Circuli Minores), cinq fiches de travail sont proposées pour chacune de ces trois priorités, permettant ainsi de les aborder selon des perspectives différentes.
15. Les trois priorités de la section B, développées à travers les fiches de travail correspondantes, couvrent des sujets vastes et d’importance majeure : beaucoup pourraient faire l'objet d'un Synode, ou l'ont déjà fait. Sur plusieurs d'entre eux, les interventions du Magistère sont également nombreuses et précises. Au cours des travaux de l'Assemblée, elles ne pourront être traités de manière exhaustive, et surtout indépendamment les unes des autres. Elles devront être abordées en fonction de leur relation avec le véritable thème des travaux, à savoir l'Église synodale. Par exemple, les références à l'urgence d'accorder une attention adéquate aux familles et aux jeunes n'ont pas pour but de stimuler une nouvelle réflexion sur la pastorale familiale ou la pastorale des jeunes. Leur but est d'aider à mettre l'accent sur la manière dont la mise en œuvre d’Amoris laetitia et de Christus vivit[5] - ainsi que les conclusions des Assemblées synodales de 2015 et 2018- représente une opportunité de cheminer ensemble en tant qu'Église capable d'accueillir et d'accompagner les familles et les jeunes, en acceptant les changements nécessaires dans les règles, les structures et les procédures. Il en va de même pour de nombreux autres thèmes qui émergent des discussions.
16. L'engagement demandé à l'Assemblée et à ses Membres sera de maintenir la tension entre la vision d'ensemble, qui caractérise le travail à faire à partir de la section A, et l'identification des étapes à franchir, nécessairement concrètes, que doit viser au contraire le travail à faire à partir de la section B. C'est là que se jouera la fécondité du discernement de l'Assemblée synodale, dont la mission sera d'ouvrir toute l'Église à l'accueil de la voix de l'Esprit Saint. L'articulation de la Constitution pastorale Gaudium et spes, qui « se compose de deux parties », différentes par leur caractère et leur orientation, mais « constitue cependant un tout » (GS, note 1), peut, de ce point de vue, inspirer les travaux de l'Assemblée.
A. Pour une Église synodale
Une expérience intégrale
« Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. » (1 Co 12,4-7).
17. Un trait commun unit les récits des étapes de la première phase : c'est la surprise exprimée par les participants et participantes, qui se sont trouvés face à quelque chose d'inattendu, de plus grand que prévu. Pour ceux et celles qui y participent, le processus synodal offre une occasion de rencontre dans la foi qui fait grandir le lien avec le Seigneur, la fraternité entre les personnes et l'amour pour l'Église, non seulement au niveau individuel, mais aussi en impliquant et en dynamisant toute la communauté. L'expérience est celle de l'accueil d'un horizon d'espérance qui s'ouvre à l'Église, signe clair de la présence et de l'action de l'Esprit qui la guide dans l'histoire sur son chemin vers le Royaume (cf. LG 5) : « le protagoniste du Synode est l'Esprit Saint[6] ». Ainsi, plus l'invitation à marcher ensemble a été accueillie avec intensité, plus le Synode est devenu le chemin sur lequel le Peuple de Dieu avance avec enthousiasme, mais sans naïveté. En effet, les problèmes, les résistances, les difficultés et les tensions ne sont pas cachés ni dissimulés, mais identifiés et nommés grâce à une méthode favorisant un dialogue authentique en ce qu’elle permet de parler et d'écouter avec liberté et sincérité. Le processus synodal constitue l'espace dans lequel devient possible une manière évangélique d'aborder les questions qui sont souvent posées de manière vindicative ou pour lesquelles la vie de l'Église d'aujourd'hui manque d'un lieu d'accueil et de discernement.
18. La notion abstraite ou théorique de synodalité a donc commencé à s'incarner dans une expérience concrète. De l'écoute du Peuple de Dieu émerge une appropriation et une compréhension progressives de la synodalité, "de l'intérieur", qui ainsi ne se déduit pas de l'énonciation d'un principe, d'une théorie ou d'une formule, mais a pour point de départ une disponibilité à entrer dans un processus dynamique constructive, respectueuse et priante de parole, d'écoute et de dialogue constructifs, respectueux et priants. À la base de ce processus, il y a l'acceptation, tant personnelle que communautaire, de ce qui est à la fois un don et un défi : être une Église de sœurs et de frères en Christ qui s'écoutent les uns les autres et qui, ce faisant, sont progressivement transformés par l'Esprit.
A 1. Traits caractéristiques d'une Église synodale
19. Dans le cadre de cette compréhension globale, il se dégage une conscience de ce qui permet de caractériser une Église synodale. Ces traits distinctifs se présentent comme des convictions partagées à partir desquelles on peut s'arrêter pour réfléchir ensemble afin de poursuivre le chemin qui les affinera et les clarifiera, lors des travaux que l'Assemblée synodale entreprendra.
20. Avec une grande force, sur tous les continents, a émergé la compréhension qu'une Église synodale est fondée sur la reconnaissance de la dignité commune qui découle du Baptême, lequel fait de ceux qui le reçoivent des fils et des filles de Dieu, des membres de sa famille, et donc des frères et des sœurs en Christ. Habités par l'unique Esprit, ils et elles sont envoyés pour accomplir une mission commune. Dans le langage de Paul, « C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit » (1 Co 12,13). Le Baptême crée ainsi une véritable coresponsabilité entre les membres de l'Église qui se manifeste dans la participation de tous à la mission et à l'édification de la communauté ecclésiale, chacun et chacune selon ses charismes. Une Église synodale ne se comprend que dans un horizon de communion, qui est toujours en même temps une mission d’annoncer et d'incarner l'Évangile dans toutes les dimensions de l'existence humaine. La communion et la mission se nourrissent de la participation commune à l'Eucharistie qui fait de l'Église un corps « dans l’harmonie et la cohésion » (cf. Ep 4,16) dans le Christ, capable de marcher ensemble vers le Royaume.
21. Cette prise de conscience s’accompagne du désir d'une Église de plus en plus synodale, également dans ses institutions, ses structures et ses procédures, de manière à constituer un espace dans lequel la dignité baptismale commune et la coresponsabilité dans la mission ne sont pas seulement affirmées, mais exercées et pratiquées. Dans cet espace, l'exercice de l'autorité dans l'Église est apprécié comme un don et doit être configuré de plus en plus comme « un véritable service [qui], dans la Sainte Écriture, est appelé expressément “diakoniaˮ ou ministère » (LG 24 ; cf. Ac 1, 17.25 ; 21, 19 ; Rm 11, 13 ; 1 Tm 1, 12), sur le modèle de Jésus qui s'est penché sur les pieds de ses disciples (cf. Jn 13,1-11) pour les laver.
22. « Une Église synodale est une Église de l'écoute »[7] : cette prise de conscience est le fruit de l'expérience du chemin synodal, qui est une écoute de l'Esprit à travers l'écoute de la Parole, l'écoute des événements de l'histoire et l'écoute mutuelle entre les personnes et entre les communautés ecclésiales, du niveau local au niveau continental et universel. Pour beaucoup de personnes, la grande surprise a été précisément l'expérience d'être écoutées par la communauté, dans certains cas pour la première fois, recevant ainsi une reconnaissance de leur valeur unique et par là un témoignage de cet amour singulier du Père pour chacun de ses fils et de ses filles. L'écoute donnée et reçue revêt une profondeur théologique et ecclésiale, elle n’est pas seulement fonctionnelle, mais reflète la manière d’écouter de Jésus envers les personnes qu'il rencontrait. Ce style d'écoute est appelé à marquer et à transformer toutes les relations que la communauté chrétienne établit entre ses membres, avec d'autres communautés de foi et avec la société dans son ensemble, en particulier avec ceux dont la voix est le plus souvent ignorée.
23. En tant qu'Église de l'écoute, une Église synodale désire être humble. Elle sait qu'elle doit demander pardon et qu'elle a beaucoup à apprendre. Certains des documents recueillis au cours de la première phase notent que le chemin synodal est nécessairement pénitentiel, reconnaissant que nous n'avons pas toujours vécu la dimension synodale constitutive de la communauté ecclésiale. Le visage de l'Église d'aujourd'hui porte les signes de graves crises de confiance et de crédibilité. Dans de nombreux contextes, les crises liées aux abus sexuels, aux abus de pouvoir, aux abus de conscience et aux abus économiques ont poussé l'Église à un examen de conscience exigeant de se renouveler « sans cesse sous l’action de l’Esprit Saint » (LG 9), en entreprenant un chemin de repentance et de conversion qui ouvre des voies de réconciliation, de guérison et de justice.
24. Une Église synodale est une Église de la rencontre et du dialogue. Sur le chemin que nous avons parcouru, cela concerne avec une force particulière les relations avec les autres Églises et communautés ecclésiales, auxquels nous sommes unis par le lien d'un unique Baptême. L'Esprit, qui est « le principe de l’unité de l’Église » (UR 2), est à l'œuvre dans ces Églises et communautés ecclésiales et nous invite à entreprendre des chemins de connaissance mutuelle, de partage et de construction d'une vie commune. Au niveau local, l'importance de ce qui se fait déjà avec les membres d’autres Églises et communautés ecclésiales émerge fortement, notamment comme témoignage commun dans des contextes socioculturels hostiles parfois jusqu'à la persécution - c'est l'œcuménisme du martyre - et face à l'urgence écologique. Partout, en accord avec le Magistère du Concile Vatican II, émerge le désir d'approfondir le cheminement œcuménique : une Église authentiquement synodale ne peut qu'impliquer tous ceux qui partagent l'unique Baptême.
25. Une Église synodale est aussi appelée à pratiquer la culture de la rencontre et du dialogue avec les croyants d'autres religions et avec les cultures et les sociétés dans lesquelles elle s'insère. Confrontée aux nombreuses différences qui la traversent elle-même, cette Église n'a pas peur de la diversité qu’elle porte, mais la valorise sans la réduire à l'uniformité. Le processus synodal a été l'occasion de commencer à apprendre ce que signifie vivre l'unité dans la diversité, une réalité qu'il faut continuer à explorer, confiants que le chemin deviendra plus clair au fur et à mesure que nous avancerons. Pour le dire autrement, une Église synodale favorise le passage du "je" au "nous", car elle constitue un espace au sein duquel résonne l'appel à être membres d'un corps qui valorise la diversité, mais en même temps est unifié par l'unique Esprit. C'est l'Esprit qui nous pousse à écouter le Seigneur et à lui répondre en tant que peuple au service de l'unique mission de proclamer à toutes les nations le salut offert par Dieu dans le Christ Jésus. Cela se fait dans des contextes très variés : il n'est demandé à personne de quitter son propre contexte, mais plutôt de le comprendre et d’y entrer plus profondément. En revenant à cette vision après l'expérience de la première phase, la synodalité apparaît d'abord comme un dynamisme qui anime les communautés locales concrètes. Passant à un niveau plus universel, cet élan embrasse toutes les dimensions et réalités de l'Église, dans un mouvement d'authentique catholicité.
26. Vécue dans une diversité de contextes et de cultures, la synodalité se révèle être une dimension constitutive de l'Église depuis ses origines, même si elle est encore en voie de concrétisation. En effet, elle s'efforce d'être mise en œuvre de manière toujours plus complète, exprimant un appel radical à la conversion, au changement, à la prière et à l'action qui s'adresse à tous. En ce sens, une Église synodale est une Église ouverte et accueillante. Elle s'adresse à tous et toutes. Ce mouvement de l'Esprit franchit toute frontière pour entraîner tout le monde dans son dynamisme. La radicalité du christianisme est un appel à construire une communauté qui vit et témoigne d'une autre manière de comprendre la relation entre les filles et fils de Dieu, une relation qui incarne la vérité de l'amour, une relation fondée sur le don et la gratuité. Cet appel radical invite donc à construire ensemble, de manière synodale, une Église attractive et concrète : une Église ouverte dans laquelle tous et toutes se sentent les bienvenus.
27. Dans le même temps, une Église synodale affronte honnêtement et sans crainte l'appel à une compréhension plus profonde de la relation entre amour et vérité, selon l'invitation de saint Paul : « en vivant dans la vérité de l’amour, nous grandirons pour nous élever en tout jusqu’à celui qui est la Tête, le Christ. « Et par lui, dans l’harmonie et la cohésion, tout le corps poursuit sa croissance, grâce aux articulations qui le maintiennent, selon l’énergie qui est à la mesure de chaque membre. Ainsi le corps se construit dans l’amour » (Eph 4,15-16). Pour inclure authentiquement tout le monde, il est nécessaire d'entrer dans le mystère du Christ, en se laissant former et transformer par la manière dont il a vécu le rapport entre amour et vérité.
28. Une Église synodale se caractérise aussi par la capacité de gérer les tensions sans se laisser écraser par elles, en les vivant comme une impulsion pour approfondir la manière de comprendre et de vivre la communion, la participation et la mission. La synodalité est un chemin privilégié de conversion, en ce qu’elle reconstitue l'Église dans une dynamique d’unité qui guérit les blessures et réconcilie sa mémoire. En accueillant les différences en son sein, les divisions qui s'enveniment sont surmontées, ce qui lui permet ainsi d'incarner plus pleinement sa vocation d'être « dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (LG 1). Une écoute authentique et la capacité de trouver des moyens de continuer à marcher ensemble au-delà de la fragmentation et de la polarisation sont indispensables pour que l'Église reste vivante et dynamique et soit un signe fort pour les cultures de notre temps.
29. Essayer de marcher ensemble nous met aussi en contact avec l’appréhension salutaire de l'incomplétude, avec la conscience qu'il y a encore beaucoup de choses dont nous ne sommes pas capables de porter le poids (cf. Jn 16,12). Il s’agit d’un don à cultiver et non pas d’un problème à résoudre. Nous sommes confrontés au mystère inépuisable et saint de Dieu et nous devons rester ouverts à ses surprises au cours de notre pèlerinage vers le Royaume (cf. LG 8). Cela vaut également pour les questions que le processus synodal a mises en lumière : dans un premier temps, elles requièrent écoute et attention, et invitent à ne pas se précipiter à vouloir trouver des solutions immédiates.
30. Porter le poids de ces questions est une tâche pour toute la communauté, dont la vie relationnelle et sacramentelle est souvent la réponse immédiate la plus efficace. Ce n'est pas un fardeau d’abord personnel à porter par ceux qui occupent certaines fonctions, avec le risque de se laisser écraser par ce poids. C'est pourquoi une Église synodale se nourrit sans cesse du mystère qu'elle célèbre dans la liturgie, « le sommet vers lequel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu » (SC 10), et en particulier dans l'Eucharistie.
31. Une fois dépassée l'angoisse de la limite, l'inévitable incomplétude d'une Église synodale et la disponibilité de ses membres à accuillir leurs propres vulnérabilités deviennent l'espace pour l'action de l'Esprit, qui nous invite à reconnaître les signes de sa présence. C'est pourquoi une Église synodale est aussi une Église du discernement, dans la richesse des significations que ce terme revêt et que les différentes traditions spirituelles mettent en lumière. La première phase a permis au Peuple de Dieu de commencer à expérimenter le goût du discernement à travers la pratique de la conversation dans l'Esprit. En écoutant attentivement les expériences vécues par les uns et les autres, nous grandissons dans le respect mutuel et nous commençons à discerner les mouvements de l'Esprit de Dieu dans la vie des autres et dans la nôtre. Nous commençons ainsi à prêter davantage attention à « ce que l'Esprit dit aux Églises » (Ap 2,7), dans l'engagement et l'espoir de devenir une Église de plus en plus capable de prendre des décisions prophétiques guidées par l'Esprit.
A 2. Une manière de procéder pour l'Église synodale : la conversation dans l'Esprit
32. Tout au long de la première phase du synode et sur tous les continents, on a vu et reconnu la fécondité de la méthode appelée ici "conversation dans l'Esprit", adoptée au cours de la première phase et appelée dans certains documents "conversation spirituelle" ou encore "méthode synodale" (cf. figure a p.17).
33. Dans son sens étymologique, le terme "conversation" n'indique pas un simple échange d'idées, mais cette dynamique dans laquelle la parole prononcée et écoutée génère une familiarité qui permet aux participants et participantes de devenir intimes les uns avec les autres. La précision "dans l'Esprit" identifie le protagoniste authentique. Ceux qui entrent dans cette conversation et dans la prière s’ouvrent à l’action libre de Celui qui, comme le vent, souffle où il veut (cf Jn 3,8), ont le désir de se mettre à l’écoute de cette Voix. Peu à peu, la conversation entre frères et sœurs dans la foi ouvre l'espace pour « une écoute commune » de l'Esprit. Mais s'il n'y a aucun pas en avant dans une direction précise, souvent inattendue, qui mène à une action concrète, il ne s’agit pas d’une authentique conversation dans l’Esprit.
34. Dans les Églises locales qui l'ont pratiquée au cours de la première phase, la conversation dans l'Esprit a été "découverte" comme ce climat d’écoute et de confiance permettant le partage des expériences de vie et comme cet espace de discernement de Église synodale. Dans les documents finaux des Assemblées continentales, cette pratique est décrite comme un moment de Pentecôte, une occasion de faire l'expérience d'être Église et de passer de l'écoute des frères et sœurs en Christ à l'écoute de l'Esprit, l'authentique protagoniste qui envoie en mission. En même temps, grâce à cette méthode, la grâce de la Parole et des sacrements devient une réalité ressentie et transformatrice, une réalité qui actualise, atteste et réalise l'initiative par laquelle le Seigneur Jésus se rend présent et actif dans l'Église : le Christ nous envoie en mission et nous rassemble autour de lui pour rendre grâce et gloire au Père dans l'Esprit Saint. C'est pourquoi, de tous les continents, vient la demande que cette méthode anime et informe de plus en plus la vie quotidienne des Églises.
35. La conversation dans l'Esprit s'inscrit dans la longue tradition du discernement ecclésial, qui a connu une pluralité de méthodes et d'approches. Il convient de souligner sa valeur éminemment missionnaire. Cette pratique spirituelle permet de passer du "je" au "nous". En effet, elle ne perd pas de vue ni n'efface la dimension personnelle du "je", mais elle la reconnaît et l'insère dans la dimension communautaire. Ainsi, la prise de parole et l'écoute des participants et participantes deviennent liturgie et prière, dans lesquelles le Seigneur se rend présent et les entraîne vers des formes toujours plus authentiques de communion et de discernement.
