Résister au mal - Etty Hillesum - Notes d'un participant - journée 25/5/2019
Résister au mal : un combat spirituel
Notes prises par JPF
RESISTER AU MAL
Etty HILLESUM et Dietrich BONHOEFFER
Paroisse protestante (EPU) d’OULLINS
25 mai 2019
Etty HILLESUM (E.H.), 1914-1943
Etait l’aînée de 2 frères d’une famille juive ; E.H. n’était pas pratiquante.
Commence à écrire son chemin de vie en 1941
(11 cahiers et les « Lettres de Westerbok » -le camp de transit avant son départ pour Auschwitz où elle meurt le 30 novembre- ; toute sa famille mourra en déportation)
écrits à la suite de sa rencontre avec Julius Speir (J.S.),
thérapeute, ami, confident, guide, compagnon.
Bénédicte Descarpentries (B.D.), psychanaliste
- Résister au mal : un combat spirituel
Résister dit à la fois le ‘ne pas céder à une poussée extérieure’ et les ‘résistances intérieures’ qui bloquent le changement.
On résiste à soi, aux autres, à la vie, à l’Autre, dans ces deux mouvements, l’un conscient, l’autre ayant sa part d’inconscient.
Mal est d’abord un adjectif avant de devenir un substantif. On retrouve le mot dans ‘mensonge’ : il a donc quelque chose à voir avec la vérité (vis-à-vis de moi, vis-à-vis de l’autre, de l’Autre) et donc avec la parole.
B.D. propose de relire E.H. à la lumière biblique en s’appuyant sur le combat de Jacob au Yabboq.
- La traversée du Yabboq
Jacob, fils d’Isaac et de Rebecca, est le jumeau d’Esaü.
Dès le commencement (dans le sein maternel) leur relation est faite de tension, de rivalité, de combat : le mal est présent. Après l’usurpation du droit d’aînesse Jacob doit fuir devant la colère de son frère.
Dans le chemin de retour vers son frère, Jacob se retrouve seul une nuit, à la traversée du Yabboq.
Un homme est là et la lutte s’engage entre eux, silencieuse.
C’est après la lutte, qui n’a pas de vainqueur, qu’un dialogue s’engage qui amène à une blessure de Jacob à la hanche, une transformation (il devient Israël) et une bénédiction.
Au soleil levant Jacob s’inclinera devant son frère.
4 étapes se dessinent que B.D. va utiliser pour sa relecture d’E.H. :
Solitude dans la nuit
Combat corps et âme
Métamorphose
Aube et rencontre engageante
- Seule dans la nuit
L’ambiance familiale était lourde.
Etty avait peur de la folie : ses deux frères, brillants, étaient très psychologiquement fragiles.
Son mal-être s’exprimait fortement dans son corps (violents maux de tête, douleurs diverses qui l’a laissaient anéantie plusieurs jours).
- Combat corps et âme
Etty rencontre J.S. le 3 février 1941, le jour de l’anniversaire d’Etty.
Cette rencontre où se mêlent attirances intellectuelle et physique, ambivalence des sentiments, combat physique (J.S. est psychothérapeute, il utilise le « combat » physique comme un outil de thérapie) et partage mutuel profond, va entraîner Etty dans un parcours personnel de relecture de sa vie, de son être. Elle en sera bouleversée, retournée, labourée.
Sur 18 mois, de 1941 à 1942, elle écrit ses onze cahiers et ses « lettres de Westerbok ».
- Métamorphose
Dans sa naissance à soi-même et au monde -une profonde analyse faite d’écoute et de prise de conscience- Etty s’appuie très consciemment et volontairement sur 4 points :
Prendre le temps nécessaire, mais ne jamais remettre au lendemain
Discerner
Lutter, combattre contre soi
‘S’oublier’
- Aube et rencontre engageante
« J’ai vu Dieu face à face et j’ai eu la vie sauve » (Gn 32, 31)
L’engagement du corps
L’agenouillement de soi (Jacob devant Esaü)
L’engagement du cœur
Le dialogue ininterrompu avec Dieu
La mission intérieure : admettre et recevoir totalement la présence des autres, accompagner la souffrance (son engagement au conseil juif), plutôt que de rester en vie coûte que coûte vivre selon son cœur (l’engagement à Westerbok), s’indigner (devant la barbarie nazie) sans haine, pour dire finalement : « tout est si incompréhensible ».
