Homélie Transfiguration du Christ - Jacques Tyrol, diacre permanent

Qu’il est renversant de méditer sur la Transfiguration du Christ à l’heure où son Église, où notre Église est défigurée !

Homélie Transfiguration du Christ – Luc 28b-36

 

Qu’il est renversant de méditer sur la Transfiguration du Christ à l’heure où son Église, où notre Église est défigurée !

La Transfiguration, c’est le visage du Christ qui devient autre pendant qu’il prie. La défiguration, c’est le visage de l’Église qui devient autre pendant qu’une partie de ses membres s’abîme et abîme des personnes fragiles : ici des enfants, là des religieuses empêtrées dans un vœu d’obéissance mal pensé, destructurant.

La Transfiguration, c’est l’identité divine de Jésus qui se révèle dans sa plénitude, dans son accomplissement, dans la blancheur éblouissante de son vêtement. La défiguration, c’est l’identité humaine et pêcheresse de l’Église qui se révèle dans la noirceur opaque et sidérante de crimes et de silences complices.

La Transfiguration, c’est le maître qui donne à ses disciples de percevoir la lumière dont il rayonne.

Quel grand écart entre la Transfiguration du Christ et la défiguration quotidienne de l’Église que nous avons à vivre ! Quel grand écart entre l’identité du Christ et la nôtre !

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C’est bien d’identité dont il est question dans l’évangile de ce jour d’un côté, et dans notre actualité de l’autre. Le visage d’une personne ou d’une institution manifeste une part profonde de son identité. 

Il n’y a qu’à rencontrer des personnes mordues au visage par un chien ou des grands brûlés pour mesurer les problèmes d’identité que génère une défiguration. 

Psychologue clinicien, il m’a été donné d’accompagner pendant un an des personnes dites « cérébro-lésés », victimes de lésions cérébrales suite à des traumatismes crâniens graves liés à des accidents divers : sur la route, chute de toits, etc. Un tel compagnonnage permet de mesurer combien ces personnes à la face à jamais meurtrie font face à de très profonds troubles de l’identité. Qui suis-je ? Les soignants qui les accompagnent, mais les personnes intéressées elles-mêmes ont coutume de dire : « Il est ou je ne suis plus tout à fait le même, mais pas tout à fait un autre non plus ». C’est vertigineux d’être témoin de cela !

Tout comme est vertigineuse la situation dans laquelle nous nous trouvons… Notre Église n’est plus tout à fait la même, mais pas tout à fait une autre non plus. Membres de cette ecclesia, nous ne sommes plus tout à fait les mêmes depuis quelques mois, mais pas tout à fait autres non plus…

Qu’est-ce que l’Église ? Qui sommes-nous puisque l’Église c’est aussi nous ? Certains catholiques ne savent plus comment ils s’appellent ; ils ont honte de l’Église, donc d’une partie d’eux-mêmes. Ils ont envie de fuir, d’apostasier leur foi ! Ils sont ébranlés dans leur identité.

La tête de l’Église, c’est le Christ. Elle est transfigurée en Dieu. Mais son corps, l’Église, est, comme le dit le nom du chanteur, un « grand corps malade ».

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La situation est douloureuse pour chacun d’entre nous car si nous sommes ici, de dimanche en dimanche, c’est sûrement parce que nous avons tous été un jour touchés par le visage et par le regard du Christ sur notre vie.

La situation est douloureuse pour chacun d’entre nous car si nous sommes ici, de dimanche en dimanche, c’est certainement parce que nous avons tous été un jour touchés par des visages d’Église : des prêtres, des religieux(ses), des moines ou moniales et des laïcs. Des personnes que nous considérons comme des êtres rares, qui nous ont révélé chacun à leur façon, par l’éclat de leur visage et de leurs actes, un petit quelque chose de la présence de Dieu dans notre monde.

C’est sûrement à cause de ces témoins et de ce Christ que nous sommes ici, que nous nous sommes mis en route à sa suite, en Église, en communauté, mais aussi au cœur de notre société. Et patatras ! Nous voilà à devoir témoigner et à incarner non pas une Église transfigurée, mais une Eglise défigurée.