36. Dans le Nouveau Testament, les exemples de ces styles de conversation sont nombreux. Le récit de la rencontre du Seigneur ressuscité avec les deux disciples sur la route d'Emmaüs est paradigmatique (cf. Lc 24, 13-35, et l'explication donnée dans CV 237). Comme le montre bien leur expérience, la conversation dans l'Esprit construit la communion et apporte un dynamisme missionnaire : les deux disciples, en effet, retournent dans la communauté qu'ils avaient quittée pour partager l'annonce pascale de la Résurrection du Seigneur.
37. Concrètement, la conversation dans l'Esprit peut être décrite comme une prière partagée en vue d'un discernement en commun, auquel les participants et participantes se préparent par la réflexion personnelle et la méditation. Ils se font mutuellement le don d'une parole méditée et nourrie par la prière, et non d'une opinion improvisée sur le vif. La dynamique s'articule autour de trois étapes fondamentales. La première est consacrée à la prise de parole de chacun et chacune, à partir de sa propre expérience personnelle relue dans la prière pendant le temps de préparation. Les autres écoutent en silence sans entrer dans des débats ou des discussions en sachant que chaque personne a une contribution précieuse à apporter,
38. Le silence et la prière aident à préparer l'étape suivante, où chacun et chacune est invité(e) à ouvrir en soi-même un espace pour les autres et pour l'Autre. À nouveau, chaque membre du groupe prend la parole : non pas pour réagir et contrer ce qui a été entendu, en réaffirmant sa propre position, mais pour exprimer ce qui, au cours de l'écoute, l'a touché(e) le plus profondément et ce par quoi il ou elle se sent le plus interpellé(e). Les effets que l'écoute des sœurs et des frères produit dans l’espace intérieur de chacun sont le langage avec lequel l'Esprit Saint fait résonner sa propre voix : plus chacun a été nourri par la méditation de la Parole et des Sacrements, en grandissant dans la familiarité avec le Seigneur, plus il pourra reconnaître le son de Sa voix (cf. Jn 10,14.27), grâce aussi à l'accompagnement du Magistère et de la théologie. De même, plus les participants seront capables d'être attentifs à ce que dit l'Esprit, plus ils grandiront dans un sentiment partagé d'ouverture à la mission.
39. La troisième étape, à vivre toujours dans un climat de prière et sous la conduite de l'Esprit Saint, consiste à identifier les points clés qui ont émergé et à dégager un consensus concernant les fruits du travail commun, que chacun considère comme fidèle au processus et dans lequel il ou elle peut donc se sentir représenté. Il ne suffit pas de rédiger un rapport reprenant les points les plus souvent mentionnés, mais il faut faire preuve de discernement, en prêtant également attention aux voix marginales et prophétiques et en ne négligeant pas l'importance des points sur lesquels des désaccords apparaissent. Le Seigneur est la pierre angulaire qui permettra à la "construction" de tenir debout, et l'Esprit, maître de l'harmonie, aidera à passer de la cacophonie à la symphonie.
40. Ce cheminement se termine par une prière de louange à Dieu et de gratitude pour l'expérience vécue. « Quand nous vivons la mystique de nous approcher des autres, afin de rechercher leur bien, nous dilatons notre être intérieur pour recevoir les plus beaux dons du Seigneur. Chaque fois que nous rencontrons un être humain dans l’amour, nous nous mettons dans une condition qui nous permet de découvrir quelque chose de nouveau de Dieu. Chaque fois que nos yeux s’ouvrent pour reconnaître le prochain, notre foi s’illumine davantage pour reconnaître Dieu. » (EG 272). Tel est, en résumé, le don reçu par celles et ceux qui se laissent entraîner dans une conversation dans l'Esprit.
41. Dans les situations concrètes, il ne s’agit pas de suivre ce schéma à la lettre, mais de toujours l'adapter. Parfois, il est nécessaire de privilégier la prise de parole de chacun et l'écoute des autres ; dans d'autres circonstances, il faut mettre en évidence les liens entre les différentes perspectives, en cherchant ce qui « rend notre cœur tout brûlant » (cf. Lc 24,32) ; dans d'autres encore, il faut expliciter un consensus et travailler ensemble pour identifier la direction dans laquelle on se sent appelé par l'Esprit à se mettre en mouvement. Mais, au-delà des adaptations concrètes appropriées, l'intention et le dynamisme qui unissent les trois passages sont et restent caractéristiques de la manière de procéder d'une Église synodale.
42. Compte tenu de l'importance de la conversation dans l'Esprit pour animer le vécu de l'Église synodale, la formation à cette méthode, et en particulier l’enjeu d’avoir des personnes capables d'accompagner les communautés dans cette pratique, est perçue comme une priorité à tous les niveaux de la vie ecclésiale et pour tous les baptisés, à commencer par les ministres ordonnés, et dans un esprit de coresponsabilité et d'ouverture aux différentes vocations ecclésiales. La formation à la conversation dans l'Esprit est une formation à être une Église synodale.
B. Communion, mission, participation
Trois questions prioritaires pour l'Église synodale
« En un corps unique, nous avons plusieurs membres, qui n’ont pas tous la même fonction ; de même, nous qui sommes plusieurs, nous sommes un seul corps dans le Christ, et membres les uns des autres, chacun pour sa part. » (Rm 12,4-5).
43. Parmi les fruits de la première phase - et en particulier des Assemblées continentales - obtenus grâce à la méthodologie qui vient d'être exposée, trois priorités ont été identifiées et sont maintenant proposées au discernement de l'Assemblée synodale d'octobre 2023. Elles constituent autant de défis auxquels l'Église toute entière doit se mesurer pour aller de l’avant et grandir dans son être synodal à tous les niveaux et à partir d'une pluralité de perspectives. Celles-ci demandent d’être abordées du point de vue de la théologie et du droit canonique, ainsi que de celui de la pastorale et de la spiritualité. Ces priorités viennent questionner tant les orientations pastorales des diocèses que le style de vie et les choix quotidiens de chaque membre du Peuple de Dieu. Elles sont aussi authentiquement synodales car leur prise en compte nécessite de cheminer ensemble en tant que peuple, avec toutes ses composantes. Les trois priorités seront illustrées en lien avec les trois mots clés du Synode : communion, mission, participation. Si ce choix est motivé par la recherche d’une simplicité de présentation, il expose néanmoins au risque de les faire percevoir comme trois " piliers " indépendants les uns des autres. Bien au contraire, dans la vie de l'Église synodale, communion, mission et participation s'articulent, se nourrissent et se soutiennent mutuellement. Elles doivent toujours être pensées et comprises dans leur intégration circulaire.
44. Le changement dans l'ordre d'apparition des trois termes, avec maintenant le terme « mission » au centre, s'enracine dans la prise de conscience, mûrie au cours de la première phase, des liens qui les unissent. La communion et la mission, en particulier, sont entrelacées et se reflètent l'une dans l'autre. Comme l'enseignait déjà saint Jean-Paul II : « La communion et la mission sont profondément unies, elles s'interpénètrent et s'impliquent mutuellement, au point que la communion est la source et en même temps le fruit de la mission : la communion est missionnaire et la mission est pour la communion » (CL 32, repris dans PE I,4). Nous sommes invités à dépasser une conception dualiste dans laquelle la communion désignerait les relations au sein de la communauté ecclésiale, tandis que la mission concernerait l'impulsion ad extra. La première phase a plutôt mis en évidence comment la communion est la condition sine qua non de la crédibilité de la proclamation, rejoignant en cela l’intuition de la XVe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques sur Les jeunes, la foi et discernement vocationnel[8]. En parallèle, il y a une prise de conscience croissante que l'orientation missionnaire constitue l’unique critère fondé sur l’Évangile pour penser l'organisation interne de la communauté chrétienne, la distribution des rôles et des charges et la gestion de ses institutions et de ses structures. C'est dans une double relation avec la communion et la mission que la participation peut être comprise, et c'est pourquoi elle ne peut être abordée qu'après les deux autres. En premier lieu, elle les rattache au concret : l'attention portée aux procédures, aux règles, aux institutions et aux structures permet de consolider la mission dans le temps et de soustraire la communion à l’emprise de la spontanéité émotionnelle. En second lieu, elle reçoit une signification, une orientation et un dynamisme qui lui permettent d'échapper au risque de se transformer en une frénésie de revendications de droits individuels, aboutissant inévitablement à la fragmentation plutôt qu'à l’unité.
45. Pour accompagner la préparation et structurer les travaux de l'Assemblée, pour chacune des trois priorités, cinq fiches de travail ont été élaborées et sont présentées à la fin de cette section. Chacune d'entre elles constitue une porte d'entrée pour traiter la priorité spécifique à laquelle elle est associée, permettant d’aborder celle-ci selon des perspectives différentes mais complémentaires, en lien avec les différents aspects de la vie de l'Église qui ont émergé à travers les travaux des Assemblées continentales. En aucun cas, les trois paragraphes suivants, auxquels correspondent les trois séries de fiches, ne sont à lire séparément comme des colonnes parallèles qui n’auraient pas de liens. Ceux-ci sont plutôt comme des rayons de lumière qui, à partir de points différents, s'entrecroisent continuellement, en se rappelant les uns les autres, et en se fortifiant mutuellement, éclairent la même réalité, c'est-à-dire la vie synodale de l'Église.
B 1. Une communion qui rayonne. Comment être davantage signe et moyen de l'union avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain ?
46. La communion n'est pas un rassemblement sociologique de membres d'un groupe identitaire. Elle est avant tout un don du Dieu trinitaire et, en même temps, une mission jamais terminée de construction du "nous" du Peuple de Dieu. Comme l’ont expérimenté les Assemblées continentales, la communion associe une dimension verticale, que Lumen Gentium appelle « l'union intime avec Dieu », et une dimension horizontale, « l'unité de tout le genre humain », dans une forte dynamique eschatologique : la communion est un chemin sur lequel nous sommes appelés à grandir, « jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude » (Ep 4,13).
47. Nous recevons une anticipation de ce moment dans la liturgie, lieu où l'Église, en son chemin terrestre, fait l'expérience de la communion, la nourrit et la construit. Si, en effet, « la liturgie [...] contribue au plus haut point à ce que les fidèles, en la vivant, expriment et manifestent aux autres le mystère du Christ et la nature authentique de la véritable Église » (SC 2), c'est précisément vers elle qu'il faut se tourner pour comprendre ce qu'est la vie synodale de l'Église. Tout d'abord, c'est dans l'action liturgique, et en particulier dans la célébration de l'Eucharistie, que l'Église fait chaque jour l'expérience d’une unité radicale dans une même prière, mais dans la diversité des langues et des rites : un point clé de la synodalité. De ce point de vue, la diversité des rites dans l'unique Église catholique est une authentique bénédiction, à protéger et à promouvoir, comme cela a été expérimenté à plusieurs reprises au cours des Assemblées continentales.
48. L'assemblée synodale ne peut être comprise comme représentative et législative, à l’image d’une assemblée parlementaire, avec sa logique de recherche d’une majorité. Nous sommes plutôt appelés à la comprendre par analogie avec l'Assemblée liturgique. L'antique tradition nous dit qu’un synode est célébré : il commence par l'invocation de l'Esprit Saint, se poursuit par la profession de foi et aboutit à des décisions partagées pour garantir ou rétablir la communion ecclésiale. Dans une assemblée synodale, le Christ se rend présent et agit. Il transforme l'histoire et la vie quotidienne, envoie l'Esprit pour conduire l'Église à trouver un consensus sur la manière de marcher ensemble vers le Royaume et d'aider l'humanité à avancer vers l'unité. Marcher ensemble à l'écoute de la Parole et à l’écoute des frères et sœurs, dans cette recherche de la volonté de Dieu et de la concorde, conduit à l'action de grâce au Père par le Fils dans l'unique Esprit. Dans l'assemblée synodale, ceux qui se rassemblent au nom du Christ écoutent sa Parole, s'écoutent les uns les autres, discernent dans la docilité à l'Esprit, proclament ce qu'ils ont entendu et reconnu comme une lumière pour le cheminement de l'Église.
49. Dans cette perspective, la vie synodale n'est pas une stratégie d'organisation de l'Église, mais l'expérience de parvenir à trouver une unité qui intègre la diversité sans l'effacer, parce qu'elle est fondée sur l'union avec Dieu dans la confession d’une même foi. Cette dynamique possède une force propulsive qui pousse à élargir sans cesse le champ de la communion, mais qui doit composer avec les contradictions, les limites et les blessures de l'histoire.
50. C’est sur ce point précis que s’enracine la première priorité du questionnement synodal : dans le concret de notre réalité historique, préserver et promouvoir la communion exige d'assumer l'incomplétude de parvenir à vivre l'unité dans la diversité (cf. 1Cor 12). L'histoire produit des divisions, qui provoquent des blessures qu'il faut guérir et qui nécessitent de tracer des chemins de réconciliation. Dans ce contexte, quels sont les liens à renforcer au nom de l'Évangile, pour dépasser les tranchées et les frontières ? Quels sont les abris et les protections à bâtir, et pour protéger qui ? Quelles sont les divisions stériles ? Comment est-il possible de progresser par étape sur le chemin qui conduit à la pleine communion ? Ces questions semblent théoriques, mais elles sont enracinées dans la vie quotidienne concrète des communautés chrétiennes consultées lors de la première phase. Elles ont trait à la question de savoir s'il existe des limites ou non à la volonté d'accueillir des personnes et des groupes, ou encore comment engager le dialogue avec les cultures et les autres religions sans compromettre notre identité chrétienne, ou bien encore la détermination à être la voix de ceux qui sont en marge et à réaffirmer que personne ne doit être laissé pour compte. Les cinq fiches de travail relatives à cette priorité tentent d'explorer ces questions à partir de cinq perspectives complémentaires.
B 2. Co-responsables de la mission. Comment partager les dons et les charges au service de l’Évangile ?
51 « Par nature, l’Église, durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire » (AG 2). La mission constitue l'horizon dynamique à partir duquel penser l'Église synodale, à laquelle elle donne un élan vers l'"extase", qui consiste à « sortir de toi-même pour chercher le bien des autres jusqu’à donner ta vie » (CV 163 ; cf. aussi FT 88). En d'autres termes, la mission permet de revivre l'expérience de la Pentecôte : après avoir reçu l'Esprit Saint, Pierre et les Onze se lèvent et prennent la parole pour annoncer Jésus mort et ressuscité à ceux qui se trouvaient là à Jérusalem (cf. Ac 2, 14-36). C’est dans cette même dynamique que s’enracine la vie synodale : nombreux sont les témoignages qui décrivent en ces termes l'expérience vécue lors de la première phase, et plus nombreux encore sont ceux qui lient de manière indissociable synodalité et mission.
52. Dans une Église qui se définit comme signe et instrument de l'union avec Dieu et de l'unité du genre humain (cf. LG 1), le discours sur la mission se concentre sur la lisibilité du signe et l'efficacité de l'instrument, sans lesquels toute proclamation se heurte à des problèmes de crédibilité. La mission n'est pas la promotion d'un produit religieux, mais la construction d'une communauté dans laquelle les relations témoignent de l'amour de Dieu et où la vie elle-même devient une proclamation. Dans les Actes des Apôtres, le discours de Pierre est immédiatement suivi du récit de la vie de la communauté primitive, dans laquelle tout devenait occasion de communion (cf. Ac2, 42-47), ce qui rendait la communauté attractive.
53. Dans cette perspective, la première question sur la mission concerne précisément ce que les membres de la communauté chrétienne sont disposés à mettre en commun, à partir de l'originalité irréductible de chacun, en vertu de sa relation directe avec le Christ dans le Baptême et de son être habité par l'Esprit. Cela rend la contribution de chaque baptisé(e) précieuse et indispensable. L'une des raisons de l'émerveillement constaté au cours de la première phase est précisément liée à la possibilité de contribuer : « Puis-je vraiment faire quelque chose ? » En même temps, chacun est invité à assumer sa propre incomplétude, c'est-à-dire la prise de conscience que pour réaliser la mission, on a besoin de tous, ou, en d'autres termes, que la mission elle-même a aussi une dimension constitutivement synodale.
54. Voilà pourquoi la deuxième priorité identifiée par une Église qui se découvre synodale et missionnaire concerne la manière dont elle parvient réellement à solliciter la contribution de tous, chacun avec ses talents et ses rôles, en valorisant la diversité des charismes et en intégrant le rapport entre les dons hiérarchiques et charismatiques[9]. Dans une perspective missionnaire les charismes et les ministères relèvent de ce qui est commun et, de cette façon, en garantit la fécondité, laquelle est au contraire compromise lorsqu'elles deviennent des prérogatives qui légitiment des logiques d'exclusion. Une Église synodale missionnaire a le devoir de se demander comment elle peut reconnaître et valoriser la contribution que chaque personne baptisée peut offrir à la mission, en sortant d’elle-même et en participant avec d'autres à quelque chose de plus grand. « Contribuer activement au bien commun de l'humanité » (CA 34) est une composante inaliénable de la dignité de la personne, y compris au sein de la communauté chrétienne. La première contribution que chacun peut apporter regarde le discernement des signes des temps (cf. GS 4), afin de maintenir la conscience de la mission commune en suivant le souffle de l'Esprit. Tous les points de vue peuvent contribuer à ce discernement, à commencer par celui des pauvres et des exclus : marcher avec eux ne signifie pas seulement assumer leurs besoins et leurs souffrances, mais aussi favoriser leur participation et apprendre d'eux. C'est ainsi que l'on peut reconnaître leur égale dignité, en échappant aux pièges de l’assistanat et en anticipant autant que possible la logique des cieux nouveaux et de la terre nouvelle vers lesquels nous sommes en marche.
55. Les fiches de travail relatives à cette priorité tentent d’aborder concrètement cette question fondamentale en ce qui concerne des sujets tels que la reconnaissance de la diversité des vocations, des charismes et des ministères, la promotion de la dignité baptismale des femmes, le rôle des ministères ordonnés et en particulier le ministère de l'évêque au sein de l'Église synodale missionnaire.
B 3. Participation, gouvernance et autorité. Quels processus, structures et institutions dans une Église synodale missionnaire ?
56. « Communion et mission risquent de rester des termes un peu abstraits si l’on ne cultive pas une pratique ecclésiale qui exprime la réalité concrète de la synodalité, à chaque étape du chemin et du travail, favorisant l'implication effective de tous et de chacun » [10]. Ces paroles du Saint-Père nous aident à situer la participation par rapport aux deux autres termes. À la dimension procédurale, qui ne doit pas être sous-estimée en tant qu'instance de concrétisation, la participation ajoute une densité anthropologique d'une grande importance : elle exprime en effet le souci de l'épanouissement de l'être humain, c'est-à-dire de l'humanisation des relations au cœur du projet de communion et de l'engagement dans la mission. Elle préserve l'unicité du visage de chacun, s’efforçant d’assurer un passage au « nous » qui n'absorbe pas le « je » dans l'anonymat d'une collectivité indistincte. Elle évite de tomber dans l'abstraction des droits ou d’asservir les personnes en les réduisant à de simples instruments de performance de l'organisation. La participation est essentiellement l'expression d’une créativité et une façon d’entretenir des relations d'hospitalité, d'accueil et de service de la promotion humaine au cœur de la mission et de la communion.