Auschwitz
« Eradiquer le mal de l’Homme et non pas l’Homme »
« J’ai rompu mon corps comme le pain »
« Un peu de toi en nous, mon Dieu »
« Je ne te chasserai pas de mon enclos »
« Pour l’instant, à chaque jour suffit sa peine »
- Questions / réponses
On ne peut s’écouter que si l’on est écouté.
C’est le vrai Dieu (pas celui de nos visions religieuses) celui de la vraie transcendance qui se révèle à Etty.
Etty fait appel à la foi de Dieu en nous : « Dieu croit moi. Si je ne suis plus là pour parler de toi, tu ne seras plus là ».
Aider Dieu, la grande intuition d’E.H., est un devoir pour nous.
L’oubli de soi chez Etty n’est en aucun cas de la mortification.
- Travail en petits groupes
Nos résistances ce sont les armes que nous utilisons contre nous-mêmes, contre les autres, contre la vie, contre l’Autre (Cf. ci-dessous ‘Je suis désarmé’ du patriarche Athénagoras).
Le combat du désarmement est quotidien, dans les grandes et les petites choses ; il n’est jamais terminé.
E.H. « embarque » dans le combat tout ce qu’elle est, corps et âme : « Il me faut accepter tout ce que je suis et faire entrer en dialogue tous mes aspects ».
E.H. renouvelle notre vision de Dieu : elle est une femme pour notre temps.
Elle a parcouru un chemin de vraie humilité et de vraie obéissance : c’est-à-dire reconnaître et accepter ce qui naît en moi, ce qui m’appelle, et entrer volontairement dans cet appel (le faire mien).
C’est ce qu’a fait le Christ en reconnaissant pas à pas, dans une relation grandissante, qui est son Père, et en conformant sa vie à lui.
En reconnaissant ce qui se passe en moi, je peux reconnaître ce qui se passe en l’autre.
La joie est un indicateur de ce qui se passe en moi : E.H. le reconnaîtra vite.
Mes choix sont de moi, mais pas que de moi (Cf. Marcel Légault et Augustin).
Comment refuser, rejeter sans haine : E.H. y parviendra au bout de son chemin.
Il faut mener la guerre la plus dure contre soi-même.
Il faut arriver à se désarmer.
J’ai mené cette guerre pendant des années, elle a été terrible.
Mais maintenant, je suis désarmé.
Je n’ai plus peur de rien, car l’amour chasse la peur.
Je suis désarmé de la volonté d’avoir raison,
de me justifier en disqualifiant les autres.
Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses.
J’accueille et je partage.
Je ne tiens pas particulièrement à mes idées, à mes projets.
Si l’on m’en présente de meilleurs,
ou plutôt non pas meilleurs, mais bons,
j’accepte sans regrets.
J’ai renoncé au comparatif.
Ce qui est bon, vrai, réel, est toujours pour moi le meilleur.
C’est pourquoi je n’ai plus peur.
Quand on n’a plus rien, on n’a plus peur.
Si l’on se désarme,
si l’on se dépossède,
si l’on s’ouvre au Dieu-Homme, qui fait toutes choses nouvelles,
alors, Lui, efface le mauvais passé
et nous rend un temps neuf où tout est possible.
Patriarche Athénagoras
Dietrich BONHOEFFER (D.B.), 1906-1945
Il veut à 13 ans devenir pasteur, ce qui surprend sa famille,
bourgeoise mais religieuse de simple pratique.
Brillant il soutient en 1927 sa thèse de théologie : « L’essence de l’Eglise ».
En 1930 il soutient sa thèse d’habilitation à la recherche : « Agir et être ».
Il rencontre Karl Barth en 1931
avec qui il fonde l’Eglise confessante (Eglise qui rejette l’Eglise qui accepte le nazisme)
et devient pasteur.
Voyage (USA, Angleterre, Mexique), découvre l’œcuménisme.
Rentre en Allemagne (1940) malgré les demandes pressantes de rester aux USA.
S’oppose fermement au nazisme.
Il est arrêté en 1943, passe presque deux ans en prison et en camp (Buchenwald)
avant d’être pendu à Flossenburg.
- Vidéo de l’émission « Présence protestante »
D.B. est le théologien de la responsabilité, dans la foi et dans l’action ; action qui peut nous faire entrer en conflit intérieur. D.B. « justifiera » le meurtre (d’Hitler) par l’éthique de sa foi (justification qui ne tient que pour lui et pour le cas d’Hitler).