Voilà donc qu’avec toutes ces histoires nous sommes mal en point. Si nous espérons que le visage de notre Église, c’est-à-dire celui de chacun d’entre nous et celui de la communauté ecclésiale redevienne autre, qu’il soit transfiguré dans le Christ, il nous faut à nouveau et plus que jamais l’imiter : il nous faut prier.

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La prière n’est certainement pas suffisante… En préparant cette homélie, il m’est venu à l’esprit que nous devrions peut-être, par exemple, à l’échelle de notre paroisse, un soir tous ensemble ou en petits groupes, mettre des mots sur ce que tout cela nous fait vivre ; faire circuler la parole entre nous pour ne pas rester dans la sidération, mais surtout pour apprendre à nous dire les choses dans nos différences et pour participer les uns les autres activement à soigner le visage meurtri de notre Église. Il me semble que si nous organisions quelque chose de ce type, nous ferions œuvre de renouveau, nous apprendrions à nous défaire du cléricalisme, de ce cléricalisme dont nous parle le pape François et qui ne nous permet pas d’être des hommes et des femmes vivants en Église.

Je disais donc que la prière n’est certainement pas suffisante, mais elle reste néanmoins primordiale pour qui a fait l’expérience, au moins une fois dans sa vie, de sa discrète portée. Il nous faut apprendre chacun à notre façon - dans un monastère, dans un groupe biblique ou ailleurs - à devenir des hommes et des femmes priants, à l’image du Christ.

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Si chacun, chacune de nous prie pour les victimes et pour leurs familles parce que depuis tant d’années elles sont blessées au plus profond de leur être…

Si chacun, chacune de nous prie pour le cardinal Philippe Barbarin parce que si, dans la chaîne des responsabilités, il a certes une part qui lui revient en propre, en ces jours il se retrouve certainement dans l’extrême souffrance et devant l’injustice de porter sur son seul nom, sur son seul visage, cette défiguration provoquée bien en amont de lui par une culture du silence qui le précède…

Si chacun, chacune de nous prie pour chaque membre de notre communauté parce que, en raison de ce grand déballage, il ou elle se retrouve dans sa famille ou sur son lieu de travail humilié par les jugements sans concession et les amalgames faciles au sujet de l’Église… Si chacun, chacune de nous prie pour les auteurs de ces défigurations parce qu’ils ne sont pas que d’horribles criminels, mais peut-être aussi d’abord et avant tout des personnes psychiquement malades, des personnes elles-mêmes d’abord et avant tout victimes de ce qu’elles ont fait subir à d’autres…

Si chacun, chacune de nous prie pour lui-même, pour elle-même parce qu’il est trop facile de se donner le beau rôle, mais aussi parce que nous avons tous à nous purifier durant ce carême…

Si chacun, chacune de nous prie pour la société française et les médias parce qu’il est vital que tous puissent reconnaître que ces maux ne sont pas réservés à l’Église et que notre Église reste dans notre société un pilier fondamental… 

Si chacun, chacune de nous, enfin, prie pour ses amis prêtres parce que l’opprobre est jetée sur eux…

Alors, nous pouvons être sûrs, dans la foi, que le visage de notre Église et le nôtre propre deviendront autres, qu’ils pourront re-passer de la défiguration à la Transfiguration.

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Le message existentiel de la Transfiguration de Jésus contemplé dans la prière est tout là : l’homme est appelé dès ici-bas, à une communion réelle avec Dieu, dans un face-à-face avec le Christ ressuscité, resplendissant de sa gloire divine. La vie spirituelle consiste à voir et à recevoir de plus en plus consciemment, dans le corps de l’Église vivifié par l’Esprit, la grâce divine qui sanctifie l’homme, âme et corps.

Déjà, au IIIe siècle, saint Irénée de Lyon - auquel notre diocèse de Lyon particulièrement meurtri aujourd’hui va dédier l’année 2020 - affirmait : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu ! »

 

 

 

Jacques Tyrol, diacre permanent