57. Du souci d’une participation au sens intégral présentée ici découle la troisième priorité émergeant également de l'étape continentale : la question de l'autorité, de sa signification et du style de son exercice au sein d'une Église synodale. En particulier, l’autorité se présente-t-elle comme une forme de pouvoir dérivée des modèles offerts par le monde ou comme un véritable service ? « Il n'en sera pas ainsi parmi vous » (Mt 20,26 ; cf. Mc 10,43), dit le Seigneur qui, après avoir lavé les pieds des disciples, les avertit : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (Jn 13,15). À l'origine, le terme « autorité » désigne la capacité de faire grandir les autres. L’autorité est donc au service de la vocation unique de chaque personne, elle l’encourage à la créativité au lieu d’exercer un contrôle qui la bloque. Elle est au service de la croissance de la liberté de la personne au lieu d’être une chaine qui la réprime. À cette question s'en ajoute une autre, empreinte du souci du concret et de la continuité dans le temps : comment imprégner nos structures et nos institutions du dynamisme de l'Église synodale missionnaire ?
58. De cette attention particulière découle une autre priorité, tout aussi concrète, qui vise précisément à inscrire la dynamique de la participation dans la durée : il s'agit de la formation, qui apparaît de manière transversale dans tous les documents de la première phase. Les institutions et les structures, en effet, ne suffisent pas à rendre l'Église synodale. Comme n’ont pas cessé de le souligner les Assemblées continentales et, avant elles, les synthèses des Églises locales, une culture et une spiritualité synodales, animées par un désir de conversion et soutenues par une formation adéquate, sont nécessaires. Le besoin de formation ne se limite pas à la mise à jour des contenus, mais a une dimension intégrale, touchant à toutes les capacités et dispositions de la personne : orientation missionnaire, capacité de relation et aptitude à construire la communauté, volonté d'écoute spirituelle et familiarité avec le discernement personnel et communautaire, patience, persévérance et aptitude à parler avec courage et vérité (parrhésie).
59. La formation est le moyen indispensable pour faire de la méthode synodale un modèle pastoral pour la vie et l'action de l'Église. Nous avons besoin d'une formation intégrale, initiale et permanente, pour tous les membres du Peuple de Dieu. Aucun baptisé ne peut se sentir étranger à cet engagement et il est donc nécessaire de formuler des propositions adéquates de formation à la méthode synodale qui s’adressent à tous les fidèles. En particulier, plus on est appelé à servir l'Église, plus on doit sentir l'urgence de la formation : les évêques, les prêtres, les diacres, les personnes consacrées et tous ceux qui exercent un ministère ont besoin d'une formation pour renouveler les modalités d'exercice de l'autorité et les processus de décision dans une approche synodale, et pour apprendre à accompagner dans l'Esprit le discernement et le dialogue communautaires. Les candidats au ministère ordonné doivent être formés à un style synodal et à une mentalité synodale. La promotion d'une culture de la synodalité implique le renouvellement du cursus actuel des séminaires et de la formation des formateurs et des professeurs de théologie, afin d’orienter de façon plus claire et plus décisive la formation vers une vie de communion, de mission et de participation. La formation à une spiritualité synodale est au cœur du renouveau de l'Église.
60. De nombreuses contributions soulignent la nécessité d'un effort similaire pour renouveler le langage utilisé par l'Église : dans la liturgie, dans la prédication, dans la catéchèse, dans l'art sacré, ainsi que dans toutes les formes de communication tant en interne pour s’adresser à ses membres qu'en externe pour parler au grand public, y compris à travers les médias nouveaux et traditionnels. Sans abaisser ni avilir la profondeur du mystère proclamé par l’Église ni la richesse de sa tradition, la recherche de nouveaux langages doit au contraire viser à rendre ceux-ci accessibles et attrayants pour les hommes et les femmes de notre temps, plutôt que de constituer une barrière qui les en éloigne. L'inspiration de la fraîcheur du langage évangélique, la capacité d'inculturation dont témoigne l'histoire de l'Église et les expériences prometteuses déjà en cours, jusque dans l'environnement numérique, nous invitent à poursuivre avec confiance et détermination cette tâche d'une importance cruciale pour l'efficacité de l'annonce de l'Évangile, qui est le but vers lequel tend une Église synodale missionnaire.
Rome, 29 mai 2023
Mémoire de la Vierge Marie, Mère de l'Église
***
XVI ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE
DU SYNODE DES ÉVÊQUES
POUR UNE ÉGLISE SYNODALE :
COMMUNION, PARTICIPATION, MISSION
FICHES DE TRAVAIL
POUR L'ASSEMBLÉE SYNODALE
(Première session - Octobre 2023)
FICHES DE TRAVAIL POUR L'ASSEMBLÉE SYNODALE 2023
Introduction
Si l'IL dans son ensemble « se veut une aide pratique pour la conduite de l'Assemblée synodale d'octobre 2023 et donc un instrument pour sa préparation » (n° 10), cela est particulièrement vrai pour les Fiches de travail présentées ici. Elles ont été préparées pour faciliter le travail de discernement sur les « trois priorités qui ressortent le plus fortement des travaux de tous les continents » (n° 14), en vue d'identifier les étapes concrètes à lesquelles l'Esprit Saint nous appelle pour grandir comme Église synodale. La présentation des fiches, l'explication de leur structure et les indications données sur la manière de les utiliser exigent donc avant tout de les aborder en prenant en compte la dynamique des travaux de l'Assemblée.
La dynamique de l'Assemblée
L'Assemblée traitera des questions posées par l'IL en alternant les moments en plénière (Congregationes Generales) et les travaux de groupe (sessions des Circuli Minores), comme le prévoit l'art. 14 de EC.
En particulier, l'Assemblée procédera en abordant les différents thèmes, dans l'ordre où l'IL les propose. Elle commencera par travailler sur la Section A, « Pour une Église synodale. Une expérience intégrale » (n° 17-42), dans le but de mieux cerner les caractéristiques fondamentales d'une Église synodale, à partir de l'expérience de cheminement ensemble vécue par le Peuple de Dieu au cours de ces deux années et mises en mot dans les documents produits au cours de la première phase du synode selon le discernement des Pasteurs. L'Assemblée est invitée à se placer dans une perspective intégrale, en prenant en compte l'expérience du Peuple de Dieu dans son ensemble et dans sa complexité.
L'Assemblée se penchera ensuite sur les trois questions prioritaires qui ont émergé de la phase de consultation et qui sont présentées dans la section B de l'IL (n° 43-60). À chacune d'entre elles est consacrée l'une des trois parties dans lesquelles s'articule cette section, « en lien avec les trois mots clés du Synode : communion, mission, participation » (n° 43), avec une inversion de l'ordre d'apparition des trois termes qui est expliquée au n° 44 de l’IL : la tríade communion-participation-mission devient ici communion-mission-participation. Cette articulation correspond à celle des Fiches de travail, également divisées en trois parties, dont chacune reprend le titre de la partie correspondante de la Section B, mettant ainsi en évidence le lien qui les unit:
- « B 1. Une communion qui rayonne. Comment être davantage signe et moyen de l'union avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain ? » (n° 46-50);
- « B 2. Coresponsables dans la mission. Comment partager les dons et les tâches au service de l'Évangile? » (n° 51-55);
- « B 3. Participation, gouvernance et autorité. Quels processus, structures et institutions dans une Église synodale missionnaire ? » (n° 56-60).
Pour chacune des trois priorités on trouvera cinq fiches de travail : chacune d'entre elles « constitue une porte d'entrée pour traiter la priorité spécifique à laquelle elle est associée, permettant d’aborder celle-ci selon des perspectives différentes mais complémentaires, en lien avec les différents aspects de la vie de l'Église qui ont émergé à travers les travaux des Assemblées continentales » (n° 45).
L'organisation du travail en deux parties successives ne doit pas supprimer le regard d’ensemble qui lie les deux sections entre elles : l'expérience du Peuple de Dieu abordée dans une perspective intégrale qui correspond à la section A continue à représenter l'horizon dans lequel s'inscrit l’étude des différentes questions posées dans la section B, qui s'enracinent dans cette expérience. L'effort demandé à l'Assemblée sera précisément de « maintenir la tension entre la vision d'ensemble [...] et l'identification des étapes à franchir » (n° 16) : ces dernières donnent du concret et de la profondeur à la première, et reçoivent en retour une vision prospective et une cohésion visant à éviter le risque de se disperser dans les détails.
Enfin, la dernière partie des travaux de l'Assemblée sera consacrée à la récolte des fruits, c'est-à-dire concrètement à l'élaboration des pistes par lesquelles continuer à marcher ensemble, et ce en poursuivant la relecture de l'expérience du Peuple de Dieu et en promouvant les approfondissements nécessaires, avant tout théologiques et canoniques, en vue de la deuxième session de l'Assemblée synodale d'octobre 2024.
Tout au long de son déroulement, l'Assemblée procédera selon la méthode de la conversation dans l'Esprit (cf. n° 32-42), dûment adaptée. Ce qui lui permettra de garder ainsi un lien avec la manière de procéder qui a caractérisé tout le processus synodal (cf. figure a p. 28), mais surtout, en donnant d’expérimenter directement cette manière de faire, l’assemblée pourra mettre en lumière comment cette méthode pourrait devenir partie intégrante de la vie ordinaire de l'Église et comme une modalité partagée pour discerner ensemble la volonté de Dieu.
Comment utiliser les fiches de travail
Les fiches de travail sont conçues comme un outil de travail pour l'Assemblée d'octobre 2023 permettant d'aborder les trois questions prioritaires énoncées dans la section. Il ne s'agit donc pas de chapitres d'un livre à lire successivement, ni de courts essais sur un sujet en tant que tel. Ces fiches ne sont donc pas « à lire », mais à mettre en œuvre car elles offrent des pistes pour la prière et la réflexion personnelle afin de se préparer aux échanges en groupe et en plénière. De plus, ces fiches peuvent aussi être utilisées au niveau local ou régional de l’Église pour des rencontres selon la méthode synodale afin d’approfondir les thèmes présentés. Ces fiches ne sont pas destinées à être traitées successivement : elles peuvent être abordées indépendamment les unes des autres mais en gardant bien le lien avec la partie de la section B de l'IL à laquelle elle correspond.
Les fiches ont tous la même structure : en premier lieu, elles commencent par une contextualisation rapide de la question formulée dans le titre à partir de ce qui est ressorti de la première phase. En second lieu, elles présentent la question posée sur laquelle discerner. En troisième et dernier lieu, elles apportent quelques éclairages qui articulent une variété de perspectives (théologiques, pastorales, canoniques, etc.), de dimensions et de niveaux (paroisse, diocèse, etc.), mais surtout, elles restituent le concret des visages des membres du Peuple de Dieu, de leurs charismes et de leurs ministères, en exprimant les questions qu'ils ont fait entendre au cours de la phase d'écoute. L’abondance des stimuli proposés dans chaque fiche répond à un besoin de fidélité à la richesse et à la variété de ce qui a été recueilli lors de la consultation, sans en faire un questionnaire dans lequel il faudrait formuler une réponse à chaque question. Certains de ces points parleront davantage à certaines régions du monde, d'autres à des régions différentes. Chacun est invité à privilégier le ou les points sur lesquels il estime que l'expérience de « son » Église a une plus grande richesse à partager avec d'autres : ce sera sa contribution à l'œuvre commune.
Chaque fiche se concentre sur la question indiquée par le titre, en tenant compte du cadre de référence
que représente l’IL, dont le contenu n'est ni répété ni explicitement cité. Celui-ci représente cependant la base du travail, en y adjoignant tous les documents relatifs à la phase de consultation comme cela est rappelé ici: « même pour la préparation de l'Assemblée, les Membres du Synode sont invités à garder à l'esprit les documents précédents, en particulier le DEC et les Documents finaux des Assemblées continentales, ainsi que celui du Synode digital, comme outils de leur discernement » (n° 9). Il ne s'agit donc pas de repartir de zéro, mais de poursuivre un chemin déjà commencé. C'est pour cette raison, ainsi que pour d'évidentes raisons d'espace, que les fiches n'offrent pas un traitement systématique des différentes questions, et ne cherchent pas à tout approfondir : le fait que le processus synodal ait mis en évidence certains points comme prioritaires ne signifie pas que d'autres questions soient moins importantes. Sur la base de la consultation du Peuple de Dieu, les questions proposées dans les fiches de travail sont des portes d'entrée pour aborder concrètement la question fondamentale qui anime et guide tout le processus : « comment se réalise aujourd’hui, à différents niveaux (du niveau local au niveau universel) ce “ marcher ensemble ” qui permet à l’Église d’annoncer l’Évangile, conformément à la mission qui lui a été confiée; et quels pas de plus l’Esprit nous invite-t-il à poser pour grandir comme Église synodale ? » (DP 2).
Il existe des points de contact évidents, voire des chevauchements, entre les fiches, y compris entre les différentes parties. Toutefois, il ne s'agit pas d'une répétition, car la rédaction a tenu compte du fait que les fiches sont conçues pour pouvoir être utilisées indépendamment les unes des autres. En outre, cela met en évidence le riche réseau d'interconnexions entre les sujets abordés.
Certaines des questions qui ont émergé de la consultation du Peuple de Dieu concernent des sujets sur lesquels il existe déjà un développement magistériel et théologique auquel se référer : pour ne donner que deux exemples, il suffit de penser à l'accueil des divorcés remariés, sujet traité dans l'Exhortation Apostolique Post-Synodale Amoris laetitia, ou à l'inculturation de la liturgie, objet de l'Instruction Varietates legitimae (1994) de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements. Le fait que des questions continuent d'émerger sur des points de ce genre ne peut être écarté à la hâte, mais doit faire l'objet d'un discernement, et l'Assemblée synodale est un forum privilégié pour ce faire. Il convient notamment d'examiner les obstacles, réels ou supposés, qui ont empêché les démarches indiquées et ce qu'il convient de faire pour les lever. Par exemple, si le blocage provient d'un manque général d'information, un meilleur effort de communication sera nécessaire. Si, en revanche, il est dû à la difficulté de saisir les implications des documents dans des situations concrètes ou de se reconnaître dans ce qu'ils proposent, un parcours synodal d'appropriation effective des contenus par le Peuple de Dieu pourrait être la réponse appropriée. Un autre cas serait celui où la réapparition d'une question est le signe d'un changement de réalité ou de la nécessité d'un « débordement » de la Grâce, qui exige de revenir à l'interrogation du Dépôt de la Foi et de la Tradition vivante de l'Église.
Il sera difficile pour les travaux de la première session de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques de parvenir à la formulation d'orientations concluantes sur nombre de ces sujets : c'est pourquoi le Saint-Père a décidé que l'Assemblée synodale se tiendrait en deux sessions. L'objectif de la première session sera avant tout d'esquisser des pistes d'approfondissement à mener dans un style synodal, en indiquant les sujets à traiter et les moyens d'en tirer profit, afin de permettre au discernement de s'achever lors de la seconde session, en octobre 2024, en élaborant les propositions concrètes pour grandir en tant qu'Église synodale, à présenter au Saint-Père.
B 1. Une communion qui rayonne
Comment être davantage signe et moyen
de l’union avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ?
B 1.1 Comment le service de la charité, l'engagement pour la justice et le soin de la maison commune nourrissent-ils la communion dans une Église synodale ?
Les Assemblées continentales ont indiqué plusieurs directions pour se développer en tant qu'Église synodale missionnaire :
a) Dans une Église synodale, les pauvres, au sens premier de ceux qui vivent dans la pauvreté et l'exclusion sociale, occupent une place centrale. Ils sont les destinataires des soins, mais surtout les porteurs d'une Bonne Nouvelle que toute la communauté doit écouter : d'eux, l'Église a avant tout quelque chose à apprendre (cf. Lc 6,20 ; EG 198). Une Église synodale reconnaît et valorise leur participation active.
b) Le soin de la maison commune exige une action partagée : la solution de nombreux problèmes, tels que le changement climatique, exige l'engagement de toute la famille humaine. Le soin de la maison commune est déjà un lieu d'expériences intenses de rencontre et de collaboration avec des membres d'autres Églises et communautés ecclésiales, avec des croyants d'autres religions et avec des hommes et des femmes de bonne volonté. Cet engagement requiert la capacité d'agir de manière cohérente à plusieurs niveaux : catéchèse et animation pastorale, promotion des styles de vie, gestion des biens de l'Église (patrimoniaux et financiers).
c) Les mouvements migratoires sont un signe de notre temps et « les migrants sont un 'paradigme' capable d'illuminer notre temps »[11]. Leur présence constitue un appel à cheminer ensemble, particulièrement lorsqu'il s'agit des fidèles catholiques. Elle invite à créer des liens avec les Églises des pays d'origine et représente une chance d'expérimenter la diversité de l'Église, par exemple à travers la diaspora des Églises catholiques orientales.
d) Une Église synodale peut jouer un rôle de témoignage prophétique dans un monde fragmenté et polarisé, en particulier lorsque ses membres s'engagent à marcher ensemble avec d'autres citoyens pour la construction du bien commun. Dans les lieux marqués par de profonds conflits, cela exige la
capacité d'être des agents de réconciliation et des artisans de paix.
e) « Tout chrétien et toute communauté sont appelés à être un instrument de Dieu pour la libération et la promotion des pauvres » (EG 187). Cela implique la disponibilité à prendre position en leur faveur dans le débat public, à prêter voix à leurs causes, à dénoncer les situations d'injustice et de discrimination, sans complicité avec ceux qui en sont responsables.
Question de discernement
Marcher ensemble signifie ne laisser personne de côté et être capable de suivre ceux et celles qui peinent le plus. Comment pouvons-nous progresser dans notre capacité à promouvoir la participation active des plus petits dans l'Église et la société ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Les œuvres de justice et de miséricorde sont une forme de participation à la mission du Christ. Toute personne baptisée est donc appelée à s'engager dans ce domaine. Comment cette conscience peut-elle être éveillée, cultivée et renforcée dans les communautés chrétiennes ?