De cette foi nourrie par le deuxième Testament lu à la lumière du premier, D.B. sera convaincu que le temps de la religion est fini, que la religion n’est pas le vêtement du christianisme (Quelle vision prophétique !).
Dieu n’est pas le ‘bouche-trous’ de nos vies.
« Vivre dans ce monde comme si Dieu n’existait pas, mais vivre devant lui »
« Dieu sur la croix se laisse chasser du monde »
« Tiens ferme »
« Prendre au sérieux les souffrances de Dieu dans le monde »
« Qui suis-je ? Un fort, un faible, les deux. Peu importe, tu me connais O Dieu »
Nicole FAVRE, pasteur EPU, bibliste
La résistance spirituelle chez D.B.
C’était un homme brillant, un bon pianiste, avec le sens de l’humour.
Vivre les débuts de l’œcuménisme avec une vision mondiale fut une grande chance pour lui.
Le spirituel, ce qui inspire, ce qui fait respirer, lui permettra de faire le lien entre le combat intérieur et le combat extérieur.
- L’étudiant
La méditation des béatitudes lui fait faire le lien entre la vie intellectuelle et la vie quotidienne.
« Fanatique et fou, ça me fait parfois peur, mais si je le suis pas alors je dois lâcher ma théologie »
« Je ne peux être au clair qu’en acceptant tout le sermon sur la montagne » : D.B. lira toujours la Bible ‘contre lui’, c’est-à-dire la Parole avant moi.
D.B. met Dieu au centre de sa vie mais sans mettre la main sur lui. Alors c’est Dieu qui le met au centre.
Le chrétien est un homme qui se risque : alors notre relation à Dieu passe du désir au manque. Le Christ ne peut être compris qu’au cœur du monde : D.B. dénoncera le nazisme comme idolâtrie du succès (la ‘dignité’ selon Hitler).
« Seul le croyant obéis. Seul celui qui obéis croit » : D.B. va suivre Jésus parce qu’il est au centre de sa vie de foi, il vivra pour les autres comme Jésus l’a fait.
- Le retour des USA vers l’Europe
C’est un appel irrésistible à retourner au centre du combat.
L’évidence de la décision apparaît lentement (on est dans la ‘vraie’ obéissance). Dieu n‘affranchit pas l’homme de son histoire.
« Ce que Dieu vise avec nous c’est la vie »
« Réserver notre amour aux idées et aux interrogations »
« Respecter la loi (celle de la Bible) en regardant d’abord Dieu »
- La prison
En prison D.B. reste habité par la vie communautaire qu’il a vécue auparavant ; il va lire, prier, travailler, faire du sport.
« Qui que tu sois tu me connais »
Dieu aime le monde au-delà de sa trahison.
La haine, le ressentiment contre le nazisme disparaissent en lui, l’attachement à Dieu dépasse tout.
« Le temps des mots pieux est dépassé, la religion est dépassée »
« Le christianisme ne peut se reposer sur le sentiment religieux »
« Le fondement religieux du christianisme se dérobe »
« Comment parler de Dieu sans religion »
« Etre des chrétiens sans religion. Alors le Christ n’est pas l’objet de la religion mais le Seigneur du monde »
« Parler de Dieu au centre, pas aux limites »
« Dieu est au-delà, au centre de nos vies »
TABLE RONDE
Etty et Dietrich nous appellent à ne pas compartimenter nos vies, avec les cases pour Dieu et les cases sans Dieu.
Même dans un monde qui l’expulse Dieu ne s’en va pas, il reste présent, silencieux.
C’est dans notre nature de mettre Dieu au-dehors de nos vies et de le remplacer par des systèmes religieux.
Sanctifier c’est être à l’écoute de l’Autre. Alors le meurtre peut être pour D.B. -et pour lui seul- la réponse à une situation bien particulière, réponse qu’il entend dans la Parole de Dieu. Ne sommes-nous pas renvoyés à cette parole de l’évangile : « Il aurait mieux valu pour cet homme qu’il ne soit pas né » (Mt 14, 26) ?
Le courage n’est pas le bon mot pour qualifier l’attitude d’E.H. et de D.B. C’était pour eux l’évidence, ils étaient entrés dans la vraie obéissance. Ce ‘courage’ fut comme une place qui se creusa en eux pour les autres.
