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Etre baptisé : à quoi cela nous engage ? de Pierre Bezin

" le baptême est l’engagement d’être disciple du Christ, en toute connaissance, responsabilité et liberté, une telle décision ne peut être prise qu’à l’âge adulte."

Le bapteme pierre bezinLe bapteme pierre bezin

 

 Préambule :

« Baptiser » vient d’un mot grec qui signifie plonger, immerger. Le baptême est un rite utilisé dans plusieurs religions. Le baptême de JeanBaptiste exprimait un signe de repentir pour les péchés commis, un signe de conversion pour une vie plus droite, plus honnête, un signe de pardon de la part de Dieu. Une purification. Jadis, et sans doute aujourd’hui encore chez certains peuples, le baptisé était plongé entièrement nu dans une eau courante.

Chez les premiers chrétiens, ce rite a été utilisé dès le début. Mais ce n’est pas le rite qui compte pour eux. Peu importe qu’on se contente de faire couler un peu d’eau sur la tête. L’important, c’est la décision que signifie ce rite.

 Celui qui est baptisé se proclame disciple de Jésus.

 Au premier siècle de notre ère, s’il était Juif, il prenait des distances par rapport à la religion juive. S’il adorait les dieux de Rome ou de sa cité, il s’en séparait radicalement  avec une grande liberté vis-à-vis de ses voisins et même de sa famille parfois. Il n’allait plus au temple, ni au cirque où l’on applaudissait des esclaves qui s’entretuaient. On l’accusait même d’athéisme. Assez vite on a persécuté les chrétiens.

J’insiste sur cet aspect de la liberté de la personne. En général, chaque individu était lié à la religion de sa famille, de sa cité, sans qu’il le ressente comme un esclavage. C’était simplement chose normale. A plus forte raison pour les femmes. Dans la fameuse ville d’Athènes, citée comme un modèle de démocratie, les femmes ne comptaient pas. Or des femmes étaient disciples de Jésus, avant comme après sa mort. Dans les premières communautés chrétiennes, certaines prenaient des responsabilités. Quand Saint Paul et ses compagnons traversent le détroit de la Mer Noire et arrivent à la ville de Philippes, une certaine Lydie insiste pour les prendre en charge chez elle : c’est donc dans sa maison que se réunit l’assemblée des chrétiens. C’est une femme qui en est responsable.  Dans les assemblées, des femmes prennent la parole. Il est vrai que Saint Paul dans ses lettres demande aux femmes de toujours parler la tête couverte ; même chez les chrétiens, les habitudes ancestrales demeuraient vives. Mais en quatre fois, il écrit aussi : « Il n’y a plus chez nous ni homme, ni femme, ni Grec, ni Barbare... » L’égalité homme femme était proclamée très tôt. La foi évangélique était une école de libération. Mais on est revenu pendant des siècles aux vieilles habitudes.

Le baptisé se proclame disciple de Jésus prophète.

Jésus était juif. Il pratiquait sa religion en la critiquant sur bien des points. Travailleur manuel, il a laissé son métier et il a compris qu’il était envoyé par Dieu pour annoncer au monde une bonne nouvelle. Le mot « évangile » signifie bonne nouvelle.

La bonne nouvelle, c’est que Dieu n’est pas celui auquel on pense habituellement dans toutes les religions. Le Dieu tout puissant, créateur et maître de tout, qu’il faut honorer et auquel il faut obéir.

La bonne nouvelle, c’est que Dieu est un père qui aime tous les êtres humains comme ses enfants, qui veut les voir vivre heureux et libres.

Jésus le montre par ses actions et ses attitudes.

Il se préoccupe en premier lieu de ceux qui souffrent, malades et handicapés. Il va vers eux dès qu’on l’appelle. Et sa réputation de guérisseur les attire vers lui.

Il se fait proche de tous ceux qui sont méprisés, rejetés de la société. Ou d’autres religions.

Il proclame « heureux » non ceux qui sont bien considérés parce qu’ils réussissent dans la vie, mais ceux qui souffrent du malheur des autres et s’efforcent d’y remédier.