2) Les inégalités qui marquent le monde contemporain traversent aussi le corps de l'Église, séparant par exemple les Églises des pays riches et des pays pauvres, ou les communautés des régions les plus riches et les plus pauvres d'un même pays. Quels sont les outils nécessaires pour pouvoir cheminer ensemble entre Églises au-delà de ces inégalités, en faisant l'expérience d'un authentique échange de dons ?
3) Sur le chemin du Synode, quels efforts ont été faits pour donner de l'espace à la voix des plus pauvres et intégrer leur contribution ? Quelle expérience nos Églises ont-elles acquise en soutenant la participation active des pauvres ? Que devons-nous faire pour les impliquer de plus en plus dans notre cheminement ensemble, en laissant leur voix remettre en question notre façon de faire lorsqu'elle n'est pas assez inclusive ?
4) L'accueil des migrants devient-il une occasion de cheminer avec des personnes d'une autre culture, surtout lorsque nous partageons la même foi ? Quelle est la place des communautés de migrants dans la pastorale ordinaire ? Comment la diaspora des Églises catholiques orientales est-elle valorisée comme une occasion de vivre l'unité dans la diversité ? Quels liens sont créés entre les Églises des pays de départ et celles des pays d'arrivée ?
5) La communauté chrétienne sait-elle cheminer avec l'ensemble de la société dans la construction du bien commun ou se présente-t-elle comme un sujet intéressé par la défense de ses propres intérêts partisans ? Parvient-elle à témoigner de la possibilité d'une concorde au-delà des polarisations politiques ? Quels outils se donne-t-elle pour se former à ces tâches ? Travailler au bien commun nécessite de former des alliances et des coalitions : quels critères de discernement nous donnons-nous à cet égard ? Comment chaque communauté accompagne-t-elle ses membres engagés en politique ?
6) Quelles expériences de marche commune pour le soin de la maison commune avons-nous eues avec des personnes, des groupes et des mouvements qui ne font pas partie de l'Église catholique ? Qu'avons-nous appris ? Où en sommes-nous dans la construction d'une cohérence entre les différents niveaux auxquels la protection de la maison commune nous demande d'agir ?
7) La rencontre avec les pauvres et les marginalisés et la possibilité de cheminer avec eux commencent souvent par une volonté d'écouter leur vie. Est-il judicieux de réfléchir à la reconnaissance d'un ministère spécifique d'écoute et d'accompagnement pour les personnes qui assument ce service ? Comment une Église synodale peut-elle les former et les soutenir ? Comment penser à reconnaître ecclésialement des formes d'engagement pour la construction d'une société juste et la prise en charge de la maison commune qui sont vécues comme une réponse à une vocation authentique et comme un choix qui est aussi professionnel ?
B 1.2 Comment une Église synodale peut-elle rendre crédible la promesse que "l'amour et la vérité se rencontrent" (Ps 85,11) ?
Essayer de comprendre ce que signifient concrètement l'accueil et l'accompagnement pour la communauté chrétienne a été au cœur des différentes étapes de la première phase.
Le DEC a choisi l'image biblique de la tente qui s'étend (cf. Is 54,2) pour exprimer l'appel à être une communauté bien enracinée et donc capable de s'ouvrir. Les Assemblées continentales, sur la base de leurs différentes sensibilités, ont proposé d'autres images pour articuler la dimension de l'accueil qui fait partie de la mission de l'Église : l'Asie a offert l'image de la personne qui se déchausse pour franchir le seuil, en signe d'humilité pour se préparer à rencontrer l'autre et Dieu ; l'Océanie a proposé l'image de la barque ; l'Afrique a insisté sur l'image de l'Église comme famille de Dieu, capable d'offrir l'appartenance et l'accueil à tous ses membres, dans toute leur diversité.
Sous cette diversité d'images, nous pouvons déceler une unité de but : partout l'Église cherche comment renouveler sa mission d'être une communauté accueillante et hospitalière, de rencontrer le Christ dans ceux qu'elle accueille et d'être un signe de sa présence et une proclamation crédible de la vérité de l'Évangile dans la vie de tous. Il s'agit d'un besoin profond d'imiter le Maître et Seigneur également dans la capacité de vivre un paradoxe apparent : « proclamer avec audace son enseignement authentique tout en offrant un témoignage d’inclusion et d’acceptation radicales » (DEC 30).
Sur ce point, le chemin synodal a été l'occasion d'une confrontation profonde, avec humilité et sincérité. La surprise est de découvrir que la méthode synodale permet de placer les questions qui surgissent de cette confrontation dans la perspective de la mission, sans rester paralysé, nourrissant l'espoir que le Synode sera un catalyseur pour ce renouveau de la mission et aidera à guérir et renforcer les relations dans l'Église.
Le désir d’être capable d’accueillir vraiment tout le monde s’exprime de manière différente selon les contextes, avec des approches très différentes et parfois divergentes :
a) les documents finaux des assemblées continentales mentionnent souvent les groupes de personnes qui ne se sentent pas bien acceptés dans l'Église, comme étant les personnes divorcés et remariées,
les personnes polygames ou les personnes LGBTQ+ ;
b) ces documents notent également comment des formes de discrimination raciale, tribale, ethnique, de classe ou de caste, également présentes au sein du peuple de Dieu, conduisent certaines personnes à se sentir moins importantes ou moins bien accueillies au sein de la communauté ;
c) il existe de nombreux rapports sur la façon dont une variété d'obstacles, allant des obstacles pratiques aux préjugés culturels, génèrent des formes d'exclusion des personnes handicapées et doivent être surmontés ;
d) on s'inquiète également du fait que les pauvres, auxquels la Bonne Nouvelle s'adresse en premier lieu, sont trop souvent en marge des communautés chrétiennes (par exemple, les réfugiés, les migrants et les déplacés, les enfants des rues, les sans-abri, les victimes de la traite des êtres humains, etc)
e) enfin, les documents des Assemblées continentales notent qu'il est nécessaire de maintenir le lien entre la conversion synodale et la prise en charge des victimes et des personnes marginalisées dans l'Église ; en particulier, ils insistent beaucoup sur la nécessité d'apprendre à exercer la justice pour accueillir ceux et celles qui ont été blessés par des membres de l'Église, en particulier les victimes et les survivant(e)s de toutes les formes d'abus ;
f) l'écoute des voix les plus souvent négligées est indiquée comme le moyen de grandir dans l'amour et la justice dont témoigne l'Évangile.
Question de discernement
Quelles mesures une Église synodale peut-elle prendre pour imiter de plus en plus son Maître et Seigneur, qui marche avec tous dans un amour inconditionnel et qui proclame la plénitude de la vérité de l'Évangile ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Quelle est l'attitude avec laquelle nous abordons le monde ? Reconnaissons-nous ce qu'il a de bon et, en même temps, nous engageons-nous à dénoncer prophétiquement tout ce qui porte atteinte à la dignité des personnes, des communautés humaines et de la création ?
2) Comment pouvons-nous faire entendre une voix prophétique en découvrant les causes du mal sans fragmenter davantage nos communautés ? Comment pouvons-nous devenir une Église qui ne cache pas les conflits et qui n'a pas peur de préserver des espaces de désaccord ?
3) Comment pouvons-nous rétablir la proximité et l’attention aux relations comme noyau de la mission de l'Église, en marchant avec les personnes au lieu de parler d'elles ou de les haranguer sans les écouter ?
4) Dans la ligne de l'Exhortation Apostolique post-synodale Christus vivit, comment pouvons-nous cheminer ensemble avec les jeunes ? Comment une " option préférentielle pour les jeunes " peut-elle être au centre de nos stratégies pastorales dans une clé synodale ?
5) Comment pouvons-nous continuer à prendre des mesures concrètes pour rendre justice aux victimes et aux survivants d’abus sexuels, spirituels, économiques, de pouvoir et de conscience perpétrés par des personnes qui exerçaient un ministère ou une mission ecclésiale ?
6) Comment pouvons-nous créer des espaces dans lesquels les personnes qui se sentent blessées par l'Église et mal accueillies par la communauté peuvent se sentir reconnues, accueillies, non jugées et libres de poser des questions ? À la lumière de l'Exhortation Apostolique post-synodale Amoris laetitia, quelles mesures concrètes sont nécessaires pour atteindre les personnes qui se sentent exclues de l'Église en raison de leur affectivité et de leur sexualité (par exemple, les divorcés remariés, les personnes vivant dans des mariages polygames, les personnes LGBTQ+, etc.)
7) Comment pouvons-nous être plus ouverts et accueillants envers les migrants et les réfugiés, les minorités ethniques et culturelles, les communautés indigènes qui font depuis longtemps partie de l'Église mais qui sont souvent en marge ? Comment pouvons-nous témoigner que leur présence est un don ?
8) Quelles sont les barrières physiques et culturelles que nous devons supprimer pour que les personnes handicapées puissent se sentir membres à part entière de la communauté ?
9) Comment renforcer la contribution des personnes âgées à la vie de la communauté chrétienne et de la société ?
B 1.3 Comment une relation dynamique d'échange de dons entre Églises peut-elle se développer ?
La communion à laquelle l'Église est appelée est une relation dynamique d'échange de dons, témoignant d'une unité transcendante dans la diversité. La redécouverte de la richesse de la diversité et de la profondeur de notre interconnexion est l'un des dons les plus significatifs du chemin synodal jusqu'à présent. Cette diversité et cette interconnexion ne menacent pas l’unité, mais dessinent au contraire le contexte d'une réception plus profonde de notre unité fondée sur notre commune création, vocation et destinée.
Le processus synodal a été vécu de manière passionnée et vivante au niveau local de l'Église, en particulier lorsque des occasions de conversation dans l'Esprit ont eu lieu. Le DEC a cherché à mettre en évidence les différentes formes de cette vitalité tout en soulignant l'extraordinaire convergence sur les questions et les thèmes qui ont émergé dans les différents contextes. Au cours des Assemblées continentales, certains aspects de la vie de l'Église dans des contextes très différents ont donc été découverts comme un don précieux. En même temps, un rapport plus profond a été établi avec la diversité qui marque les différentes régions : différences entre les Églises d'un même continent, différences dans l'expression de la catholicité, dues notamment à la présence de communautés catholiques latines et orientales sur un même territoire, souvent à la suite de vagues migratoires et de la formation de communautés en diaspora. En réalité, comme l'a fait remarquer une assemblée continentale, nous avons vécus très concrètement comme des "communautés de communautés", notant les dons que nous recevons ainsi que les tensions qui peuvent en résulter.
Ces assemblées ont donné lieu à des observations partagées, voire à des demandes explicites :
a) il est souhaitable que les différentes traditions, issues de régions et d'Églises spécifiques, puissent être mieux entendues et reconnues dans un contexte de réflexion ecclésiologique et théologique souvent dominée par les voix latines/occidentales. La dignité du baptisé est reconnue comme un point clé pour tous dans de nombreux contextes ; de même, pour de nombreux membres des Églises catholiques orientales en particulier, le mystère pascal célébré dans les sacrements de l'initiation chrétienne reste au centre de la réflexion sur l'identité des chrétiens et de l'Église synodale ;
b) les Églises catholiques orientales ont une longue et remarquable expérience de la synodalité, partagée avec les Églises orthodoxes, une tradition à laquelle elles souhaitent que l'on prête attention dans les discussions et le discernement de ce processus synodal ;
c) de même, il existe des réalités spécifiques et particulières auxquelles les chrétiens orientaux de la diaspora sont confrontés dans de nouveaux contextes, avec leurs frères et sœurs orthodoxes. Il est souhaitable que les Églises orientales catholiques en diaspora puissent préserver leur identité et être reconnues comme étant plus que de simples communautés ethniques, c'est-à-dire comme des Églises sui iuris aux riches traditions spirituelles, théologiques et liturgiques qui contribuent à la mission de l'Église aujourd'hui, dans un contexte mondial.
Question de discernement
Comment chaque Église locale, sujet de la mission dans le contexte où elle vit, peut-elle valoriser, promouvoir et intégrer l'échange de dons avec les autres Églises locales, dans l'horizon de l'unique Église catholique ? Comment les Églises locales peuvent-elles contribuer à promouvoir la catholicité de l'Église dans une relation harmonieuse entre unité et diversité, en préservant la spécificité de chacune ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Comment faire prendre conscience que l'Église une et catholique est déjà, et depuis le début, porteuse d'une diversité riche et multiforme ?
2) Par quels gestes les différentes Églises locales pourraient-elles s'offrir mutuellement l'hospitalité afin de bénéficier d'un échange de dons ecclésiaux et de manifester la communion ecclésiale dans la liturgie, la spiritualité, la pastorale et la réflexion théologique ? En particulier, comment pouvons-nous activer un échange entre les expériences et les visions de la synodalité entre les Églises catholiques orientales et l'Église latine ?
3) Comment l'Église latine pourrait-elle développer une plus grande ouverture aux traditions spirituelles, théologiques et liturgiques des Églises catholiques orientales ?
4) Comment les Églises catholiques orientales en diaspora peuvent-elles préserver leur identité et être reconnues comme étant plus que de simples communautés ethniques ?
5) Certaines Églises vivent dans des situations très précaires. Comment les autres Églises peuvent-elles prendre en charge leurs souffrances et subvenir à leurs besoins, en mettant en pratique les enseignements de l'apôtre Paul, qui demandait aux communautés de Grèce de soutenir généreusement celle de Jérusalem : "Que votre abondance réponde à leur indigence, afin que leur abondance réponde aussi à votre indigence, et qu'il y ait égalité" (2 Co 8, 14) ? Quel rôle les institutions mondiales et celles du Saint-Siège dédiées au service de la charité peuvent-elles jouer à cet égard ?
6) Comment les contributions et les expériences des Églises locales peuvent-elles être prises en compte et valorisées dans l'élaboration du Magistère et des normes ecclésiastiques au niveau universel ?
7) Dans un monde de plus en plus globalisé et interconnecté, comment pouvons-nous développer le tissu des relations entre les Églises locales d'une même région mais aussi de différents continents ? Comment la mobilité humaine croissante et donc la présence de communautés de migrants peuvent-elles devenir une occasion de construire des liens entre les Églises et d'échanger des dons ? Comment gérer de manière constructive les tensions et les malentendus qui peuvent surgir entre fidèles de cultures et de traditions différentes ?
8) Comment les institutions mondiales de l'Église, à commencer par celles qui relèvent du Saint-Siège et des dicastères de la Curie romaine, peuvent-elles favoriser la circulation des dons entre les Églises ?
9) Comment rendre actif et fructueux l'échange d'expériences et de dons non seulement entre les différentes Églises locales, mais aussi entre les différentes vocations, charismes et spiritualités à l'intérieur du Peuple de Dieu : instituts de vie consacrée et sociétés de vie apostolique, associations et mouvements de laïcs, communautés nouvelles ? Comment assurer la participation des communautés de vie contemplative à ce mouvement ?
B 1.4 Comment une Église synodale peut-elle mieux remplir sa mission grâce à un engagement œcuménique renouvelé ?
« Le chemin de la synodalité que parcourt l'Église catholique est et doit être œcuménique, tout comme le chemin œcuménique est synodal »[12]. La synodalité est un défi commun qui concerne tous les croyants en Christ, tout comme l'œcuménisme est avant tout un chemin commun (syn-odos) parcouru ensemble avec d'autres chrétiens. La synodalité et l'œcuménisme sont deux chemins à parcourir ensemble, avec un objectif commun : un meilleur témoignage chrétien. Celui-ci peut prendre la forme d'une vie commune dans un "œcuménisme de la vie" à différents niveaux, y compris les mariages interconfessionnels, mais aussi de l'acte suprême de donner sa vie en témoignage de la foi au Christ dans l'œcuménisme du martyre.
L'engagement de construire une Église synodale a plusieurs implications œcuméniques :
a) dans l'unique baptême, tous les chrétiens participent au sensus fidei ou sens surnaturel de la foi (cf. LG 12), c'est pourquoi, dans une Église synodale, tous doivent être écoutés attentivement ;
b) le chemin œcuménique est un échange de dons, et l'un des dons que les catholiques peuvent recevoir d'autres chrétiens est précisément leur expérience synodale (cf. EG 246). La redécouverte de la synodalité comme dimension constitutive de l'Église est un fruit du dialogue œcuménique, en particulier avec les orthodoxes ;
c) le mouvement œcuménique est un laboratoire de la synodalité, en particulier la méthodologie du dialogue et de la recherche du consensus expérimentée à différents niveaux en son sein pourrait être une source d'inspiration ;
d) la synodalité fait partie de la "réforme continue" de l'Église, sachant que c'est surtout par sa réforme interne, dans laquelle la synodalité joue un rôle essentiel, que l'Église catholique se rapproche des autres chrétiens (cf. UR 4.6) ;
e) il existe une relation réciproque entre l'ordre synodal de l'Église catholique et la crédibilité de son engagement œcuménique ;
f) une certaine synodalité entre les Églises est vécue chaque fois que des chrétiens et chrétiennes de différentes traditions se réunissent au nom de Jésus-Christ pour une prière, une action et un témoignage communs, ou encore pour des rencontres régulières ou en envoyant des participants aux processus synodaux des autres.
Tous les documents finaux des Assemblées continentales soulignent l'étroite relation entre la synodalité et l'œcuménisme, et certains y consacrent des chapitres entiers. En effet, tant la synodalité que l'œcuménisme sont enracinés dans la dignité baptismale de tout le Peuple de Dieu. Ils invitent à un engagement renouvelé sur la base de la vision d'une Église synodale missionnaire. Ils sont des processus d'écoute et de dialogue et exhortent à grandir dans une communion qui n'est pas l'uniformité, mais l'unité dans la légitime diversité. Ils soulignent la nécessité d'un esprit de coresponsabilité, puisque nos décisions et nos actions à différents niveaux affectent tous les membres du corps du Christ. Enfin ce sont des processus spirituels de repentance, de pardon et de réconciliation dans un dialogue de conversion qui peut conduire à une guérison de la mémoire.
Question de discernement
Comment l'expérience et les fruits du chemin œcuménique peuvent-ils aider à construire une Église catholique plus synodale ? Comment la synodalité peut-elle aider l'Église catholique à mieux répondre à la prière de Jésus : « Que tous soient un... afin que le monde croie » (Jn 17,21) ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Ce Synode est une occasion d'apprendre des autres Églises et Communautés ecclésiales et de « récolter ce que l'Esprit a semé en elles comme un don pour nous aussi » (EG 246). Que peuvent (ré)apprendre les catholiques de l'expérience synodale des autres chrétiens et du mouvement œcuménique ?