Dieu n’est pas du côté du bien, ni du côté du mal, il est ailleurs.
RESISTER AU MAL
Etty HILLESUM et Dietrich BONHOEFFER
Paroisse protestante (EPU) d’OULLINS
25 mai 2019
Etty HILLESUM (E.H.), 1914-1943
Etait l’aînée de 2 frères d’une famille juive ; E.H. n’était pas pratiquante.
Commence à écrire son chemin de vie en 1941
(11 cahiers et les « Lettres de Westerbok » -le camp de transit avant son départ pour Auschwitz où elle meurt le 30 novembre- ; toute sa famille mourra en déportation)
écrits à la suite de sa rencontre avec Julius Speir (J.S.),
thérapeute, ami, confident, guide, compagnon.
Bénédicte Descarpentries (B.D.), psychanaliste
- Résister au mal : un combat spirituel
Résister dit à la fois le ‘ne pas céder à une poussée extérieure’ et les ‘résistances intérieures’ qui bloquent le changement.
On résiste à soi, aux autres, à la vie, à l’Autre, dans ces deux mouvements, l’un conscient, l’autre ayant sa part d’inconscient.
Mal est d’abord un adjectif avant de devenir un substantif. On retrouve le mot dans ‘mensonge’ : il a donc quelque chose à voir avec la vérité (vis-à-vis de moi, vis-à-vis de l’autre, de l’Autre) et donc avec la parole.
B.D. propose de relire E.H. à la lumière biblique en s’appuyant sur le combat de Jacob au Yabboq.
- La traversée du Yabboq
Jacob, fils d’Isaac et de Rebecca, est le jumeau d’Esaü.
Dès le commencement (dans le sein maternel) leur relation est faite de tension, de rivalité, de combat : le mal est présent. Après l’usurpation du droit d’aînesse Jacob doit fuir devant la colère de son frère.
Dans le chemin de retour vers son frère, Jacob se retrouve seul une nuit, à la traversée du Yabboq.
Un homme est là et la lutte s’engage entre eux, silencieuse.
C’est après la lutte, qui n’a pas de vainqueur, qu’un dialogue s’engage qui amène à une blessure de Jacob à la hanche, une transformation (il devient Israël) et une bénédiction.
Au soleil levant Jacob s’inclinera devant son frère.
4 étapes se dessinent que B.D. va utiliser pour sa relecture d’E.H. :
Solitude dans la nuit
Combat corps et âme
Métamorphose
Aube et rencontre engageante
- Seule dans la nuit
L’ambiance familiale était lourde.
Etty avait peur de la folie : ses deux frères, brillants, étaient très psychologiquement fragiles.
Son mal-être s’exprimait fortement dans son corps (violents maux de tête, douleurs diverses qui l’a laissaient anéantie plusieurs jours).
- Combat corps et âme
Etty rencontre J.S. le 3 février 1941, le jour de l’anniversaire d’Etty.
Cette rencontre où se mêlent attirances intellectuelle et physique, ambivalence des sentiments, combat physique (J.S. est psychothérapeute, il utilise le « combat » physique comme un outil de thérapie) et partage mutuel profond, va entraîner Etty dans un parcours personnel de relecture de sa vie, de son être. Elle en sera bouleversée, retournée, labourée.
Sur 18 mois, de 1941 à 1942, elle écrit ses onze cahiers et ses « lettres de Westerbok ».
- Métamorphose
Dans sa naissance à soi-même et au monde -une profonde analyse faite d’écoute et de prise de conscience- Etty s’appuie très consciemment et volontairement sur 4 points :
Prendre le temps nécessaire, mais ne jamais remettre au lendemain
Discerner
Lutter, combattre contre soi
‘S’oublier’
- Aube et rencontre engageante
« J’ai vu Dieu face à face et j’ai eu la vie sauve » (Gn 32, 31)
L’engagement du corps
L’agenouillement de soi (Jacob devant Esaü)
L’engagement du cœur
Le dialogue ininterrompu avec Dieu
La mission intérieure : admettre et recevoir totalement la présence des autres, accompagner la souffrance (son engagement au conseil juif), plutôt que de rester en vie coûte que coûte vivre selon son cœur (l’engagement à Westerbok), s’indigner (devant la barbarie nazie) sans haine, pour dire finalement : « tout est si incompréhensible ».
