Recension : Les confessions de Mgr X – Un évêque à table. Gino Hoel, Philippe Ardent.

GOLIAS Editions, 190 pages octobre 2018 - 17 €

Ce livre d’entretiens avec Mgr X, évêque en exercice qui souhaite garder l’anonymat est fort instructif. D’actualité criante (les entretiens ont eu lieu en juillet et aout 2018) il se lit facilement. Les échanges sont directs, parfois une pointe d’agacement surgit et Mgr X n’utilise pas la langue de buis, c’est le moins que l’on puisse dire.

Sont abordés des sujets très variés, qui vont du culte marial à Laudato si, Humanae Vitae, les servantes d’autel, la suppression des ADAP (« une erreur pastorale majeure de ces 20 dernières années. ») mais aussi les cas de pédophilie, le cléricalisme… De manière anecdotique on apprend qu’un évêque, un fois nommé doit choisir ses armoiries (!), que c’est Mgr Lustiger qui eut la peau de Mgr Gaillot, contre l’avis du président de la CEF d’alors, ou encore que Philippe de Villiers obtint de Rome que soit déplacé à Créteil l’évêque de Luçon (Vendée) qui lui déplaisait. Autre perle : des soirées organisées dans un diocèse pour rééduquer les homosexuels !

Sans surprise Mgr X développe des points de vue qui sont plutôt en adéquation avec celles des membres de la CCB Lyon, et il pointe un mode de fonctionnement et de relations au sein de l’Eglise de France qui laissent perplexe.

Tout d’abord on retiendra l’incapacité de la CEF « de marcher tous ensemble d’un même pas sur le même chemin (tant) nous sommes devenus trop différents » . Ainsi il ne fut pas possible de proposer quelques mesures applicables pour tous à la suite de la publication d’Amoris Laetitia, ou d’avoir une position sur le rejet de l’extrémisme lors des élections présidentielles de 2017 comme ce fut le cas en 2002. Mgr X n’est pas tendre pour la CEF « notre Conférence ne brille pas par l’excellence de ses membres » ; « citez-moi un document que nous avons produit dernièrement qui ait marqué les chrétiens mais aussi l’ensemble de la population ? » Si on avait encore quelques illusions sur la capacité de la CEF à faire bouger les lignes, les voilà bien envolées. D’autant que nombre d’évêques attendent que la parenthèse François soit refermée.

Un autre sujet d’inquiétude, celui des futurs prêtres. Mgr X voit se faire ordonner des hommes qui ne l’auraient pas été il y a 20 ou 30 ans. La faute à la course aux chiffres : si un jeune est refusé dans un diocèse il ira tenter sa chance dans un autre diocèse ou dans une communauté. Au point qu’un évêque qui a quelques doutes sur la solidité d’un impétrant préfère l’ordonner, car incardiné il aura barre sur lui, ce qui ne serait pas le ca s’il était ordonné au sein d’une communauté.

Mgr X confirme le rôle des communautés - qui se considèrent comme une élite cléricale - telles que l’Emmanuel, le Renouveau ou la Communauté Saint Martin dans l’approvisionnement des diocèses en prêtres…à condition que le diocèse soit riche !

Mgr X souhaite que les laïcs puissent participer pleinement à la vie et aux décisions de l’Eglise, encore faut-il qu’il y aient une place ou une autorité, or « vous ne verrez jamais un évêque soutenir un laïc ou un diacre contre un prêtre, même si ce dernier a tort ». Il appelle à une redéfinir la place du prêtre...que les diocèses ne pourront bientôt plus payer !

Le livre fourmille de réflexions, considérations et informations qui montrent que réformer la structure ecclésiale n’est pas une sinécure. On comprend pourquoi Mgr X écrit « qu’être évêque c’est vivre un chemin de croix », et que sa lettre de démission est prête, il suffit de mettre la date !