2) Comment promouvoir la participation active de l'ensemble du peuple de Dieu au mouvement œcuménique ? En particulier, quelle peut être la contribution des personnes consacrées, des couples et des familles interconfessionnels, des jeunes, des mouvements ecclésiaux et des communautés œcuméniques ?
3) Dans quels domaines une guérison de la mémoire est-elle nécessaire en ce qui concerne les relations avec les autres Églises et Communautés ecclésiales ? Comment pouvons-nous construire ensemble une "nouvelle mémoire" ?
4) Comment améliorer notre collaboration avec les chrétiens de toutes les traditions ? Comment la commémoration commune du 1700e anniversaire du Concile de Nicée (325-2025) pourrait-elle constituer une opportunité à cet égard ?
5) « Le ministère épiscopal de l'unité est étroitement lié à la synodalité »[13]. Comment l'évêque, en tant que « principe visible et fondement de l'unité » (LG 23), est-il appelé à promouvoir l'œcuménisme de manière synodale dans son Église locale ?
6) Comment le processus synodal en cours peut-il contribuer à « trouver une forme d'exercice de la primauté qui, sans renoncer à l'essentiel de sa mission, soit ouverte à une situation nouvelle »[14] ?
7) Comment les Églises orientales catholiques peuvent-elles aider, soutenir et stimuler l'Église latine dans son engagement synodal et œcuménique commun ? Comment l'Église latine peut-elle soutenir et promouvoir l'identité des fidèles catholiques orientaux dans la diaspora ?
8) Comment la devise œcuménique du pape François « Marcher ensemble, travailler ensemble, prier ensemble »[15] peut-elle inspirer un engagement renouvelé en faveur de l'unité des chrétiens de manière synodale ?
B 1.5 Comment pouvons-nous reconnaître et intégrer la richesse des cultures, et développer le dialogue avec les religions à la lumière de l'Évangile ?
L'écoute des personnes nécessite de savoir écouter les cultures dans lesquelles elles s'inscrivent, sachant que toute culture est en constante évolution. Une Église synodale doit apprendre à articuler de mieux en mieux l'Évangile avec les cultures et les contextes locaux, par le discernement, en partant de la confiance que l'Esprit lui donne une telle ampleur qu'elle peut accueillir toute culture, sans exclusion. La preuve en est que les Églises locales sont déjà caractérisées par une grande diversité, ce qui est une bénédiction : en leur sein coexistent différentes nationalités et ethnies, des croyants et croyantes de traditions orientales et occidentales. Cette richesse n'est cependant pas toujours facile à vivre et peut devenir source de divisions et de conflits.
En outre, notre époque est marquée par l'omniprésence d'une nouvelle culture, celle des environnements numériques et des nouveaux médias. Comme le montre l'initiative du Synode numérique, l'Église y est déjà présente, notamment à travers l'action de nombreux chrétiens, dont beaucoup de jeunes. Ce qui manque encore, c'est une pleine conscience du potentiel que cet environnement offre pour l'évangélisation et une réflexion sur les défis qu'il pose, notamment en termes anthropologiques.
Des documents des Assemblées continentales émergent des tensions diverses qu’il s’agit de reconnaître et accueillir comme source de dynamisme plutôt que de se laisser écraser par elles :
a) la relation entre l'Évangile et les cultures locales, avec des expériences et des positions différentes. Certains considèrent l'adoption des traditions des Églises d'autres régions comme une forme de colonialisme. D'autres croient que l'Esprit agit dans chaque culture, la rendant capable d'exprimer les vérités de la foi chrétienne. D'autres encore estiment que les chrétiens ne peuvent pas adopter ou adapter des pratiques culturelles préchrétiennes ;
b) les relations entre le christianisme et les autres religions. À côté des expériences fructueuses de dialogue et d'engagement avec les croyants d'autres religions, apparaissent aussi des luttes et des limites, des signes de méfiance, des conflits religieux et même des persécutions, directes ou indirectes. L'Église souhaite construire des ponts pour la promotion de la paix, de la réconciliation, de la justice et de la liberté, mais il y a aussi des situations qui nous demandent de faire preuve d'une grande patience et d'espérer que les choses peuvent changer ;
c) la relation entre l'Église d'une part et la culture occidentale et les formes de colonisation culturelle d'autre part. Il existe dans le monde des forces qui s'opposent à la mission de l'Église, à commencer par des idéologies philosophiques, économiques et politiques fondées sur des présupposés qui s'opposent à la foi. Tout le monde ne perçoit pas ces tensions de la même manière, par exemple en ce qui concerne le phénomène de la sécularisation, que certains considèrent comme une menace et d'autres comme une opportunité. Cette tension est parfois interprétée de manière réductrice comme un affrontement entre ceux qui souhaitent le changement et ceux qui le craignent ;
d) le rapport entre les communautés indigènes et les modèles occidentaux d'action missionnaire. De nombreux missionnaires catholiques ont fait preuve d'un grand dévouement et d'une grande générosité dans le partage de leur foi, mais dans certains cas, leur action a entravé la possibilité pour les cultures locales d'offrir leur contribution originale à l'édification de l'Église ;
e) la relation entre la communauté chrétienne et les jeunes, dont beaucoup se sentent exclus par le langage adopté dans les milieux ecclésiastiques, qui leur est incompréhensible.
Ces tensions doivent d'abord être abordées par le discernement au niveau local, car il n'y a pas de recettes toutes faites. Les Assemblées continentales ont mis l'accent sur les dispositions personnelles et communautaires qui peuvent être utiles : une attitude d'humilité et de respect, la capacité d'écouter et de promouvoir une conversation authentique dans l'Esprit, la volonté de changer, d'embrasser la dynamique pascale de la mort et de la résurrection également en ce qui concerne les formes concrètes que prend la vie de l'Église, la formation au discernement culturel, à la confrontation des sensibilités et de la spiritualité, et à l'accompagnement des personnes issues de cultures différentes.
Question de discernement
De quelle manière pouvons-nous rendre l'annonce de l'Évangile communicable et perceptible dans les différents contextes et cultures, afin de favoriser la rencontre avec le Christ des hommes et des femmes de notre temps ? Quels liens pouvons-nous établir avec les croyants et croyantes d'autres religions, en développant une culture de la rencontre et du dialogue ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Avec quels outils les Églises locales lisent-elles et discernent-elles les cultures dans lesquelles elles sont insérées ? Comment peuvent-elles, à la lumière de l'Évangile, respecter et valoriser les cultures des différents contextes locaux ? Quelles occasions peuvent-elles créer pour relire de manière constructive les enseignements de l'Église à la lumière des cultures locales ?
2) Quels sont les espaces disponibles pour que les cultures minoritaires et migrantes puissent s'exprimer dans les églises locales ?
3) Divers diocèses, conférences épiscopales, assemblées continentales ont exprimé le désir de pouvoir réarticuler la vie communautaire et surtout la liturgie en fonction des cultures locales, dans un processus d'inculturation permanente. Quelle dynamique synodale pouvons-nous mettre en place pour répondre à ce désir ?
4) Comment promouvoir la formation au discernement culturel ? Comment encourager, éduquer et reconnaître les charismes et les vocations de "traducteurs" et « traductrices », c'est-à-dire de personnes à même d’aider à construire des ponts entre les religions, les cultures et les personnes ?
5) A quels gestes de réconciliation et de paix avec les autres religions nous sentons-nous appelés ? Comment gérer de manière constructive les préjugés, les tensions et les conflits ? Comment témoigner de l'Évangile dans les pays où l'Église est minoritaire, sans affaiblir le témoignage de la foi, mais aussi sans exposer à la légère les chrétiens aux menaces et à la persécution ?
6) Comment aborder de manière franche, prophétique et constructive les relations entre la culture occidentale et les autres cultures, y compris au sein de l'Église, en évitant les formes de néocolonialisme ?
7) Pour certains, la société sécularisée est une menace à laquelle il faut s'opposer, pour d'autres un fait qu'il faut accepter, pour d'autres encore une source d'inspiration et une opportunité. Comment les Églises peuvent-elles rester en dialogue avec le monde sans devenir mondaines ?
8) Comment créer des opportunités de discernement dans les environnements numériques ? Quelles formes de collaboration et quelles structures devons-nous créer au service de l'évangélisation dans un environnement qui dépasse la dimension territoriale ?
B 2. Co-responsables de la mission
Comment partager les dons et les charges au service de l'Évangile ?
B 2.1 Comment cheminer ensemble vers une conscience partagée du sens et du contenu de la mission ?
L'Église a pour mission d'annoncer l'Évangile et de rendre le Christ présent, par le don de l'Esprit. Cette tâche appartient à tous les baptisés (cf. EG 120) : la synodalité est constitutivement missionnaire et la mission elle-même est une action synodale. Nous sommes continuellement invités à grandir dans notre réponse à cet appel, en renouvelant la manière dont l'Église accomplit sa mission à la lumière de la synodalité. Dans les réflexions des Assemblées Continentales, cette mission articule une multiplicité de dimensions, à harmoniser et non à opposer les unes aux autres, dans la perspective intégrale promue par Evangelii nuntiandi et reprise par Evangelii gaudium. Par exemple :
a) un appel sincère au renouveau de la vie liturgique de l'Église locale en tant que lieu de proclamation par la Parole et les Sacrements, en mettant l'accent sur la qualité de la prédication et le langage propre de la liturgie. Cette dernière requiert un juste équilibre entre l'unité de l'Église, qui s'exprime aussi dans l'unité du rite, et les variétés légitimes, qu'une inculturation appropriée prend dûment en compte[16] ;
b) un vrai désir d'une Église pauvre et proche de ceux qui souffrent, capable d'évangéliser par l'exercice de la proximité et de la charité, sur les traces du Seigneur, et le témoignage d'un engagement qui va jusqu'au martyre : c'est la vocation "samaritaine" de l'Église. Les situations dans lesquelles l'Église cause des blessures et celles dans lesquelles elle en subit sont rappelées. Sans attention aux personnes concernées, ces situations deviennent des obstacles au témoignage de l'amour de Dieu et de la vérité de l'Évangile ;
c) une clé de l'opposition prophétique aux colonialismes nouveaux et destructeurs est l'ouverture de lieux de service gratuit, inspirés par l'imitation du Christ, qui est venu non pas pour être servi mais pour servir (cf. Mc 10,45). Ce sont des lieux où les besoins humains fondamentaux peuvent être satisfaits, où les gens se sentent accueillis et non jugés, libres de poser des questions sur les raisons de notre espérance (cf. 1P 3,15), libres de partir et de revenir. Pour une Église synodale, la mission consiste toujours à construire avec les autres, et pas seulement pour les autres ;
d) même dans l'environnement numérique, que l'Église découvre comme une opportunité d'évangélisation, la construction de réseaux de relations permet aux personnes qui le fréquentent, en particulier les jeunes, d'expérimenter de nouvelles manières de cheminer ensemble. L'initiative du Synode numérique attire l'attention de l'Église sur la réalité de la personne humaine en tant qu'être qui communique, même dans les circuits médiatiques qui façonnent notre monde contemporain.
Le désir de croître dans l'engagement missionnaire n'est pas entravé par la conscience des limites des communautés chrétiennes et la reconnaissance de leurs échecs ; au contraire, le mouvement de sortie de soi sous l'impulsion de la foi, de l'espérance et de la charité est une manière d'affronter cette incomplétude. À côté de l'affirmation de ce désir, les Assemblées continentales expriment aussi le manque de clarté et de compréhension commune du sens, de la portée et du contenu de la mission de l'Église, ainsi que le manque de critères pour articuler les impulsions à l'action dans les différentes directions. Cela entrave notre marche ensemble et nous divise ; d'où la demande d'une formation plus poussée et de lieux de confrontation et de dialogue, dans une dynamique synodale, entre les différentes perspectives, spiritualités et sensibilités qui font la richesse de l'Église.
Question de discernement
Dans quelle mesure l'Église est-elle préparée et équipée pour la mission de proclamer aujourd’hui l'Évangile avec conviction, liberté d'esprit et efficacité ? Comment la perspective d'une Église synodale transforme-t-elle la compréhension de la mission et permet-elle d'en articuler les différentes dimensions ? Comment l'expérience de la mission accomplie ensemble
enrichit-elle la compréhension de la synodalité ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) La vie liturgique de la communauté est la source de la mission. Comment soutenir son renouveau dans une perspective synodale de valorisation des ministères, des charismes et des vocations ? Comment faire en sorte que la liturgie soit aussi un espace d'accueil et de relation ?
2) Comment la prédication, la catéchèse et la pastorale peuvent-elles promouvoir une conscience partagée du sens et du contenu de la mission ? Et du fait qu'elle constitue un appel concret et efficace pour chaque baptisé ?
3) Les synthèses des Conférences épiscopales et des Assemblées continentales appellent fortement à une "option préférentielle" pour les jeunes et les familles, qui les reconnaisse comme sujets et non comme objets de la sollicitude pastorale. Comment ce renouveau synodal missionnaire de l'Église pourrait-il prendre forme, également à travers la mise en œuvre des conclusions des Synodes de 2014-2015 et de 2018 ?
4) Pour une grande partie du Peuple de Dieu, la mission s'accomplit en « s'occupant des choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu » (LG 31 ; cf. aussi AA 2). Comment faire prendre conscience que la profession, l'engagement social et politique, le bénévolat sont des domaines où s'exerce la mission ? Comment accompagner et soutenir ceux et celles qui accomplissent cette mission dans des environnements particulièrement hostiles et difficiles ?
5) La doctrine sociale de l'Église est souvent considérée comme un domaine réservé des experts et des théologiens, et perçue comme déconnectée de la vie quotidienne des communautés. Comment encourager sa réappropriation par le Peuple de Dieu, en tant que ressource pour la mission ?
6) L'environnement numérique façonne désormais la vie de la société. Comment l'Église peut-elle y accomplir sa mission de manière plus efficace ? Comment reconfigurer l'annonce, l'accompagnement et la prise en charge dans cet environnement ? Comment reconnaître de manière adéquate l'engagement missionnaire en son sein et proposer des parcours de formation adéquats à ceux et celles qui l'accomplissent ? Comment encourager l’engagement actif des jeunes, coresponsables de la mission de l'Église dans cet espace ?
7) Dans de nombreux domaines, l'accomplissement de la mission nous oblige à collaborer avec une pluralité de personnes et d'organisations d'inspirations différentes : fidèles d'autres Églises et Communautés ecclésiales, croyants et croyantes d'autres religions, femmes et hommes de bonne volonté. Qu'apprenons-nous en "marchant ensemble" avec eux ? Comment pouvons-nous nous former pour mieux le faire ?
B 2.2 Que faire pour qu'une Église synodale soit aussi une Église missionnaire « toute entière ministérielle » ?
Toutes les Assemblées continentales font référence aux ministères dans l'Église, souvent en des termes très précis. Le processus synodal restaure une vision positive des ministères, qui inscrit les ministères ordonnés dans le cadre plus large des ministères ecclésiaux, sans les mettre en opposition. Est mise en lumière une certaine forme d’urgence à discerner les charismes émergents et les formes appropriées d'exercice des ministères baptismaux (ministères institués, ministères extraordinaires et ministères reconnus de facto) au sein du Peuple de Dieu, participant à la fonction prophétique, sacerdotale et royale du Christ. Cette fiche se concentre sur ce dernier point, tandis que d'autres abordent la question de la relation avec les ministères ordonnés et les devoirs des évêques dans une Église synodale. En particulier :
a) il y a un appel clair à dépasser une vision qui réserve aux seuls ministres ordonnés (évêques, presbytres, diacres) toute fonction active dans l'Église, réduisant la participation des baptisés à une collaboration subordonnée. Sans relativiser l’importance du don du sacrement de l'ordre, les ministères sont compris à partir d'une conception ministérielle de toute l'Église. Une réception sereine du Concile Vatican II émerge, avec la reconnaissance de la dignité baptismale comme fondement de la participation de chacun à la vie de l'Église. La dignité baptismale est aisément reliée au sacerdoce commun comme fondement des ministères baptismaux. Et la relation intrinsèque entre le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel est réaffirmée ; ces deux types de ministères étant « ordonnés l'un à l'autre, puisque tous deux, chacun à sa manière, participent à l'unique sacerdoce du Christ » (LG 10) ;
b) on souligne que le lieu le plus propice pour rendre effective la participation de tous au Sacerdoce du Christ est l’Église locale, capable de valoriser le ministère ordonné dans sa particularité et de promouvoir en même temps les ministères baptismaux dans leur variété. C’est elle qui est appelée à discerner quels charismes et quels ministères sont utiles en vue du bien de tous dans un contexte social, culturel et ecclésial particulier. Il est nécessaire de donner un nouvel élan à la participation spéciale des laïcs à l'évangélisation dans les diverses sphères de la vie sociale, culturelle, économique et politique, ainsi que de renforcer la contribution des hommes et des femmes consacrés, avec leurs différents charismes, au sein de la vie de l'Église locale ;
c) l'expérience de cheminer ensemble dans l'Église locale permet d'imaginer de nouveaux ministères au service d'une Église synodale. Souvent, en se référant au texte, à la vision et au langage de LG 10-12, les Assemblées continentales demandent une plus grande reconnaissance des ministères baptismaux et la possibilité de les réaliser dans le registre de la subsidiarité entre les différents niveaux de l'Église. Dans cette ligne, beaucoup de ces questions pourraient être réfléchies dans le cadre d’un travail synodal plus approfondi au sein même des Églises locales. Sur la base du principe de la participation différenciée aux tria munera du Christ, il est plus facile de maintenir clairement la complémentarité entre le Sacerdoce commun et le Sacerdoce ministériel, en identifiant avec discernement les ministères baptismaux dont la communauté a besoin.
d) une Église « toute entière ministérielle » n'est pas nécessairement une Église où « tous les ministères sont institués ». Il existe légitimement de nombreux ministères qui découlent de la vocation baptismale : des ministères spontanés, certains ministères reconnus qui ne sont pas institués, et d'autres qui, grâce à l'institution, sont liés à une formation, une mission et une stabilité spécifiques. Grandir en tant qu'Église synodale implique un engagement à discerner ensemble quels ministères doivent être créés ou promus à la lumière des signes des temps, comme une réponse au service du monde.
Question de discernement
Comment, dans l'Église, pouvons-nous évoluer vers une coresponsabilité missionnaire réelle et efficace, en vue d’une pleine mise en œuvre des vocations, des charismes et des ministères de tous les baptisés ? Comment faire en sorte qu'une Église plus synodale soit aussi une « Église toute entière ministérielle » ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Comment la célébration du Baptême, de la Confirmation et de l'Eucharistie doit-elle être vécue pour être l'occasion de témoigner et de promouvoir la participation et la coresponsabilité de tous et toutes en tant que participants actifs à la vie et à la mission de l'Église ? Quels sont les chemins de formation à mettre en œuvre pour favoriser dans l'Église une compréhension de la ministérialité qui ne se réduise pas au ministère ordonné ?