Auschwitz
« Eradiquer le mal de l’Homme et non pas l’Homme »
« J’ai rompu mon corps comme le pain »
« Un peu de toi en nous, mon Dieu »
« Je ne te chasserai pas de mon enclos »
« Pour l’instant, à chaque jour suffit sa peine »
- Questions / réponses
On ne peut s’écouter que si l’on est écouté.
C’est le vrai Dieu (pas celui de nos visions religieuses) celui de la vraie transcendance qui se révèle à Etty.
Etty fait appel à la foi de Dieu en nous : « Dieu croit moi. Si je ne suis plus là pour parler de toi, tu ne seras plus là ».
Aider Dieu, la grande intuition d’E.H., est un devoir pour nous.
L’oubli de soi chez Etty n’est en aucun cas de la mortification.
- Travail en petits groupes
Nos résistances ce sont les armes que nous utilisons contre nous-mêmes, contre les autres, contre la vie, contre l’Autre (Cf. ci-dessous ‘Je suis désarmé’ du patriarche Athénagoras).
Le combat du désarmement est quotidien, dans les grandes et les petites choses ; il n’est jamais terminé.
E.H. « embarque » dans le combat tout ce qu’elle est, corps et âme : « Il me faut accepter tout ce que je suis et faire entrer en dialogue tous mes aspects ».
E.H. renouvelle notre vision de Dieu : elle est une femme pour notre temps.
Elle a parcouru un chemin de vraie humilité et de vraie obéissance : c’est-à-dire reconnaître et accepter ce qui naît en moi, ce qui m’appelle, et entrer volontairement dans cet appel (le faire mien).
C’est ce qu’a fait le Christ en reconnaissant pas à pas, dans une relation grandissante, qui est son Père, et en conformant sa vie à lui.
En reconnaissant ce qui se passe en moi, je peux reconnaître ce qui se passe en l’autre.
La joie est un indicateur de ce qui se passe en moi : E.H. le reconnaîtra vite.
Mes choix sont de moi, mais pas que de moi (Cf. Marcel Légault et Augustin).
Comment refuser, rejeter sans haine : E.H. y parviendra au bout de son chemin.
Il faut mener la guerre la plus dure contre soi-même.
Il faut arriver à se désarmer.
J’ai mené cette guerre pendant des années, elle a été terrible.
Mais maintenant, je suis désarmé.
Je n’ai plus peur de rien, car l’amour chasse la peur.
Je suis désarmé de la volonté d’avoir raison,
de me justifier en disqualifiant les autres.
Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses.
J’accueille et je partage.
Je ne tiens pas particulièrement à mes idées, à mes projets.
Si l’on m’en présente de meilleurs,
ou plutôt non pas meilleurs, mais bons,
j’accepte sans regrets.
J’ai renoncé au comparatif.
Ce qui est bon, vrai, réel, est toujours pour moi le meilleur.
C’est pourquoi je n’ai plus peur.
Quand on n’a plus rien, on n’a plus peur.
Si l’on se désarme,
si l’on se dépossède,
si l’on s’ouvre au Dieu-Homme, qui fait toutes choses nouvelles,
alors, Lui, efface le mauvais passé
et nous rend un temps neuf où tout est possible.
Patriarche Athénagoras
Dietrich BONHOEFFER (D.B.), 1906-1945
Il veut à 13 ans devenir pasteur, ce qui surprend sa famille,
bourgeoise mais religieuse de simple pratique.
Brillant il soutient en 1927 sa thèse de théologie : « L’essence de l’Eglise ».
En 1930 il soutient sa thèse d’habilitation à la recherche : « Agir et être ».
Il rencontre Karl Barth en 1931
avec qui il fonde l’Eglise confessante (Eglise qui rejette l’Eglise qui accepte le nazisme)
et devient pasteur.
Voyage (USA, Angleterre, Mexique), découvre l’œcuménisme.
Rentre en Allemagne (1940) malgré les demandes pressantes de rester aux USA.
S’oppose fermement au nazisme.
Il est arrêté en 1943, passe presque deux ans en prison et en camp (Buchenwald)
avant d’être pendu à Flossenburg.
- Vidéo de l’émission « Présence protestante »
D.B. est le théologien de la responsabilité, dans la foi et dans l’action ; action qui peut nous faire entrer en conflit intérieur. D.B. « justifiera » le meurtre (d’Hitler) par l’éthique de sa foi (justification qui ne tient que pour lui et pour le cas d’Hitler).
