À Lourdes, des évêques attentifs à l’accueil des prêtres étrangers

Par Céline Hoyeau, à Lourdes, La Croix - 6 nov. 2014

 

En dix ans, le nombre de prêtres étrangers en France a presque doublé, passant de 900 à 1600. Ils représentent aujourd’hui 10 % du clergé en activité et jusqu’à 40 % dans certains diocèses, où leur moyenne d’âge (48 ans) dénote nettement avec celle du clergé local (71 ans). « Leur présence devient le quotidien de notre Église, ils nous apportent une ouverture à l’Église universelle et reflètent bien notre monde pluraliste », souligne Mgr Pierre-Yves Michel, évêque de Valence, qui accueille dans son diocèse plusieurs prêtres et religieux d’Afrique et du Vietnam.

Ce bouleversement de la physionomie de l’Église de France nécessite toutefois des conditions d’accueil précises. « Ils sont les bienvenus dès lors qu’ils sont envoyés par leur évêque ! » résume Mgr François Garnier, archevêque de Cambrai, qui reçoit chaque semaine, comme ses confrères, plusieurs demandes individuelles de prêtres étrangers. « À chaque fois, imperturbablement, je réponds que c’est à leur évêque de m’écrire… Car nous avons eu de mauvaises expériences par le passé. »

Originaires de régions pauvres ou en guerre, certains, arrivés hors du cadre d’un partenariat institutionnel entre diocèses, ont eu du mal à rentrer au pays. « À la fois, cela nous rend service, mais nous devons être attentifs à ne pas prendre les forces vives de ces Églises », relève le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux.

« Servir dans les conditions financières strictes du prêtre diocésain »

Ces problèmes sont toutefois de plus en plus rares car l’Église de France a progressé sur la mise en place de conventions. Fixer la durée (six ans non renouvelables, après une période d’essai d’un an), la mission (études, pastorale)… « Quand des prêtres étrangers, connus du diocèse, viennent l’été, je leur demande d’avoir le désir de servir dans les conditions financières strictes du prêtre diocésain, et de ne pas lancer de projet de développement (école, centre de soins…), ou alors en lien avec la commission diocésaine de coopération missionnaire », souligne un autre évêque. « Je ne leur en veux pas, ils doivent parfois subvenir aux besoins de leur famille, mais certains se trouvent des ”mères nourricières” qu’ils appellent “maman”… L’un d’eux est reparti au bout d’un mois et demi avec 9 000 € ! »

 « L’échange se passe d’autant mieux que les relations sont étroites avec l’évêque du pays d’envoi », souligne Mgr Thierry Scherrer, évêque de Laval, qui apprécie que son homologue de Katiola (Côte d’Ivoire) visite chaque année ses prêtres en Mayenne et célèbre avec les paroisses qui les accueillent.

L’intégration culturelle varie en fonction des personnalités et des pays d’origine. « Certains, déroutés par notre contexte de sécularisation, nous trouvent un peu trop ouverts dans l’admission aux sacrements de baptisés éloignés de l’Église », remarque Mgr Scherrer. « Le rapport à l’autorité du prêtre n’est pas le même, le curé en Afrique est considéré comme un notable et parfois, la greffe ne prend pas toujours avec les équipes d’animation pastorale », ajoute Mgr Stanislas Lalanne, évêque de Pontoise.

« Leur expérience différente et riche devrait être encore davantage écoutée »

La conférence des évêques a mis en place depuis une dizaine d’années une cellule d’accueil pour prêtres et religieux étrangers, destinée à faciliter leur accueil, y compris au niveau juridique. À Toulon, où ils représentent 20 % du clergé local et sont à 90 % venus en communauté, Mgr Dominique Rey a créé un service d’accompagnement composé de quatre personnes, laïcs et prêtres, et placé chaque communauté étrangère sous la tutelle d’un prêtre. « Systématiquement, je me rends auparavant dans leur pays d’origine – Colombie, Chili, Brésil… –, pour vérifier qui ils sont. Il m’est arrivé de me tromper et il a fallu les remercier. Une bonne intégration suppose des lieux de relecture et de régulation, mais globalement, ils apportent un enrichissement mutuel, des manières différentes de vivre la foi, un dynamisme missionnaire et vocationnel. »

 « Leur expérience différente et riche devrait être encore davantage écoutée, encourage Mgr Garnier. On voit, en Afrique, des prêtres heureux, entraîneurs et arbitres d’une quantité de petites communautés locales de laïcs qu’ils ne rencontrent que rarement et, pour ce qui relève uniquement de leur sacerdoce, je rêve que nous bénéficions encore davantage de leur témoignage. »

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Date de dernière mise à jour : 15/10/2016