2) Comment discerner dans une Église locale les ministères baptismaux, institués ou non, nécessaires à la mission ? Quels sont les espaces d'expérimentation au niveau local ? Quelle valeur attribuer à ces ministères ? A quelles conditions peuvent-ils être pris en charge par l'ensemble de l'Église ?
3) Que pouvons-nous apprendre des autres Églises et communautés ecclésiales en ce qui concerne la ministérialité et les ministères ?
4) La coresponsabilité se manifeste et se réalise avant tout dans la participation de tous à la mission. Comment valoriser l'apport spécifique des différents charismes et vocations (depuis ceux qui sont liés aux capacités et aux compétences, y compris professionnelles, des personnes, jusqu'à ceux qui inspirent les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, les mouvements, les associations, etc.) ?
5) Comment créer des espaces et des moments de participation effective à la coresponsabilité missionnaire pour les fidèles qui, pour diverses raisons, sont en marge de la vie communautaire, mais qui, selon la logique de l'Évangile, peuvent offrir une contribution irremplaçable (personnes âgées et malades, personnes handicapées, pauvres, personnes sans formation culturelle, etc.) ?
6) De nombreuses personnes vivent l'engagement pour la construction d'une société juste et pour le soin de la maison commune comme une réponse à une vocation authentique et comme un choix de vie, même au détriment d'alternatives professionnelles plus rémunératrices. Comment pouvons-nous penser à des formes de reconnaissance de cet engagement, de manière à faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'une option personnelle, mais d'une action qui rend tangible la préoccupation de l'Église ?
B 2.3 Comment l'Église de notre temps peut-elle mieux remplir sa mission en reconnaissant et en promouvant davantage la dignité baptismale des femmes ?
Par le Baptême, le chrétien ou la chrétienne entre dans un nouveau lien avec le Christ et, en Lui et par Lui, un lien avec tous les baptisés, avec tout le genre humain et toute la création. Fils et filles d'un même Père, oints d'un même Esprit, en vertu du partage d'un même lien avec le Christ, les baptisé(e)s sont donnés les uns aux autres comme membres d'un unique corps dans lequel ils et elles jouissent d'une égale dignité (cf. Ga 3,26-28). La phase d'écoute a réaffirmé la prise de conscience de cette réalité, en indiquant que celle-ci doit se traduire toujours plus concrètement dans la vie de l'Église, également à travers des relations mutuelles de réciprocité et de complémentarité entre les hommes et les femmes :
a) de manière unanime, même si les perspectives de chaque continent diffèrent, toutes les Assemblées continentales appellent à prêter attention à l'expérience, au statut et au rôle des femmes. Les Documents finaux ont salué la foi, la participation et le témoignage de tant de femmes à travers le monde, laïques et consacrées, en tant qu'évangélisatrices et souvent premières formatrices dans la foi, notant en particulier leur contribution à la "marge prophétique", dans les endroits périphériques et des dans des contextes sociaux difficiles ;
b) en outre, les Assemblées continentales appellent à une réflexion plus approfondie sur la réalité des échecs relationnels, qui sont aussi des échecs structurels affectant la vie des femmes dans l'Église, invitant à un processus de conversion permanente pour essayer de devenir plus pleinement ce que nous sommes déjà dans le Baptême. Les priorités pour l'Assemblée synodale comprennent la prise en compte des joies et des tensions, ainsi que les opportunités de conversion et de renouveau dans la manière dont nous vivons les relations entre hommes et femmes dans l'Église, ainsi que le concret des relations entre ministres ordonnés, hommes et les femmes consacrés, hommes et femmes laïcs ;
c) au cours de la première phase du Synode, les questions à propos de la participation des femmes, de leur reconnaissance, de la relation de soutien mutuel entre les hommes et les femmes et de la présence des femmes à des postes de responsabilité et de gouvernance sont apparues comme des éléments cruciaux dans la recherche d’une manière de vivre la mission de l'Église dans un style plus synodal. Les femmes qui ont participé à la première phase du synode ont clairement exprimé un désir : que la société et l'Église soient un lieu de croissance, de participation active et d'appartenance saine pour toutes les femmes. Celles-ci demandent à l'Église d'être à leurs côtés pour accompagner et promouvoir la réalisation de ce désir. Dans une Église qui se veut vraiment synodale, ces questions doivent être abordées ensemble. Des réponses concrètes doivent être élaborées ensemble pour une plus grande reconnaissance de la dignité baptismale des femmes et pour la lutte contre toutes les formes de discrimination et d'exclusion dont elles sont victimes dans la communauté ecclésiale et dans la société ;
d) enfin, les Assemblées continentales soulignent la pluralité des expériences, des points de vue et des perspectives des femmes et demandent que cette diversité soit intégrée dans les travaux de l'Assemblée synodale, en évitant de traiter les femmes comme un groupe homogène ou comme un sujet de discussion abstrait ou idéologique.
Question de discernement
Quelles mesures concrètes l'Église peut-elle prendre pour renouveler et réformer ses procédures, ses dispositifs institutionnels et ses structures afin de permettre une plus grande reconnaissance et participation des femmes, y compris dans la gouvernance, les processus décisionnels et la prise de décision, dans un esprit de communion et en vue de la mission ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Les femmes jouent un rôle majeur dans la transmission de la foi, dans les familles, dans les paroisses, dans la vie consacrée, dans les associations et les mouvements, dans les institutions laïques, comme enseignantes et catéchistes. Comment reconnaître, soutenir, accompagner leur contribution déjà considérable ? Comment mettre en valeur cette contribution afin que l’Église apprenne à être de plus en plus synodale ?
2) Les femmes déploient déjà leurs charismes dans l'Église d'aujourd'hui. Que pouvons-nous faire pour contribuer au discernement et au soutien de ces charismes et apprendre ce que l'Esprit veut nous enseigner à travers eux ?
3) Toutes les assemblées continentales appellent à aborder la question de la participation des femmes à la gouvernance, à la prise de décision, à la mission et aux ministères à tous les niveaux de l'Église, avec le soutien de structures appropriées afin que cela ne reste pas une simple aspiration générale.
a) Comment les femmes peuvent-elles être incluses dans chacun de ces domaines en plus grand nombre et selon de nouvelles modalités ?
b) Comment, dans la vie consacrée, les femmes peuvent-elles être mieux représentées dans les processus de gouvernance et de prise de décision, mieux protégées contre les abus et mieux rémunérées pour leur travail ?
c) Comment les femmes peuvent-elles contribuer à la gouvernance, en aidant à promouvoir une plus grande responsabilité et une plus grande transparence, et à renforcer la confiance dans l'Église ?
d) Comment approfondir la réflexion sur la contribution des femmes à la réflexion théologique et à l'accompagnement des communautés ? Comment donner un espace et une reconnaissance à cette contribution dans les processus formels de discernement à tous les niveaux de l'Église ?
e) Quels nouveaux ministères pourraient être créés afin de fournir des moyens et des opportunités pour une participation effective des femmes dans les organes de discernement et de prise de décision ? Comment accroître la coresponsabilité dans les processus décisionnels dans les périphéries et dans les contextes sociaux difficiles, où les femmes sont souvent les principales agentes de la pastorale et de l'évangélisation ? Les contributions reçues au cours de la première phase font état de tensions existantes avec les ministres ordonnés en l'absence de dynamiques de coresponsabilité et de processus décisionnels partagés.
4) La plupart des Assemblées continentales ainsi que les synthèses de nombreuses Conférences épiscopales demandent que la question de l'accès des femmes au diaconat soit réexaminée. Peut-on l'envisager et comment ?
5) Comment les hommes et les femmes peuvent-ils mieux coopérer dans l'exercice du ministère pastoral et des responsabilités qui s'y rattachent ?
B 2.4 Comment les ministères ordonnés, dans leur relation avec les ministères baptismaux, peuvent-ils être valorisés dans une perspective missionnaire ?
Les documents finaux des Assemblées Continentales expriment un fort désir d'aborder la réflexion sur la relation entre les ministères ordonnés et les ministères baptismaux, en soulignant la difficulté de le faire dans la vie ordinaire des communautés. Le processus synodal offre une occasion précieuse de se concentrer, à la lumière de l'enseignement de Vatican II, sur la corrélation entre la richesse des vocations, des charismes et des ministères enracinés dans le baptême, d'une part, et les ministère ordonnés, d'autre part. Ces derniers sont considérés comme un don et une charge nécessaire au service du Peuple de Dieu. En particulier :
a) dans la perspective tracée par le Concile Vatican II, la relation nécessaire entre le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel est réaffirmée. Entre les deux, il n'y a pas d'opposition ou de concurrence, ni de place pour des revendications catégorielles : ce qui est demandé, c'est que leur complémentarité soit reconnue ;
b) les Assemblées continentales expriment une claire appréciation du don du sacerdoce ministériel et, en même temps, un profond désir de le renouveler dans une perspective synodale. Elles soulignent la difficulté d'impliquer une partie des prêtres dans le processus synodal. Elles notent l'inquiétude généralisée face à un exercice du ministère ordonné qui n'est pas adapté aux défis de notre temps, loin de la vie et des besoins du peuple, souvent confiné à la seule sphère liturgico-sacramentelle. Ils s'inquiètent également de la solitude dans laquelle vivent de nombreux prêtres et soulignent leur besoin d'attention, d'amitié et de soutien ;
c) le Concile Vatican II enseigne que « le ministère ecclésiastique d'institution divine est exercé dans différents ordres, par ceux qui sont déjà anciennement appelés évêques, prêtres, diacres » (LG 28). Les Assemblées continentales demandent que les ministères ordonnés, dans la diversité des tâches, soit pour tous un témoignage vivant de communion et de service dans la logique de la gratuité évangélique. Elles expriment également le désir que les évêques, les prêtres et les diacres exercent leur ministère dans un style synodal, pour reconnaître et valoriser les dons et les charismes présents dans la communauté, pour encourager et accompagner les processus de prise en charge communautaire de la mission, pour garantir des décisions conformes à l'Évangile et à l'écoute de l'Esprit Saint. Un renouvellement des programmes des séminaires est également nécessaire, afin qu'ils soient plus orientés vers la synodalité et plus en contact avec l'ensemble du Peuple de Dieu ;
d) en relation avec cette conception du ministère ordonné au service de la vie baptismale, on souligne que le cléricalisme est une force qui isole, sépare et affaiblit une Église saine et entièrement ministérielle. On indique que la formation est le moyen privilégié pour le surmonter efficacement. On souligne également que le cléricalisme n'est pas la prérogative des seuls ministres ordonnés, mais qu'il est présent de différentes manières parmi toutes les composantes du Peuple de Dieu ;
e) dans de nombreuses régions, la confiance dans les ministres ordonnés, les responsables de charges ecclésiales, les institutions ecclésiales et l'Église dans son ensemble est minée par les conséquences du « scandale des abus commis par des membres du clergé ou par des personnes exerçant une charge ecclésiale (…) avant tout d’abus sur des mineurs et des personnes vulnérables, mais aussi d'abus d'autres types (spirituels, sexuels, économiques, d'autorité, de conscience). Il s'agit d'une plaie ouverte, qui continue d’infliger des souffrances aux victimes et aux survivants, à leurs familles et aux communautés » (DEC 20).
Question de discernement
Comment promouvoir dans l'Église une mentalité et des formes concrètes de coresponsabilité dans lesquelles la relation entre les ministères baptismaux et les ministères ordonnés est fructueuse ? Si l'Église est toute entière ministérielle, comment comprendre les dons spécifiques des ministres ordonnés au sein de l'unique peuple de Dieu dans une perspective missionnaire ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Quelle relation le ministère des prêtres, « consacrés à prêcher l'Évangile, à paître les fidèles et à célébrer le culte divin » (LG 28) a-t-il avec les ministères baptismaux ? Quelle relation la triple fonction des ministres ordonnés a-t-elle avec l'Église en tant que peuple prophétique, sacerdotal et royal ?
2) Dans l'Église locale, les prêtres « constituent avec leur évêque un seul presbyterium » (LG 28). Comment cette unité entre l'évêque et son presbyterium peut-elle se développer pour un service plus efficace du peuple de Dieu confié à l'évêque ?
3) L'Église est enrichie par le ministère de tant de prêtres qui appartiennent à des Instituts de vie consacrée et à des Sociétés de vie apostolique. Comment leur ministère, caractérisé par le charisme de l'Institut auquel ils appartiennent, peut-il promouvoir une Église plus synodale ?
4) Comment comprendre le ministère du diacre permanent au sein d'une Église synodale missionnaire ?
5) Quelles peuvent être les lignes directrices d'une réforme des programmes de formation dans les séminaires et les facultés de théologie en accord avec la figure synodale de l'Église ? Comment la formation des prêtres peut-elle les mettre en relation plus étroite avec les processus pastoraux et la vie de la portion du peuple de Dieu qu'ils sont appelés à servir ?
6) Quels sont les parcours de formation à mettre en œuvre pour favoriser dans l'Église une compréhension de la ministérialité qui ne se réduise pas aux ministères ordonnés, mais qui en même temps l'enrichisse ?
7) Comment discerner ensemble les manières dont le cléricalisme, des ministres ordonnés et des laïcs, empêche la pleine expression de la vocation des ministères ordonnés dans l'Église, ainsi que des autres membres du Peuple de Dieu ? Comment pouvons-nous trouver des moyens de le surmonter ensemble ?
8) Est-il possible, en particulier dans les endroits où le nombre de ministres ordonnés est très faible, que des laïcs assument le rôle de responsables de communautés ? Quelles implications cela a-t-il sur la compréhension du ministère ordonné ?
9) Est-il possible, comme le proposent certains continents, d'ouvrir une réflexion sur la possibilité de revoir, au moins dans certains domaines, la discipline sur l'accès au presbytérat d’hommes mariés ?
10) Comment une conception du ministère ordonné et une formation des candidats plus enracinées dans la vision de l'Église synodale missionnaire peuvent-elles contribuer aux efforts visant à prévenir la répétition des abus sexuels et autres ?
B 2.5 Comment renouveler et promouvoir le ministère de l'évêque dans une perspective synodale missionnaire ?
Le ministère de l'évêque est enraciné dans l'Écriture et développé dans la Tradition en fidélité à la volonté du Christ. Fidèle à cette Tradition, le Concile Vatican II a proposé une doctrine très riche sur les évêques, « successeurs des Apôtres qui, avec le successeur de Pierre, vicaire du Christ [38], et chef visible de toute l’Église, ont la charge de diriger la maison du Dieu vivant (LG 18). Le chapitre de Lumen Gentium sur la constitution hiérarchique de l'Église affirme le caractère sacramentel de l'épiscopat et développe sur cette base le thème de la collégialité (LG 22-23) et du ministère épiscopal comme exercice des trois fonctions (tria munera, LG 24-27). Le Synode des évêques a ensuite été établi comme un organe permettant aux évêques de participer, avec l'évêque de Rome, au souci de l'Église tout entière. L'invitation à vivre plus intensément la dimension synodale demande un renouvellement profond du ministère épiscopal, afin de l'inscrire plus solidement dans un cadre synodal. En particulier :
a) le Collège des évêques est le sujet « du pouvoir suprême et plénier sur toute l'Église » (LG 22), avec le Pontife romain qui en est son chef et jamais sans lui. Il participe au processus synodal aussi bien lorsque chaque évêque initie, guide et conclut la consultation du Peuple de Dieu qui lui est confiée que lorsque les évêques réunis ensemble exercent conjointement le charisme du discernement, dans les Synodes ou Conseils des Hiérarques des Églises orientales catholiques, dans les Conférences épiscopales, dans les Assemblées continentales et, sous une forme particulière, dans l'Assemblée synodale ;
b) aux évêques, successeurs des Apôtres, qui ont reçu « le ministère de la communauté [...] [et] président au nom de Dieu le troupeau dont ils sont les pasteurs » (LG 20), le processus synodal demande de vivre une confiance radicale dans l'action de l'Esprit dans leurs communautés, sans considérer la participation de tous comme une menace pour leur ministère de gouvernement. Au contraire, il les exhorte à être un principe d'unité dans leur Église, en appelant tout le monde (prêtres et diacres, hommes et femmes consacrés, fidèles laïcs) à marcher ensemble comme le Peuple de Dieu, et en promouvant un style d'Église synodale ;
c) la consultation du Peuple de Dieu a mis en évidence le fait que devenir une Église plus synodale implique également une plus grande participation de tous au discernement, ce qui nécessite de repenser les processus de prise de décision. Par conséquent, il y a une demande pour des structures de gouvernance adéquates, inspirées par une plus grande transparence et une plus grande responsabilité, ce qui affecte également la manière dont le ministère de l'évêque est exercé. Cela suscite également des résistances, des craintes ou un sentiment de désorientation. En particulier, alors que certains appellent à une plus grande implication de tous les fidèles et donc à un exercice "moins exclusif" du rôle des évêques. D'autres expriment des doutes et craignent le risque d'une dérive inspirée par les mécanismes de la démocratie politique ;
d) tout aussi forte est la conscience que toute autorité dans l'Église procède du Christ et est guidée par l'Esprit Saint. La diversité des charismes sans autorité devient anarchie, de même que la rigueur de l'autorité sans la richesse des charismes, des ministères et des vocations devient dictature. L'Église est à la fois synodale et hiérarchique. C'est pourquoi l'exercice synodal de l'autorité épiscopale accompagne et sauvegarde l'unité. La manière de réaliser cette nouvelle compréhension du ministère épiscopal est la pratique de la synodalité, qui compose dans l'unité les différences de dons, de charismes, de ministères et de vocations que l'Esprit suscite dans l'Église ;
e) procéder au renouvellement du ministère épiscopal au sein d'une Église plus pleinement synodale exige des changements culturels et structurels, beaucoup de confiance mutuelle et surtout la confiance dans l’action du Seigneur. C'est pourquoi beaucoup espèrent que la dynamique de la conversation dans l'Esprit puisse entrer dans la vie quotidienne de l'Église et animer les réunions, les conseils, les organes de décision, en favorisant la construction d'un sens de confiance mutuelle et la formation d'un consensus efficace ;
f) le ministère de l'évêque comprend aussi l'appartenance au Collège des évêques et par conséquent l'exercice de la coresponsabilité pour l'Église universelle. Cet exercice s'inscrit également dans la perspective de l'Église synodale, « dans l'esprit d'une "saine décentralisation" », afin de « laisser à la compétence des pasteurs la faculté de résoudre, dans l'exercice de "leur tâche propre d'enseignants" et de pasteurs, les questions qu'ils connaissent bien et qui ne touchent pas à l'unité de la doctrine, de la discipline et de la communion de l'Église, en agissant toujours avec cette coresponsabilité qui est le fruit et l'expression de ce mysterium communionis spécifique qu'est l'Église » (EP II, 2 ; cf. EG 16 ; DV 7) .