De cette foi nourrie par le deuxième Testament lu à la lumière du premier, D.B. sera convaincu que le temps de la religion est fini, que la religion n’est pas le vêtement du christianisme (Quelle vision prophétique !).
Dieu n’est pas le ‘bouche-trous’ de nos vies.
« Vivre dans ce monde comme si Dieu n’existait pas, mais vivre devant lui »
« Dieu sur la croix se laisse chasser du monde »
« Tiens ferme »
« Prendre au sérieux les souffrances de Dieu dans le monde »
« Qui suis-je ? Un fort, un faible, les deux. Peu importe, tu me connais O Dieu »
Nicole FAVRE, pasteur EPU, bibliste
La résistance spirituelle chez D.B.
C’était un homme brillant, un bon pianiste, avec le sens de l’humour.
Vivre les débuts de l’œcuménisme avec une vision mondiale fut une grande chance pour lui.
Le spirituel, ce qui inspire, ce qui fait respirer, lui permettra de faire le lien entre le combat intérieur et le combat extérieur.
- L’étudiant
La méditation des béatitudes lui fait faire le lien entre la vie intellectuelle et la vie quotidienne.
« Fanatique et fou, ça me fait parfois peur, mais si je le suis pas alors je dois lâcher ma théologie »
« Je ne peux être au clair qu’en acceptant tout le sermon sur la montagne » : D.B. lira toujours la Bible ‘contre lui’, c’est-à-dire la Parole avant moi.
D.B. met Dieu au centre de sa vie mais sans mettre la main sur lui. Alors c’est Dieu qui le met au centre.
Le chrétien est un homme qui se risque : alors notre relation à Dieu passe du désir au manque. Le Christ ne peut être compris qu’au cœur du monde : D.B. dénoncera le nazisme comme idolâtrie du succès (la ‘dignité’ selon Hitler).
« Seul le croyant obéis. Seul celui qui obéis croit » : D.B. va suivre Jésus parce qu’il est au centre de sa vie de foi, il vivra pour les autres comme Jésus l’a fait.
- Le retour des USA vers l’Europe
C’est un appel irrésistible à retourner au centre du combat.
L’évidence de la décision apparaît lentement (on est dans la ‘vraie’ obéissance). Dieu n‘affranchit pas l’homme de son histoire.
« Ce que Dieu vise avec nous c’est la vie »
« Réserver notre amour aux idées et aux interrogations »
« Respecter la loi (celle de la Bible) en regardant d’abord Dieu »
- La prison
En prison D.B. reste habité par la vie communautaire qu’il a vécue auparavant ; il va lire, prier, travailler, faire du sport.
« Qui que tu sois tu me connais »
Dieu aime le monde au-delà de sa trahison.
La haine, le ressentiment contre le nazisme disparaissent en lui, l’attachement à Dieu dépasse tout.
« Le temps des mots pieux est dépassé, la religion est dépassée »
« Le christianisme ne peut se reposer sur le sentiment religieux »
« Le fondement religieux du christianisme se dérobe »
« Comment parler de Dieu sans religion »
« Etre des chrétiens sans religion. Alors le Christ n’est pas l’objet de la religion mais le Seigneur du monde »
« Parler de Dieu au centre, pas aux limites »
« Dieu est au-delà, au centre de nos vies »
TABLE RONDE
Etty et Dietrich nous appellent à ne pas compartimenter nos vies, avec les cases pour Dieu et les cases sans Dieu.
Même dans un monde qui l’expulse Dieu ne s’en va pas, il reste présent, silencieux.
C’est dans notre nature de mettre Dieu au-dehors de nos vies et de le remplacer par des systèmes religieux.
Sanctifier c’est être à l’écoute de l’Autre. Alors le meurtre peut être pour D.B. -et pour lui seul- la réponse à une situation bien particulière, réponse qu’il entend dans la Parole de Dieu. Ne sommes-nous pas renvoyés à cette parole de l’évangile : « Il aurait mieux valu pour cet homme qu’il ne soit pas né » (Mt 14, 26) ?
Le courage n’est pas le bon mot pour qualifier l’attitude d’E.H. et de D.B. C’était pour eux l’évidence, ils étaient entrés dans la vraie obéissance. Ce ‘courage’ fut comme une place qui se creusa en eux pour les autres.
Dieu n’est pas du côté du bien, ni du côté du mal, il est ailleurs.
BIBLIOGRAPHIE