Il annonce que le Royaume de Dieu est présent dans notre monde, Royaume de justice et de paix, alors que ce qui est surtout visible, c’est l’injustice et les divisions entre les gens et les peuples.

Par-dessus tout, il lance un appel à un amour universel dans toute l’humanité.  « Aimez-vous les uns les autres » est la grande et seule loi qu’il nous donne.

Le mal absolu, pour Jésus, c’est l’amas des fortunes : « Nous ne pouvez pas servir Dieu et l’argent. »

Ce qui compte à ses yeux, ce ne sont pas d’abord les célébrations liturgiques, mais le changement en soi-même pour aimer et servir les autres quels qu’ils soient, et le changement dans les relations sociales, pour que le monde soit moins inhumain, plus humain. La foi chrétienne conduit les chrétiens à renverser les situations à la suite du Dieu auquel ils croient : « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles ; il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. »

Le baptisé est disciple de Jésus crucifié.

Parmi les multiples croyances et religions qui ont rassemblé des peuples au long des millénaires, la foi chrétienne a ceci de spécial et d’absolument unique : elle révèle un Dieu qui devenu homme est mort crucifié sur une croix, en esclave parmi les derniers des derniers, victime d’une condamnation injuste après avoir annoncé un message d’amour universel entre les humains.

La croix est devenue le signe des chrétiens. Elle montre que le Dieu auquel on croit est le contraire d’un Dieu qui utiliserait sa toute-puissance pour dominer le monde. Alors que dans toutes les religions, et même chez les chrétiens, on a mis Dieu du côté des puissants. Les rois de France par exemple étaient sacrés à Reims ou à Saint Denis : ils étaient soi-disant des délégués de Dieu pour le pouvoir. Le Dieu de Jésus est proche des pauvres et de ceux qui souffrent : des migrants par exemple. Pour lui c’est une priorité.

Attention ! La croix n’est pas le signe de la souffrance. On a proclamé pendant des siècles qu’il fallait souffrir pour être proche de Dieu, et que le but de la médecine était de soigner, mais pas de soulager de la souffrance. Or la souffrance est un mal qu’il faut combattre.

La croix est le signe de l’amour. Par son comportement et sa parole Jésus a donné sa vie pour annoncer l’amour de Dieu pour les êtres humains. Il l’a donné jusqu’au bout, jusqu’à la mort. L’amour était pour lui plus important que la religion : les prêtres qui avaient beaucoup de pouvoir l’ont fait condamner.

Le baptisé est disciple de Jésus qui a donné sa vie pour l’amour des hommes.

Le baptisé est disciple de Jésus ressuscité

Ce qui est inouï, incroyable : on n’a jamais vu un être vivant après sa mort. Le chrétien partage la foi de ceux qui avaient connu Jésus homme, qui avaient été conquis par son message et son comportement, jusqu’à sa mort. Dans leur foi, ils sont persuadés que cet homme, Jésus, est Dieu même qui a vécu une vie d’homme, qui vit une vie nouvelle après sa résurrection. Ils le reconnaissent toujours présent parmi eux. Et pour nous, chrétiens du 21°siècle, nous en sommes au même point. Pour nous, comme pour les premiers disciples, Jésus est le Seigneur, invisiblement présent, proche de chacun de nous par une affection surprenante. Il veut notre bonheur à tous ; il désire tellement que notre humanité soit fraternelle.

Puisqu’il est l’un de nous, chaque être humain est revêtu d’une dignité particulière, que l’époque moderne a su reconnaître en proclamant les Droits de l’Homme.

De la foi en la résurrection du Christ découle la foi en la résurrection de chaque être humain pour une vie nouvelle. Etre baptisé, c’est vivre dans l’espérance.

  « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit »

C’est la formule du rite du baptême. Elle est écrite ainsi dans les dernières lignes de l’Evangile de Saint Mathieu. « Allez, dit Jésus, de toutes les nations, faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ».

La formule, qui est toujours la même, était donc connue et dite dans les communautés chrétiennes du premier siècle.