Question de discernement
Comment comprendre la vocation et la mission de l'évêque dans une perspective missionnaire synodale ? Quel renouvellement de la vision et quelles formes d'exercice concret du ministère épiscopal sont nécessaires dans une Église synodale caractérisée par la coresponsabilité ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) « Les évêques, d'une manière éminente et visible, jouent le rôle du Christ lui-même, maître, pasteur et prêtre » (LG 21). Quel rapport ce ministère entretient-il avec celui des prêtres, « consacrés à la prédication de l'Évangile, à la pastorale des fidèles et à la célébration du culte divin » (LG 28) ? Quelle relation cette triple fonction des ministres ordonnés entretient-elle avec l'Église en tant que peuple prophétique, sacerdotal et royal ?
2) Comment l'exercice du ministère épiscopal sollicite-t-il la consultation, la collaboration et la participation aux processus décisionnels du peuple de Dieu ?
3) Selon quels critères un évêque peut-il être évalué et s’auto-évaluer concernant la manière dont il accomplit son service dans un style synodal ?
4) Dans quels cas un évêque pourrait-il se sentir obligé de prendre une décision qui diffère de l'avis réfléchi offert par les organes consultatifs ? Quel serait le fondement d'une telle obligation ?
5) Quelle est la nature de la relation entre le sensus fidei, « sens surnaturel de la foi » (LG 12) et le service magistériel de l'évêque ? Comment pouvons-nous mieux comprendre et articuler la relation entre l'Église synodale et le ministère de l'évêque ? Les évêques devraient-ils discerner ensemble ou séparément des autres membres du peuple de Dieu ? Les deux options (ensemble et séparément) ont-elles leur place dans une Église synodale ?
6) Comment assurer le soin et l'équilibre des trois fonctions (sanctifier, enseigner, gouverner) dans la vie et le ministère de l'évêque ? Dans quelle mesure les modèles actuels de vie et de ministère épiscopaux permettent-ils à l'évêque d'être une personne de prière, un enseignant de la foi et un administrateur sage et efficace, et de maintenir ces trois rôles dans une tension créative et missionnaire ? Comment réviser le profil de l'évêque et le processus de discernement pour identifier les candidats à l'épiscopat dans une perspective synodale ?
7) Comment le rôle de l'évêque de Rome et l'exercice de la primauté doivent-ils évoluer dans une Église synodale ?
B 3. Participation, gouvernance et autorité
Quels processus, structures et institutions dans une Église synodale missionnaire ?
B 3.1 Comment renouveler le service de l'autorité et l'exercice de la responsabilité dans une Église synodale missionnaire ?
Une Église constitutivement synodale est appelée à articuler le droit de tous à participer à la vie et à la mission de l'Église en vertu de leur baptême avec le service de l'autorité et l'exercice de la responsabilité qui, sous diverses formes, est confiée à certains. Le chemin synodal est l'occasion de discerner quels sont les moyens appropriés à notre temps pour réaliser cette articulation. La première phase a permis de recueillir quelques indications à ce sujet :
a) l’exercice de l’autorité, de la responsabilité et de la gouvernance - parfois désignés synthétiquement par le terme anglais de leadership - prennent des formes diverses dans l'Église. La notion d’autorité dans la vie consacrée, dans les mouvements et les associations, dans les institutions liées à l'Église (comme les universités, les fondations, les écoles, etc.) est différente de celle qui découle du sacrement de l'Ordre ; de même que l'autorité spirituelle liée à un charisme est différente de celle liée au service ministériel. Les différences entre ces formes d’autorité doivent être sauvegardées, sans oublier leur trait commun qui est d'être un service dans l'Église ;
b) en particulier, toutes ces formes d’autorité partagent le même appel à se conformer à l'exemple du Maître, qui a dit de lui-même : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22,27). « Pour les disciples de Jésus, hier, aujourd'hui et toujours, la seule autorité est l'autorité du service"[17]. Telles sont les composantes fondamentales à intégrer pour grandir dans l'exercice de l'autorité et de la responsabilité, sous toutes leurs formes et à tous les niveaux de la vie de l'Église. C'est la perspective de cette conversion missionnaire « destinée à renouveler l'Église à l'image de la mission d'amour du Christ lui-même » (PE I, 2) ;
c) dans cette ligne, les documents de la première phase expriment certaines caractéristiques de l'exercice de l'autorité et de la responsabilité dans une Église synodale missionnaire : une attitude de service et non de pouvoir ou de contrôle, la transparence, l'encouragement et le développement des personnes, la compétence et la capacité de vision, le discernement, l'inclusion, la collaboration et la délégation. Par-dessus tout, l'attitude d’écoute et la volonté d'écouter sont mises en avant. C'est pourquoi une formation spécifique à ces compétences est nécessaire pour celles et ceux qui occupent des postes de responsabilité et d'autorité est soulignée, ainsi que la mise en œuvre de procédures de sélection plus participatives, en particulier en ce qui concerne les nominations d’évêques ;
d) L’optique de la transparence et de la redevabilité (capacité à rendre compte) est fondamentale pour un exercice authentiquement évangélique de l'autorité et de la responsabilité. Cependant, elle suscite aussi des craintes et des résistances. C'est pourquoi il est important de prendre en compte sérieusement, avec un esprit de discernement, les découvertes les plus récentes des sciences de la gestion et du leadership. En outre, la conversation dans l'Esprit est indiquée comme une manière de générer des processus de prise de décision et d’élaboration de consensus capables d’engendrer la confiance et de favoriser un exercice juste de l'autorité selon la perspective de l’Église synodale ;
e) Les Assemblées continentales signalent également des phénomènes d'appropriation du pouvoir et des processus de décision par certaines personnes en position d'autorité et de responsabilité. Elles associent à ces phénomènes à la culture du cléricalisme et aux différentes formes d'abus (sexuels, financiers, spirituels et de pouvoir), qui érodent la crédibilité de l'Église et compromettent la fécondité de sa mission, en particulier dans les cultures où le respect de l'autorité est une valeur importante.
Question de discernement
Comment l’autorité et la responsabilité peuvent-elles être comprises et exercées au service de la participation de l'ensemble du peuple de Dieu ? Quel renouvellement de la compréhension et des formes concrètes d'exercice de l'autorité, de la responsabilité et de la gouvernance est-il nécessaire pour grandir en tant qu'Église synodale missionnaire ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) L'enseignement du Concile Vatican II sur la participation de tous à la vie et à la mission de l'Église est-il effectivement incorporé dans la conscience et la pratique des Églises locales, en particulier de la part des pasteurs et de ceux qui exercent des responsabilités ? Qu'est-ce qui pourrait favoriser une prise de conscience et une intégration plus profonde de cet enseignement dans la manière d’accomplir la mission de l'Église ?
2) Dans l'Église, il existe des rôles d'autorité et de responsabilité qui ne sont pas liés au sacrement de l'Ordre, comme ceux qui sont exercés au service de la communion et de la mission dans les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique, dans les associations et les groupes de laïcs, dans les mouvements ecclésiaux et les communautés nouvelles, etc. Comment promouvoir l'exercice de ces styles d'autorité accordés à une Église synodale et comment vivre dans ces lieux la relation avec l'autorité des pasteurs due à leur ministère propre ?
3) Quels sont les éléments qui devraient faire partie intégrante de la formation à l'autorité de tous les responsables d'Église ? Comment encourager la formation à la conversation dans l'Esprit et sa mise en œuvre authentique et déterminante ?
4) Quelles peuvent être les propositions de réforme des séminaires et des maisons de formation, afin qu'ils puissent être des lieux préparant les candidats au ministère ordonné à grandir dans un style d'exercice de l'autorité propre à une Église synodale ? Comment repenser la Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis et ses documents d'application au niveau national ? Comment repenser en ce sens les cursus des facultés de théologie ?
5) Quelles sont les formes de cléricalisme qui persistent dans la communauté chrétienne ? Il existe encore une perception de distance entre les fidèles laïcs et les pasteurs : qu'est-ce qui peut aider à surmonter cette distance ? Quelles sont les formes d'exercice de l'autorité et de la responsabilité qui doivent être abandonnées car elles ne conviennent pas à la réalité d’une Église constitutivement synodale ?
6) Dans quelle mesure le manque de prêtres dans certaines régions incite-t-il à s'interroger sur la relation entre le ministère ordonné, la gouvernance et la prise de responsabilité dans la communauté chrétienne ?
7) Que pouvons-nous apprendre des autres Églises et Communautés ecclésiales concernant l'exercice de l'autorité et de la responsabilité ?
8) À chaque époque, l'exercice de l'autorité et de la responsabilité dans l'Église est influencé par les modèles d’exercice du pouvoir et images mondaines de la gestion du pouvoir prévalant dans la société. Comment pouvons-nous en prendre conscience et exercer un discernement évangélique par rapport à ces pratiques dominantes de l'exercice de l'autorité, dans l'Église et dans la société ?
B 3.2 Comment pouvons-nous faire évoluer les pratiques de discernement et les processus de prise de décision d'une manière authentiquement synodale, en renforçant le rôle moteur de l'Esprit ?
En tant qu'Église synodale, nous sommes appelés à discerner ensemble les étapes à franchir pour remplir la mission d'évangélisation, en mettant l’accent sur le droit de tous à participer à la vie et à la mission de l'Église et en insistant sur la contribution irremplaçable de chaque personne baptisée. À la base de tout discernement, il y a le désir de faire la volonté du Seigneur et de grandir dans la familiarité avec Lui par la prière, la méditation de la Parole et la vie sacramentelle, ce qui nous permet de choisir sa manière de faire à Lui. A propos de la place du discernement dans une Église synodale missionnaire, on relève que :
a) les Assemblées continentales ont exprimé un désir de processus décisionnels plus partagés, capables d'intégrer la contribution de l'ensemble du Peuple de Dieu, mais aussi l'expertise de certains, avec aussi le souci d'impliquer ceux qui, pour diverses raisons, restent en marge de la vie communautaire, comme les femmes, les jeunes, les minorités, les pauvres et les exclus. L’expression de ce désir accompagne celle d'une insatisfaction à l'égard des formes d'exercice de l'autorité dans l
esquelles les décisions sont prises sans consultation ;
b) les Assemblées continentales relèvent aussi craintes que certains expriment parce qu’ils voient une concurrence entre les dimensions synodale et hiérarchique, toutes deux constitutives de l'Église. Cependant, des signes contraires apparaissent également. Un premier exemple regarde l'expérience de l’exercice de l'autorité quand celle-ci prend des décisions dans le cadre de processus synodaux, on voit alors que la communauté est plus facilement en mesure de reconnaître leur légitimité et de les accueillir. Un deuxième exemple concerne la prise de conscience que l'absence d'échange avec la communauté affaiblit le rôle de l'autorité, la confinant parfois à un exercice d'affirmation de pouvoir. Un troisième exemple concret est l’expérience concrètes des responsabilités ecclésiales confiées à des fidèles laïcs exercées de manière constructive et sans opposition, dans des régions où le nombre de ministres ordonnés est très faible ;
c) l'adoption généralisée de la méthode de la conversation dans l'Esprit pendant la phase de consultation a permis à de nombreuses personnes d'expérimenter certains éléments d'un processus de discernement en commun et d’élaboration d'un consensus participatif, sans dissimuler les conflits ni créer de polarisations ;
d) ceux qui assument des rôles de gouvernance et de responsabilité sont appelés à susciter, faciliter et accompagner des processus de discernement en commun qui incluent l'écoute du Peuple de Dieu. En particulier, l'autorité épiscopale est responsable d'un service fondamental d'animation et de validation du caractère synodal de ces processus et de confirmation de la fidélité des conclusions à ce qui est apparu au cours du processus. En particulier, il revient aux pasteurs de vérifier la consonance entre les aspirations de leurs communautés et le « dépôt sacré de la Parole de Dieu confié à l'Église » (DV 10), consonance qui permet de considérer ces aspirations comme l'expression authentique du sens de la foi du Peuple de Dieu ;
e) la perspective du discernement en commun interpelle l'Église à tous les niveaux et dans toutes ses articulations et formes d'organisation. Cet enjeu du discernement concerne aussi bien les structures paroissiales et diocésaines, que les processus de décision dans les associations, les mouvements et les regroupements de laïcs, là aussi où des mécanismes institutionnels recourent couramment à des modalités qui font appel au vote. Elle met en cause la manière dont les organes de décision des institutions liées à l'Église (écoles, universités, fondations, hôpitaux, centres d'accueil et d'action sociale...) identifient et formulent des orientations opérationnelles. Enfin, elle interpelle les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique en croisant les particularités de leurs charismes et de leur droit propre (cf. DEC 81) ;
f) l'adoption de processus décisionnels faisant un usage stable du discernement communautaire nécessite une conversion personnelle, communautaire, culturelle et institutionnelle, ainsi qu'un investissement dans la formation.
Question de discernement
Comment pouvons-nous envisager des processus de décision plus participatifs, qui laissent place à l'écoute et au discernement en commun, promus par l'autorité qui a reçu la charge de servir l'unité ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Quelle est la place de l'écoute de la Parole de Dieu dans nos processus de décision ? Comment faire place au rôle moteur de l'Esprit Saint de manière concrète et non pas seulement en paroles ?
2) Comment la conversation dans l'Esprit, qui ouvre le dynamisme du discernement en commun, peut-elle contribuer au renouvellement des processus de décision dans l'Église ? Comment peut-elle être "institutionnalisée" et devenir une pratique ordinaire ? Quels sont les changements à apporter au droit canonique ?
3) Comment promouvoir le ministère d'animateur des processus de discernement en commun, en veillant à ce que ceux qui l'exercent reçoivent une formation et un accompagnement adéquats ? Comment former les ministres ordonnés à l'accompagnement des processus de discernement en commun ?
4) Comment favoriser la participation des femmes, des jeunes, des minorités et des voix marginales aux processus de discernement et de prise de décision ?
5) Comment une articulation plus claire entre l'ensemble du processus décisionnel et le moment spécifique de la prise de décision peut-elle nous aider à mieux identifier la responsabilité des différents acteurs à chaque étape ? Comment comprendre la relation entre la prise de décision et le discernement en commun ?
6) Comment les hommes et les femmes consacrés peuvent-ils et doivent-ils participer aux processus décisionnels des Églises locales ? Que pouvons-nous apprendre de leur expérience et de leurs différentes spiritualités en matière de discernement et de processus de décision ? Que pouvons-nous apprendre des associations, des mouvements et des regroupements de laïcs ?
7) Comment traiter de manière constructive les cas où l'autorité estime ne pas pouvoir confirmer les conclusions d'un processus de discernement communautaire et prend une décision dans un sens différent ? Quel type d’explications cette autorité devrait-elle offrir à ceux qui ont participé au processus ?
8) Que pouvons-nous apprendre de la société et de la culture en termes de gestion des processus participatifs ? Quels sont les modèles qui, au contraire, peuvent s'avérer un obstacle à la construction d'une Église plus synodale ?
9) Quel apport pouvons-nous recevoir de l'expérience d'autres Églises et Communautés ecclésiales ? Et de celle d'autres religions ? Quelles pratiques issues des cultures indigènes, minoritaires et opprimées peuvent nous aider à repenser nos processus de prise de décision ? Quels enseignements pouvons-nous tirer des expériences qui se déroulent dans l'environnement numérique ?
B 3.3. Quelles structures peuvent être développées pour consolider une Église synodale missionnaire ?
Les Assemblées continentales expriment avec force le désir que la manière synodale de procéder, expérimentée dans le cheminement actuel, entre dans la vie quotidienne de l'Église à tous les niveaux, soit par un renouvellement des structures existantes - à commencer par les Conseils pastoraux diocésains et paroissiaux, les Conseils pour les affaires économiques, les Synodes diocésains ou éparchiaux - ou soit par la création de nouvelles structures. Sans minimiser l'importance du renouvellement des relations au sein du Peuple de Dieu, le travail sur les structures est indispensable pour inscrire les changements dans le temps. En particulier :
a) afin que ces changements ne pas restent pas seulement sur le papier ou dépendent de la seule bonne volonté des individus, la coresponsabilité dans la mission qui découle du baptême doit se concrétiser dans des formes de structures. Des cadres institutionnels adéquats sont donc nécessaires, ainsi que des espaces dans lesquels le discernement en commun peut être pratiqué de façon régulière. On ne doit pas voir cela comme une demande de redistribution du pouvoir, mais comme la nécessité d'un exercice effectif de la coresponsabilité découlant du baptême. Celui-ci confère à chacun des droits et des devoirs qui doivent pouvoir être exercés selon les charismes et les ministères de chacun ;
b) cela exige que les structures et les institutions fonctionnent avec des procédures adéquates : transparentes, orientées vers la mission, ouvertes à la participation, capables de faire une place aux femmes, aux jeunes, aux minorités, aux pauvres et aux marginalisés. Cela vaut pour les organes de participation déjà mentionnés, dont le rôle doit être réaffirmé et consolidé, mais aussi pour les organes de décision des associations, des mouvements et des communautés nouvelles ; pour les organes de gouvernance des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique (d'une manière adaptée au charisme particulier de chacun d'entre eux) ; pour les institutions nombreuses et variées, souvent également soumises au droit civil, à travers lesquelles se réalisent l'action missionnaire et le service de la communauté chrétienne : écoles, hôpitaux, universités, médias, centres d'accueil et d'action sociale, centres culturels, fondations, etc ;
c) la demande de réforme des structures et des institutions ainsi que la mise en œuvre de mécanismes de fonctionnement favorisant la transparence est particulièrement forte dans les contextes les plus marqués par la crise des abus (sexuels, économiques, spirituels, psychologiques, institutionnels, de conscience, de pouvoir, de juridiction). Une partie du problème réside souvent dans le traitement inadéquat des cas d'abus, ce qui remet en question les mécanismes et les procédures de fonctionnement des structures et des institutions, ainsi que la mentalité des personnes qui y travaillent. La perspective de la transparence et de la coresponsabilité suscite également des craintes et des résistances ; c'est pourquoi il est nécessaire d'approfondir le dialogue, en créant des occasions de partage et de confrontation à tous les niveaux ;
d) la méthode de la conversation dans l'Esprit s'avère particulièrement précieuse pour rétablir la confiance dans les contextes où, pour diverses raisons, un climat de méfiance s'est instauré entre les différentes composantes du Peuple de Dieu. Un chemin de conversion et de réforme, à l'écoute de l'Esprit, exige des structures et des institutions capables d’accompagner et soutenir ce chemin. Les Assemblées continentales expriment avec force la conviction que les structures seules ne suffisent pas, mais qu’un changement de mentalité est aussi nécessaire, d'où la nécessité d'investir dans la formation ;
e) En outre, il semble opportun d'intervenir également au niveau du droit canonique, en rééquilibrant le rapport entre le principe d'autorité, fortement affirmé dans la législation actuelle, et le principe de participation ; en renforçant l'orientation synodale des structures instituées déjà existantes ; en en créant de nouvelles, là où cela semble nécessaire pour les besoins de la vie de la communauté ; en surveillant l'application effective de la législation.