« Au nom de... » signifie que se crée une relation personnelle, une alliance avec les trois personnes divines. Nous apprenons donc que Dieu n’est pas solitaire, mais communauté d’amour, union parfaite en un seul Dieu qui s’adresse à nous de manières différentes.

Pour chaque baptisé, Dieu est un Père, qu’il aime comme l’un de ses enfants. Dieu est un frère : Jésus fait partie de l’immense famille humaine, qu’il appelle à vivre dans une fraternité universelle. Dieu est Esprit, intérieur à chacun de nous pour nous conduire à l’amour des autres.

Durant les premiers siècles de l’ère chrétienne, les évêques et théologiens ont essayé « d’expliquer » la Sainte Trinité, en utilisant des mots de la philosophie grecque, et l’on a défini des dogmes. A notre époque, ces discussions ne nous disent rien. Mais peu importe : chacun prie Dieu à sa manière.

Baptisés dans l’Eglise

Le mot Eglise signifie « assemblée ». Le baptême nous incorpore à l’Assemblée des disciples du Christ. Saint Paul dit qu’elle est « le Corps du Christ », c’est à dire une prolongation de l’histoire du Christ.

Jésus n’a pas organisé lui-même l’Eglise. Il a présenté par sa parole et son comportement une nouvelle image de Dieu, un Dieu humanitaire, proche des gens, en particulier des pauvres, des souffrants, des méprisés. Et il a confié à ses disciples la mission de poursuivre son œuvre, d’annoncer son message d’amour universel. Et pour cela il lui a donné son Esprit.

Ce qui était vrai au temps des premiers disciples est vrai à notre époque. Tous les baptisés, qu’ils soient laïcs, prêtres, religieux et religieuses, sont envoyés aujourd’hui en mission, pour poursuivre la tâche de Jésus : annoncer l’Evangile par notre vie et, lorsque c’est possible, par nos paroles. Tous les chrétiens sont missionnaires.

Pour parler de l’Eglise, Saint Paul emploie deux comparaisons : l’Eglise est un corps et une famille.

L’Eglise est un corps, tourné vers l’extérieur pour entrer en relation avec tous ceux qui nous entourent et avec le monde matériel. Un corps est unifié, mais formé de différents membres, chacun ayant sa fonction. De même dans l’Eglise, chacun peut trouver sa place : responsable d’une communauté, enseignement de la foi, service des plus pauvres, visite des isolés, travaux matériels, célébrations, finances, etc. ...

L’Eglise est une famille, close sur elle-même parce que tous ses membres vivent spirituellement d’éléments communs. Même s’il y a entre eux des différences, il y a une égalité. Saint Paul l’exprime ainsi : « Vous tous qui avez été baptisés en Jésus Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, il n’y a plus l’homme et la femme, car tou,s vous n’êtes qu’un en Jésus Christ ». L’égalité entre tous, c’était en avance sur le féminisme et l’antiracisme d’aujourd’hui.

Remarque personnelle

Il me semble que si le baptême est l’engagement d’être disciple du Christ, en toute connaissance, responsabilité et liberté, une telle décision ne peut être prise qu’à l’âge adulte.

Le baptême des enfants s’est répandu au sixième siècle, et tout au long du Moyen-Age et à notre époque pour certains ; la raison du baptême des bébés n’était guère évangélique : on affirmait qu’un nouveau-né était exclu du paradis. Durant tout mon ministère, j’ai baptisé des enfants : refuser aurait été une insulte à des familles.

Mais des réformes sont possibles. On pourrait inventer une célébration à l’église pour fêter la venue d’un enfant. La famille préparerait la célébration suivant ses goûts, choisissant paroles, lectures, chants, musiques, accompagnée par des chrétiens dont ce serait la mission. Et l’enfant serait lié à l’Eglise sans être disciple du Christ.

Ce serait un grand changement. Mais il y a eu tant de changements en vingt siècles d’Eglise.

 

 

Février 2018

 

Pierre Bezin 

Prêtre du diocèse d’Autun

   

19 rue Maréchal de Tassigny

71100 CHALON SURSAONE

bezin.p@orange.f  

 

      

Date de dernière mise à jour : 17/02/2018