Question de discernement
Une Église synodale doit vivre la coresponsabilité et la transparence : comment cette prise de conscience peut-elle servir de base à la réforme des institutions, des structures et des procédures, afin de consolider le changement dans le temps ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Comment modifier les structures canoniques et les procédures pastorales pour favoriser la coresponsabilité et la transparence ? Les structures dont nous disposons sont-elles suffisantes pour garantir la participation ou faut-il en créer de nouvelles ?
2) Comment le droit canonique peut-il contribuer au renouvellement des structures et des institutions ? Quels changements semblent nécessaires ou opportuns ?
3) Quels sont les obstacles (mentaux, théologiques, pratiques, organisationnels, financiers, culturels) qui s'opposent à la transformation des organes participatifs actuellement prévus par le droit canonique en organes de discernement en commun effectifs ? Quelles réformes sont-elles nécessaires pour que ces organes de discernement puissent soutenir la mission de manière concrète, créative et vivante ? Comment les rendre plus ouverts à la présence et à la contribution des femmes, des jeunes, des pauvres, des migrants, des membres des minorités et de ceux qui, pour diverses raisons, se trouvent en marge de la vie communautaire ?
4) Comment la perspective de l'Église synodale interpelle-t-elle les structures et les procédures de la vie consacrée et les différentes formes d'associations de laïcs ainsi que le fonctionnement des institutions liées à l'Église ?
5) Dans quels aspects de la vie des institutions une plus grande transparence est-elle nécessaire (rapports économiques et financiers, sélection des candidats aux postes de responsabilité, nominations, etc.) Avec quels instruments pouvons-nous y parvenir ?
6) La perspective de transparence et d'ouverture des processus de consultation et de discernement conjoints suscite également des craintes. Comment se manifestent-elles ? De quoi les personnes qui expriment ces craintes ont-elles peur ? Comment ces craintes peuvent-elles être abordées et surmontées ?
7) Dans quelle mesure est-il possible de faire la distinction entre les membres d'une institution et l'institution elle-même ? Les responsabilités dans le traitement des cas d'abus sont-elles individuelles ou systémiques ? Comment la perspective synodale peut-elle contribuer à créer une culture de prévention des abus de toutes sortes ?
8) Que peut-on apprendre de la manière dont les institutions publiques et le droit public et civil tentent de répondre au besoin de transparence et de responsabilité émanant de la société (séparation des pouvoirs, organes de contrôle indépendants, obligation de rendre publiques certaines procédures, limitation de la durée des mandats, etc.) ?
9) Que pouvons-nous apprendre de l'expérience d'autres Églises et Communautés ecclésiales en ce qui concerne le fonctionnement des structures et des institutions dans un style synodal ?
B 3.4 Comment façonner les instances de synodalité et de collégialité impliquant des groupements d'Églises locales ?
La première étape du processus synodal a mis en évidence le rôle des instances de synodalité et de collégialité qui réunissent les différentes Églises locales : les structures hiérarchiques orientales et, dans l'Église latine, les Conférences épiscopales (cf. PE I, 7). Les documents rédigés au cours des différentes étapes soulignent que la consultation du Peuple de Dieu dans les Églises locales et les étapes ultérieures de discernement ont été une véritable expérience d'écoute de l'Esprit à travers l'écoute réciproque. De la richesse de cette expérience, il est possible de tirer des enseignements pour la construction d'une Église de plus en plus synodale :
a) le processus synodal peut devenir « un dynamisme de communion qui inspire toutes les décisions ecclésiales » [18] , parce qu'il implique réellement tous les sujets - le Peuple de Dieu, le Collège des évêques, l'évêque de Rome -, chacun selon sa fonction. Le déroulement ordonné des étapes a dissipé la crainte que la consultation du Peuple de Dieu ne conduise à un affaiblissement du ministère des pasteurs. Au contraire, la consultation était possible parce qu'elle était initiée par chaque évêque, en tant que « principe visible et fondement de l'unité » (LG 23) dans son Église. Par la suite, dans les structures hiérarchiques orientales et dans les Conférences épiscopales, les pasteurs ont effectué un acte de discernement collégial sur les contributions provenant des Églises locales. Ainsi, le processus synodal a favorisé un exercice réel de la collégialité épiscopale dans une Église pleinement synodale.
b) la question de l'exercice de la synodalité et de la collégialité dans les instances impliquant des groupes d'Églises locales unies par des traditions spirituelles, liturgiques et disciplinaires, par la contiguïté géographique et par la proximité culturelle, à commencer par les Conférences épiscopales, nécessite une réflexion théologique et canonique renouvelée : en elles « la communio Episcoporum s'exprime au service de la communio Ecclesiarum fondée sur la communio Fidelium » (PE I, 7).
c) une raison de s'atteler à cette tâche apparaît dans Evangelii gaudium : « Il n'est pas opportun que le Pape se substitue aux épiscopats locaux dans le discernement de tous les problèmes qui se posent sur leurs territoires. En ce sens, je sens la nécessité de procéder à une saine décentralisation » (n° 16). À l'occasion du 50e anniversaire de l'institution du Synode des évêques, le Saint-Père a souligné que la synodalité s'exerce non seulement au niveau des Églises locales et de l'Église universelle, mais aussi au niveau des groupements d'Églises, tels que les Provinces et les Régions ecclésiastiques, les Conseils particuliers et surtout les Conférences épiscopales : « Nous devons réfléchir pour réaliser encore plus, à travers ces organismes, les instances intermédiaires de la collégialité, en intégrant et en actualisant peut-être certains aspects de l'ancien ordre ecclésiastique » [19].
Question de discernement
À la lumière de l'expérience synodale vécue jusqu'à présent, comment la synodalité peut-elle trouver une meilleure expression dans et à travers les institutions impliquant des groupes d'Églises locales, comme les Synodes des Évêques et les Conseils des Hiérarques des Églises orientales catholiques, les Conférences épiscopales et les Assemblées continentales, de sorte qu'elles soient « conçues comme des sujets d'attribution concrète, y compris une certaine autorité doctrinale » (EG 32) dans une perspective missionnaire ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) La dynamique synodale d'écoute de l'Esprit par l'écoute mutuelle se présente comme la manière la plus pratique de traduire la collégialité épiscopale en action dans une Église pleinement synodale. En partant de l'expérience du processus synodal :
a) Comment faire de l'écoute du peuple de Dieu la forme habituelle de la prise de décision dans l'Église à tous les niveaux de sa vie ?
b) Comment l'écoute du Peuple de Dieu peut-elle être mise en œuvre dans les Églises locales ? En particulier, comment renforcer les organes de participation afin qu'ils soient des "lieux" efficaces d'écoute et de discernement ecclésial ?
c) Comment repenser les processus de décision au niveau des organes épiscopaux des Églises catholiques orientales et des Conférences épiscopales à partir de l'écoute du Peuple de Dieu dans les Églises locales ?
d) Comment l'instance continentale peut-elle être intégrée au droit canonique ?
2) La consultation dans les Églises locales étant l'écoute effective du Peuple de Dieu, le discernement des Pasteurs prend le caractère d'un acte collégial qui confirme avec autorité ce que l'Esprit a dit à l'Église à travers le sens de la foi du Peuple de Dieu :
a) Quel degré d'autorité doctrinale peut-on attribuer au discernement des Conférences épiscopales ? Comment les Églises catholiques orientales réglementent-elles leurs instances épiscopales ?
b) Quel degré d'autorité doctrinale peut-on attribuer au discernement d'une assemblée continentale ? Ou des organes qui réunissent les Conférences épiscopales à l'échelle continentale ou internationale ?
c) Quel est le rôle de l'Évêque de Rome dans le cadre de ces processus concernant des regroupements régionaux d’Eglises locales ? Selon quelles modalités peut-il exercer son rôle ?
3) Quels éléments de l'antique ordre ecclésiastique devraient être intégrés et mis à jour pour que les structures hiérarchiques orientales, les conférences épiscopales et les assemblées continentales deviennent des instances intermédiaires de synodalité et de collégialité ?
4) Le Concile Vatican II affirme que l'Église tout entière et toutes ses parties bénéficient de la communication mutuelle de leurs dons respectifs (cf. LG 13) :
a) Quelle valeur les délibérations d'un Conseil plénier, d'un Conseil particulier, d'un Synode diocésain peuvent-elles avoir pour les autres Églises ?
b) Quels enseignements pouvons-nous tirer de la riche expérience synodale des Églises catholiques orientales ?
c) Dans quelle mesure la convergence de plusieurs groupements d'Églises locales (Conseils particuliers, Conférences épiscopales, etc.) sur une même question engage-t-elle l'Évêque de Rome à la prendre en charge pour l'Église universelle ?
d) Comment exercer le service de l'unité confié à l'évêque de Rome lorsque les autorités locales prennent des orientations différentes ? Quelle place possible pour une diversité d'orientations selon les différentes régions ?
5) Que pouvons-nous apprendre de l'expérience d'autres Églises et Communautés ecclésiales concernant les regroupements d'Églises locales en vue d'exercer la collégialité et la synodalité ?
B 3.5 Comment renforcer l'institution du Synode pour qu'il soit l'expression de la collégialité épiscopale au sein d'une Église entièrement synodale ?
Par le Motu Proprio Apostolica sollicitudo (15 septembre 1965), saint Paul VI a institué le Synode en tant que "conseil permanent des évêques pour l'Église universelle". Il accèdait ainsi à la demande de l'assemblée conciliaire d'assurer la participation des évêques à la sollicitude pour toute l'Église, en prenant soin de préciser que "ce Synode, comme toute institution humaine, est perfectible avec le temps". Avec la Constitution apostolique Episcopalis communio (15 septembre 2018), le pape François a mis en œuvre ce "perfectionnement" espéré, transformant le Synode d'un événement circonscrit à une assemblée d'évêques en un processus d'écoute articulé en étapes (cf. art. 4), dans lequel toute l'Église et tous les membres de l'Église - Peuple de Dieu, Collège des évêques, évêque de Rome - sont réellement participants.
a) le Synode 2021-2024 démontre clairement que le processus synodal est le contexte le plus approprié pour l'exercice intégré de la primauté, de la collégialité et de la synodalité en tant qu'éléments inaliénables d'une Église dans laquelle chaque sujet exerce sa fonction particulière au mieux de ses capacités et en synergie avec les autres ;
b) il revient à l'évêque de Rome de convoquer l'Église en Synode, en convoquant une Assemblée pour l'Église universelle, ainsi que d'initier, d'accompagner et de conclure le processus synodal correspondant. Cette prérogative lui appartient en tant que "principe visible et fondement de l'unité des évêques et de la multitude des fidèles" (LG 23) ;
c) étant donné que « les évêques, individuellement, sont le principe visible et le fondement de l'unité dans leurs Églises particulières [...] et que c'est en elles et à partir d'elles qu'existe la seule et unique Église catholique » (LG 23), il revient à chaque évêque diocésain d'initier, d'accompagner et de conclure la consultation du Peuple de Dieu dans son Église. À la lumière de la sollicitude que les évêques ont pour l'Église universelle (cf. LG 23), il leur revient également de coopérer avec les organismes supradiocésains dans lesquels s'exerce la synodalité et la collégialité, en accomplissant la fonction de discernement ecclésial propre au ministère épiscopal ;
d) bien que ces organismes ne réunissent pas l'ensemble du Collège épiscopal, le discernement effectué par les pasteurs à travers eux revêt un caractère collégial, en raison de la finalité même de l'acte. En effet, les Assemblées d'évêques, dans le cadre de la procédure synodale, ont pour tâche d'examiner les résultats des consultations dans les Églises locales, dans lesquelles se manifeste le sens de la foi du Peuple de Dieu. Comment un acte non collégial pourrait-il discerner ce que l'Esprit dit à l'Église à travers la consultation du Peuple de Dieu qui « ne peut se tromper dans la foi » (LG 12) ?
e) l'expérience synodale vécue jusqu'à présent a également montré comment il est possible de développer un exercice efficace de la collégialité dans une Église synodale : bien que le discernement soit un acte qui relève en premier lieu de la responsabilité de « ceux qui, dans l'Église, ont la charge de présider » (LG 12), il a gagné en profondeur et en adhésion aux questions à examiner grâce à la contribution des autres membres du Peuple de Dieu qui ont pris part aux Assemblées continentales.
Question de discernement
À la lumière de la relation dynamique et circulaire entre la synodalité de l'Église, la collégialité épiscopale et la primauté pétrinienne, comment perfectionner l'institution du Synode pour qu'elle devienne un espace certain et garanti pour l'exercice de la synodalité, en assurant la pleine participation de tous - le Peuple de Dieu, le Collège des évêques et l'Évêque de Rome - tout en respectant leurs fonctions spécifiques ? Comment évaluer l'expérience de l'élargissement de la participation à un groupe de " non-évêques " lors de la première session de la XVIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des évêques (octobre 2023) ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Le processus synodal introduit dans l'Église « un dynamisme de communion qui inspire toutes les décisions ecclésiales »[20] :
a) Comment un tel dynamisme peut-il devenir la manière habituelle de procéder à tous les niveaux de la vie de l'Église ?
b) Quelle est la place du principe d'autorité ?
c) Comment cela modifie-t-il la compréhension de l'autorité dans l'Église à différents niveaux, y compris celui de l'évêque de Rome ?
2) La première phase du parcours synodal met en œuvre le mouvement du particulier vers l'universel, avec la consultation du Peuple de Dieu dans les Églises locales et les actes de discernement ultérieurs dans les structures hiérarchiques orientales et les Conférences épiscopales, d'abord, et ensuite dans les Assemblées continentales :
a) comment s'assurer que la consultation reflète véritablement la manifestation du sens de la foi du Peuple de Dieu vivant dans une Église donnée ?
b) comment renforcer le « lien fécond entre le sensus fidei du peuple de Dieu et la fonction magistérielle des pasteurs » (DP 14) dans les structures hiérarchiques orientales, les Conférences épiscopales et les Assemblées continentales ?
c) dans quelle mesure la présence de membres qualifiés du Peuple de Dieu est-elle souhaitable également dans les Assemblées des Conférences épiscopales, ainsi que dans les Assemblées continentales ?
d) quelle fonction peuvent remplir les organismes ecclésiaux composés en permanence d'autres personnes que les évêques, comme la Conférence ecclésiale récemment créée pour la région amazonienne ?
3) La deuxième phase du chemin synodal exprime, dans l'Assemblée des évêques convoquée à Rome, l'universalité de l'Église qui se met à l'écoute de ce que l'Esprit a dit au Peuple de Dieu :
a) comment cette assemblée épiscopale s'inscrit-elle dans le processus synodal ?
b) comment assure-t-elle la continuité avec la première phase du processus synodal ? La présence de témoins qualifiés suffit-elle à la garantir ?
c) si les Assemblées des Conférences épiscopales et les Assemblées continentales sont des actes de discernement, comment se caractérise cet autre acte de discernement et quelle est sa valeur ?
4) La troisième phase envisage le mouvement de restitution des résultats de l'Assemblée synodale aux Églises locales et leur mise en œuvre : qu'est-ce qui peut aider à réaliser pleinement l'« intériorité mutuelle » entre les dimensions universelle et locale de l'Église unique ?
_____________________
[1] Dès lors, par souci de concision et sauf indication contraire, les expressions « Assemblée » et « Assemblée du Synode » se réfèrent à la session d'octobre 2023, au service de laquelle est placé le présent IL.
[2] François, Discours pour la commémoration du 50e anniversaire de l'institution du Synode des évêques (cf. DP 15).
[3] L'expression "Église locale" désigne ici ce que le Code de Droit Canonique appelle l'"Église particulière".
[4] La section B exposera les raisons de l'inversion de l'ordre en ce qui concerne le sous-titre du Synode : cf. n° 44 ci-dessous.
[5] Exhortations post-synodales des deux précédentes Assemblées générales ordinaires du Synode des évêques (2015 sur la famille et 2018 sur les jeunes)
[6] François, Moment de réflexion pour le début du processus synodal, 9 octobre 2021.
[7] Cf. François, Discours pour la commémoration du 50e anniversaire de l'institution du Synode des évêques, 17 octobre 2015.
[8] Par exemple, au numéro 128, le document final de cette assemblée affirme : « Il ne suffit donc pas de disposer de structures, si on ne se développe pas en leur sein d’authentiques relations ; c’est, de fait, la qualité de ces relations qui évangélise. »
[9] Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre Iuvenescit Ecclesia aux évêques de l'Église catholique sur le rapport entre les dons hiérarchiques et charismatiques pour la vie et la mission de l'Église, 15 mai 2016, §13 à 18.
[10] François, Temps de réflexion pour le début du processus synodal, 9 octobre 2021.
[11] XVe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. Document final, 27 octobre 2018, 25.
[12] François, discours à Sa Sainteté Mar Awa III Catholicos-Patriarche de l'Église assyrienne de l'Est, 19 novembre 2022.
[13] Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, L'évêque et l'unité des chrétiens. Vademecum œcuménique, 5 juin 2020, 4.
[14] St Jean-Paul II, Enc Lett. Ut unum sint, 25 mai 1995, 95 ; texte cité dans EG 32 et EC 10.
[15] François, Discours à la prière œcuménique, Centre œcuménique du COE (Genève), 21 juin 2018.
[16] Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, Instruction Varietates legitimae, 25 janvier 1994.
[17] François, Discours pour la commémoration du 50e anniversaire de l'établissement du Synode des évêques, 17 octobre 2015.
[18] Ibid.
[19] Ibid.
[20] Ibid.
[01015-FR.01] [Texte original: Italien et Anglais]
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Date de dernière mise à jour : 08/10/2023